ESPACES SANS TABAC : CE QUE LES MAIRES DOIVENT SAVOIR DU NOUVEAU DÉCRET

Plages, parcs, abribus, écoles, équipements sportifs… Depuis le 29 juin, il est interdit de fumer dans de nombreux lieux extérieurs. Pour les maires, c’est une responsabilité de plus, souvent sans moyens supplémentaires. Tour d’horizon.

Un décret aux effets immédiats

Publié au Journal officiel le 28 juin, le décret n°2025-582 est entré en vigueur, sans délai d’adaptation. Il élargit désormais l’interdiction de fumer et de vapoter à de nombreux lieux extérieurs fréquentés par le public, en particulier les mineurs.

La mesure concerne l’ensemble du territoire, y compris les collectivités d’outre-mer, et s’accompagne d’un durcissement des sanctions contre la vente de tabac et de dispositifs de vapotage aux mineurs (qui devient une contravention de cinquième classe).

Les nouveaux lieux concernés

Voici les zones où il est désormais interdit de fumer et de vapoter, conformément aux règles générales en vigueur dans les lieux publics :

  • les zones d’attente des transports collectifs (abribus compris), pendant les heures de service ;

  • un périmètre défini autour des écoles, collèges, lycées, publics ou privés, pendant leurs horaires d’ouverture ;

  • les établissements accueillant des mineurs (crèches, centres de loisirs, internats…) dans leur enceinte et à leurs abords ;

  • les bibliothèques et les équipements sportifs (terrains, gymnases, stades, etc.), dans l’enceinte comme autour ;

  • les plages bordant des zones de baignade, pendant la saison balnéaire ;

  • tous les parcs et jardins publics, qu’ils soient clôturés ou non.

Ce que dit le décret :

« Des extensions des périmètres et des plages horaires (…) peuvent être fixées par arrêté du maire afin de tenir compte des circonstances locales. »
Autrement dit : le maire peut élargir, mais pas restreindre.

Et le vapotage ?
Même si le décret vise explicitement le tabac, les interdictions s’appliquent également aux dispositifs de vapotage. Le Code de la santé publique (articles L.3513-6 et R.3513-2) prévoit déjà l’interdiction de vapoter dans les lieux publics, y compris en extérieur, dès lors qu’ils sont concernés par l’interdiction de fumer.

Une signalétique obligatoire… et à financer localement

Le décret ne s’accompagne pas de moyens spécifiques. Pourtant, il impose une signalisation visible et normalisée à l’entrée de chacun des lieux concernés.

L’arrêté ministériel précisant les modalités (dont le périmètre de 10 mètres autour des accès) sera examiné le 3 juillet par le Conseil National d’Évaluation des Normes. D’ores et déjà, le projet d’arrêté prévoit que :

  • des panneaux types seront disponibles en ligne (ex. : « Plage sans tabac », « Parc sans tabac », etc.) avec une mention obligatoire :

    « Fumer ici vous expose à une amende forfaitaire de 135 € ou à des poursuites judiciaires. »

  • ces supports seront à imprimer par les collectivités, sans prise en charge de l’État ;

  • les panneaux existants (type “Espace sans tabac”) resteront valides 6 mois, s’ils comportent déjà les mentions obligatoires.

L’État estime à 150 000 € sur deux ans le coût pour les collectivités. Un montant jugé très sous-évalué par l’AMF, qui a alerté sur l’impact financier réel pour les communes rurales ou touristiques ayant de nombreux lieux concernés.

Application et contrôle : un flou persistant

C’est une autre difficulté majeure du décret : qui va faire respecter cette interdiction ?
Le texte ne désigne aucune autorité spécifique. Or, l’Association des maires de France avait demandé à ce que les polices municipales ne soient pas chargées du contrôle, déjà très sollicitées.

En l’état, il appartient aux maires, à défaut de clarification, de mettre en œuvre l’interdiction, la signalisation… et potentiellement le contrôle, dans un contexte marqué par une augmentation des incivilités et un besoin croissant de médiation plus que de répression.

Pour les élu·es : ce qu’il faut faire dès maintenant

Même en l’absence de l’arrêté attendu prochainement, les communes sont déjà concernées par le décret. Voici les étapes à envisager :

  1. identifier les lieux concernés sur la commune ;

  2. prévoir l’impression et la pose de panneaux adaptés, dès la publication de l’arrêté ;

  3. informer les usagers, notamment via les sites municipaux, les panneaux lumineux ou les réseaux sociaux ;

  4. prendre, si souhaité, un arrêté municipal pour élargir les périmètres ou horaires, mais pas les restreindre ;

  5. former les agents de proximité, s’ils doivent être amenés à intervenir ou informer.

Le ministère de la Santé a mis en ligne un kit d’accompagnement à destination des collectivités, comprenant une FAQ, des modèles de panneaux et les consignes de signalétique à respecter. L’ensemble est accessible ici.

Une mesure de santé publique, mais une charge de plus

L’intention de santé publique est incontestable. Réduire le tabagisme passif, notamment dans les lieux fréquentés par les enfants, est un objectif largement partagé. Mais la mise en œuvre repose une fois de plus sur les collectivités, sans moyens dédiés, avec des délais serrés, et une application juridiquement encore floue.

L’AMF a exprimé des réserves, tant sur le coût de la signalisation que sur les délais de mise en œuvre et les modalités de contrôle.
Ce décret illustre une nouvelle fois la manière dont l’État confie aux communes des obligations réglementaires sans accompagnement suffisant. Une pratique bien connue des élu·es locaux, mais toujours aussi préoccupante.

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