FONDATION JEAN-JAURÈS : LA RIGUEUR BUDGÉTAIRE NE DOIT PAS ÊTRE UN RENONCEMENT

Quelques jours avant la démission de Sébastien Lecornu, la Fondation Jean-Jaurès publiait un rapport sur la trajectoire budgétaire du pays. Six jours plus tard, le contexte politique lui donne une résonance inattendue : alors que la préparation du budget 2026 se trouve fragilisée, la Fondation défend une rigueur soutenable, compatible avec la justice sociale et l’investissement public.

Une réflexion qui rappelle que la maîtrise des finances publiques n’a de sens que si elle sert la cohésion sociale et les territoires.

Une rigueur à réinventer

Avec une dette publique qui dépasse désormais les 115 % du PIB, la nécessité de maîtriser la dépense est largement reconnue.
Mais, selon la Fondation, la stratégie défendue par les gouvernements successifs est à la fois brutale et irréaliste : ramener le déficit sous les 3 % du PIB dès 2029 supposerait une réduction massive de la dépense publique, qui frapperait d’abord les politiques sociales et les services essentiels.

Le rapport cite le plan budgétaire transmis à la Commission européenne, prévoyant notamment le gel des prestations sociales, la suppression de plusieurs milliers de postes de fonctionnaires et le doublement des franchises médicales. Pour la Fondation, cette logique de contraction rapide reviendrait à fragiliser les plus modestes sans résoudre les causes structurelles du déficit.

À rebours de cette approche, elle propose une trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire plus longue, étalée jusqu’en 2032.
L’idée est simple : maintenir un rythme de réduction du déficit compatible avec la croissance et la stabilité sociale. Les dépenses prioritaires : éducation, santé, transition écologique, protection sociale doivent être consolidées, car elles conditionnent la résilience du pays.

D’autres postes, en revanche, pourraient être rationalisés : certaines aides aux entreprises jugées peu efficaces, des dispositifs de défiscalisation coûteux ou encore des politiques sécuritaires dont le rendement social est discutable.
Cette distinction permettrait de préserver la capacité d’action publique tout en maîtrisant la dépense.

Côté recettes, la Fondation propose d’agir sur la progressivité de l’impôt et sur la réduction des niches fiscales profitant aux plus aisés.
Les plus de 60 milliards d’euros de baisses d’impôts consenties depuis 2018 ont, selon l’OFCE, largement contribué au creusement du déficit. Revenir partiellement sur ces mesures, ou en compenser une partie, redonnerait des marges de manœuvre sans pénaliser la majorité des ménages.

Redonner du sens à la dépense publique

Le rapport insiste aussi sur un enjeu institutionnel : celui de la gouvernance des finances publiques.
La loi organique sur les lois de finances (LOLF), adoptée en 2001 pour moderniser la gestion de l’État, est devenue selon la Fondation un outil essentiellement technocratique.
Elle propose de la “réenchanter”, c’est-à-dire de rendre à la dépense publique sa dimension politique : évaluer les politiques non seulement sur leur coût, mais sur leur utilité sociale, écologique et territoriale.

La Fondation appelle également à redonner au Parlement un rôle réel dans la définition des priorités, afin que les choix budgétaires soient débattus, compris et assumés.
Autrement dit, il s’agit de repolitiser la décision budgétaire, en la sortant d’une logique purement comptable.

Les collectivités, premières concernées

Pour les élu·es locaux, ce débat n’a rien d’abstrait.
Chaque décision budgétaire nationale se répercute directement sur les finances des communes et intercommunalités : dotations gelées, restes à charge en hausse, investissements reportés.
Or, ce sont précisément les collectivités qui assurent les services de proximité, accompagnent la transition écologique et soutiennent la cohésion sociale.

Pour les communes, la rigueur budgétaire ne se mesure pas en points de PIB, mais en projets reportés.
L’augmentation du coût de l’énergie, la revalorisation du point d’indice ou la baisse des aides d’État viennent rogner, année après année, les marges de manœuvre locales.
Dans beaucoup de mairies, il faut choisir : retarder la rénovation d’une école, différer un chantier, réduire une subvention associative.

La Fondation Jean-Jaurès le rappelle : les collectivités assurent l’essentiel de l’investissement public du pays.
Les priver de moyens, c’est freiner l’action là où elle est la plus visible et la plus utile.

En défendant une rigueur compatible avec l’investissement local, la Fondation Jean-Jaurès rappelle que le redressement des comptes publics ne doit pas se faire au détriment des territoires.

La Fondation souligne que la gauche a déjà su conjuguer sérieux budgétaire et progrès social. Entre 1997 et 2002, puis entre 2012 et 2017, les déficits ont reculé sans que l’investissement public soit sacrifié.
Cette mémoire, encore vive dans les collectivités, montre qu’il est possible de faire des choix de rigueur sans renoncer à la solidarité.
Dans une période où le discours économique tend à opposer responsabilité et justice, la Fondation propose une ligne de crête : celle d’une rigueur soutenable, au service de la République sociale et décentralisée.

Le rapport « Budget 2026 : un autre chemin est possible », est à feuilleter ci-dessous.

Rapport : Budget 2026, un autre chemin est possible

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