DIFFAMATION ET INJURE : QUE DOIT SAVOIR UN ÉLU OU UNE COLLECTIVITÉ POUR PORTER PLAINTE ?

Les élus locaux et les collectivités territoriales sont souvent confrontés à des attaques verbales ou écrites pouvant relever de l’injure ou de la diffamation. Cependant, la procédure pour déposer plainte dans ces situations n’est pas toujours simple. Entre nécessité de délibération préalable, protection fonctionnelle et distinction entre préjudices, découvrez les étapes clés et les précautions indispensables pour agir efficacement.

Qui peut déposer plainte ?

Lorsqu’un élu ou un cadre territorial est victime d’injure ou de diffamation dans le cadre de ses fonctions, il peut déposer plainte à titre personnel. Dans ces cas, une constitution de partie civile est recommandée pour donner plus de poids à la procédure. Les articles 31 et 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse encadrent cette démarche.

Cependant, pour bénéficier de la protection fonctionnelle, une délibération préalable est généralement nécessaire pour les élus locaux. Il est important de noter que cette protection peut être refusée dans certaines situations, notamment en cas de faute personnelle ou d’actes détachables des fonctions, comme des infractions électorales ou des cas de favoritisme. Ces nuances ont été confirmées par plusieurs décisions de la Cour de cassation et du Conseil d’État.

Une collectivité peut parfois se constituer partie civile pour soutenir un élu ou un agent victime. La loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 permet désormais à une assemblée ou une association d’élus de se joindre à la procédure. Toutefois, pour que la plainte soit recevable, la collectivité doit démontrer un préjudice direct, souvent matériel, distinct de celui subi par la victime individuelle.

Cas particuliers nécessitant une délibération préalable

Certaines infractions, notamment celles visant des « corps constitués » comme les tribunaux ou les conseils municipaux, nécessitent impérativement une délibération préalable avant de déposer plainte. Cette exigence est posée par l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881. En l’absence de délibération, la plainte est jugée irrecevable, ce qui peut être dramatique compte tenu des délais de prescription très courts pour les délits de presse (trois mois).

Les subtilités de la procédure

La rapidité est essentielle dans ces procédures. Les délais pour agir sont très courts, souvent trois mois. Il est donc crucial de relancer régulièrement la procédure pour éviter toute prescription.

Dans le cas de la diffamation, la charge de la preuve repose sur la partie plaignante. Il s’agit notamment de prouver que les propos tenus sont publics et portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée. Pour l’injure, il peut exister des excuses de provocation, ce qui complique encore le dossier.

Protection fonctionnelle : une fausse simplicité ?

La protection fonctionnelle, bien qu’indispensable dans de nombreux cas, comporte des pièges. Elle ne s’applique pas de manière systématique et peut être rejetée par l’administration si l’infraction reprochée à l’élu ou à l’agent est considérée comme une faute personnelle. Ce régime juridique, parfois complexe, nécessite une expertise approfondie pour être bien compris et appliqué.

Agir avec précaution et rigueur

La gestion des plaintes pour injure ou diffamation est une affaire de rigueur et de précaution. Entre la nécessité de respecter les délais, de prouver l’atteinte subie et de naviguer dans le cadre juridique de la protection fonctionnelle, les élus et les collectivités doivent se montrer méthodiques. Une bonne préparation en amont, notamment par des conseils juridiques éclairés, est la clé pour éviter les pièges procéduraux et protéger efficacement les droits des élus et des agents.

Pour aller plus loin

Les élus, confrontés à des situations complexes d’injure ou de diffamation, peuvent parfois vouloir approfondir certains points pour sécuriser leur démarche. Voici trois aspects clés à considérer :

  1. Clarifier les démarches possibles en pratique :
    Avant de déposer une plainte, il est essentiel de bien comprendre les étapes nécessaires, qu’il s’agisse d’une plainte simple ou d’une constitution de partie civile. Détailler les éléments à rassembler, tels que des preuves tangibles de diffamation ou d’injure, et savoir comment rédiger la plainte peut permettre d’éviter des erreurs de procédure.
  2. Différence entre injure publique et privée :
    L’une des clés de la recevabilité d’une plainte réside dans la distinction entre injure publique et privée. Pour être poursuivis au pénal, les propos doivent avoir été tenus publiquement, comme sur les réseaux sociaux, dans un article de presse ou lors d’un événement public. Une injure prononcée dans un cadre strictement privé ne pourra généralement pas faire l’objet d’une procédure. Comprendre cette distinction est indispensable pour éviter des démarches infructueuses.
  3. Les risques liés à un abus de la protection fonctionnelle :
    Bien que la protection fonctionnelle soit un outil essentiel, elle doit être utilisée avec rigueur. Toute tentative d’en détourner l’objectif, par exemple, pour couvrir des actes détachables des fonctions ou des fautes personnelles pourrait entraîner des accusations de détournement de fonds publics. Les élus doivent donc veiller à respecter les règles précises encadrant cette protection, sous peine de s’exposer à des sanctions judiciaires.
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