ACCÈS AUX SERVICES PUBLICS : L’ÉGALITÉ INTROUVABLE

Le troisième rapport du collectif Nos services publics vient de paraître. C’est un document dense, minutieux, mais surtout profondément révélateur d’un malaise que les élus locaux perçoivent depuis longtemps : celui d’un État qui se retire, et de collectivités qui tentent, tant bien que mal, de maintenir le lien entre la République et ses citoyens.

Le rapport montre qu’en quarante ans, le paysage des services publics a été bouleversé. Un tiers des bureaux de poste ont disparu, les antennes de gendarmerie ont reculé de 20 %, et le nombre de guichets de retraite du régime général a été divisé par deux depuis 2013. Les services publics n’ont pas disparu, mais ils se sont déplacés, reconfigurés, dématérialisés, parfois au détriment de ceux qui en ont le plus besoin.

Les auteurs rappellent que la fracture n’oppose plus la France des villes à celle des campagnes. Elle passe entre ceux qui disposent du temps, des compétences et des codes nécessaires pour accéder à leurs droits, et ceux qui n’y parviennent plus. Le numérique, censé rapprocher l’administration de l’usager, est devenu pour beaucoup un nouvel obstacle. Un tiers des usagers déclarent avoir dû utiliser un canal de communication inadapté, et une demande de logement social déposée au guichet a 27 % de chances supplémentaires d’aboutir. Pour le RSA, le taux de non-recours atteint encore 34 %. Ces chiffres disent tout : la frontière de l’inégalité s’est déplacée, elle ne se mesure plus en kilomètres mais en degrés d’autonomie face à la complexité administrative.

Dans ce contexte, les collectivités locales tiennent encore la digue. Elles rouvrent des points d’accueil, financent des espaces France services, embauchent pour accueillir, accompagner, orienter. Mais cette solidarité a un prix. Le rapport rappelle que le fonctionnement d’un espace France services coûte environ 100 000 euros par an, pour une subvention étatique plafonnée à 50 000 euros dès 2026. La moitié de la charge repose donc sur les budgets locaux, déjà contraints. Et naturellement, les collectivités les mieux dotées captent plus aisément les appels à projets et les financements par subvention, tandis que les plus fragiles peinent à suivre.

Cette asymétrie traverse tous les champs du service public. Dans l’éducation, les académies les plus défavorisées sont aussi celles où le manque d’enseignants est le plus fort. Dans la santé, la densité médicale s’effondre dans certains départements tandis qu’elle explose ailleurs. Dans le logement, la construction sociale ne couvre plus la demande, et les délais d’attente s’allongent. L’égalité proclamée n’est plus garantie par le modèle actuel.

Les besoins, eux, évoluent. Vieillissement, isolement, précarité, mobilité accrue : la carte des besoins ne recoupe plus celle des habitants. Les fractures sociales redéfinissent les fractures territoriales. Dans ce contexte mouvant, la question n’est plus seulement celle de l’accès aux services publics, mais celle du sens même de leur mission.

Au fond, ce que révèle le rapport, c’est moins une crise des services publics qu’une crise de confiance : celle d’un pays qui ne sait plus très bien jusqu’où va la responsabilité de l’État et où commence celle des collectivités.

Le rapport complet est disponible sur le site du collectif Nos services publics .

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