Sous couvert de concertation, l’État tente une fois de plus de cadrer les finances locales sans en assumer pleinement les conséquences politiques. Les 26 et 27 mai prochains, à l’hôtel de Roquelaure à Paris, quatre groupes de travail doivent, selon le gouvernement, permettre d’« approfondir les discussions » sur la future loi de finances 2026 et « définir ensemble » les mesures à prendre. En réalité, les propositions mises sur la table dessinent une trajectoire déjà bien balisée : celle d’un nouveau tour de vis budgétaire pour les collectivités.
Une visibilité… contre des engagements
Parmi les sujets abordés : la prévisibilité pluriannuelle des recettes. Un chantier réclamé de longue date par les élus, et sur lequel Intercommunalités de France, entre autres, a beaucoup insisté. Le gouvernement y répond, mais en fixant ses conditions : une meilleure visibilité serait accordée aux collectivités… en échange de leur participation à la réduction du déficit public national. Derrière cette logique de « contractualisation financière », les élus reconnaîtront sans peine la réactivation des mécanismes de contrainte déjà à l’œuvre depuis plusieurs années.
Le terme « autonomie fiscale » est soigneusement évité au profit d’un vocabulaire plus technocratique : on parle désormais de « pilotabilité » des recettes. Autant de concepts qui confirment que l’État n’entend pas redonner aux collectivités la liberté budgétaire qu’il leur a retirée peu à peu.
Des pistes inquiétantes
Parmi les autres sujets abordés figurent des propositions qui, sans surprise, suscitent de vives inquiétudes. L’examen du scénario d’une « année blanche » en fonctionnement, par exemple, traduit une volonté de bloquer temporairement l’évolution des dépenses locales. Autant dire une gifle pour les élus qui font déjà face à des hausses de charges imposées.
Sur la masse salariale, autre terrain sensible, le gouvernement suggère de profiter des départs en retraite à venir pour réduire les effectifs. Une logique purement comptable, bien éloignée de la réalité du service public local, où les besoins humains ne cessent de croître, notamment dans les communes et les intercommunalités.
La situation critique des départements
Le dernier groupe de travail est consacré aux départements. Si le gouvernement reconnaît leur fragilité croissante, notamment sur le champ social, il oublie de rappeler que certaines tensions budgétaires sont aussi le fruit de choix politiques récents. Avant d’envisager de nouveaux mécanismes de solidarité ou de mise en réserve, encore faudrait-il clarifier les responsabilités de chacun. Sans remise à plat du financement des compétences sociales, la concertation annoncée risque de rester au niveau des ajustements techniques.
Une vigilance collective nécessaire
Les réunions prévues la semaine prochaines ne seront qu’un premier round. Une seconde série de rencontres est déjà annoncée pour les 18 et 19 juin, avant une conférence financière des territoires prévue en juillet. Ce calendrier resserré impose à tous les élus de rester particulièrement vigilants.
Sous couvert de dialogue, c’est bien une politique d’encadrement budgétaire qui se met en place. Et c’est au nom de l’équilibre national que l’on demande aux territoires de renoncer à ce qui fonde leur capacité d’action. Il ne faudra pas se contenter d’être associés : il faudra peser.