Le Sénat et le défi du 49.3 dans la loi de programmation budgétaire

Le Sénat a approuvé lundi 16 octobre le projet de loi de programmation des finances publiques, mais l’a fait avec une certaine frustration. L’article 49.3, activé par le gouvernement à l’Assemblée nationale, a limité la capacité du Sénat à influencer la trajectoire budgétaire, malgré les amendements proposés par les sénateurs.

La scène au Palais du Luxembourg était inhabituelle, car les sénateurs examinaient un texte que leurs homologues députés n’avaient jamais adopté, ni en première lecture il y a près d’un an (où il avait été rejeté), ni lors de la nouvelle lecture le 28 septembre dernier.

Lors de cette dernière occasion, la Première ministre Elisabeth Borne avait utilisé l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi sans un vote, résistant ensuite à une motion de censure de l’alliance de gauche Nupes.

Bien que l’article 49.3 ne puisse être utilisé au Sénat, l’Assemblée nationale a le dernier mot dans le processus législatif, permettant au gouvernement de réintroduire sa version du texte pour un dernier examen prévu fin novembre, avec la possibilité d’engager sa responsabilité.

Ainsi, l’issue semble peu favorable pour cette loi qui établit la trajectoire budgétaire française pour la période 2023-2027, différente des budgets classiques de l’État et de la Sécurité sociale qui seront examinés dans les prochains jours.

Face à cette situation, le Sénat, majoritairement composé de membres de droite, a tenté d’envoyer un message au gouvernement en votant en faveur de sa propre version du texte, adoptée par 204 voix contre 102.

« Ne pas tenir compte de cela serait de l’obstination », a mis en garde Jean-François Husson, le rapporteur général du budget, qui a exprimé son mécontentement face à l’exécutif qui, selon lui, « ne fait aucun effort ».

La majorité sénatoriale a donc approuvé une réduction plus rapide du déficit.

Le gouvernement souhaite ramener le déficit public de 4,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022 à 2,7 % en 2027, en dessous de l’objectif européen de 3 %. En revanche, le Sénat préconise de revenir sous les 3 % deux ans plus tôt, en 2025, avec un déficit public ramené à 1,7 % en 2027.

Alors que le gouvernement cherche à « stabiliser » l’emploi dans le secteur de l’État et de ses opérateurs, la droite sénatoriale vise une « réduction de 5 % ».

« Comment la France peut-elle espérer peser de nouveau en Europe tout en étant le mauvais élève en matière de finances publiques ? », s’interroge M. Husson.

Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a répondu en disant que « la trajectoire du Sénat ne nous semble ni réaliste ni souhaitable. »

Les financements européens sont également au cœur de cette trajectoire budgétaire : le gouvernement compte sur eux pour obtenir 17,8 milliards d’euros de Bruxelles sur la période 2023-2024, une position contestée par la plupart des partis d’opposition au Parlement.

À la chambre haute, les socialistes désapprouvent à la fois la direction budgétaire du gouvernement, qu’ils considèrent comme une politique de désarmement fiscal préjudiciable à la puissance publique, et celle avancée par la droite sénatoriale, arguant d’une surenchère budgétaire. Sur le plan formel, ils déplorent l’utilisation de l’article 49.3 à l’Assemblée. Ils estiment que le gouvernement l’utilise comme un moyen de dissuasion du travail parlementaire, tout en soulignant que le Sénat ne peut pas être empêché de travailler.

Même au sein de la droite et du centre, certains ont brièvement envisagé d’introduire une « question préalable » qui leur aurait permis de rejeter directement le texte avant de l’examiner. « La question a été posée », a raconté un membre de la majorité sénatoriale. « Cependant, sur un sujet aussi sensible, il est difficile de ne pas peser de manière constructive. »

De son côté, le groupe communiste a déposé une motion en ce sens, mais n’a pas réussi à rassembler une majorité.

Ainsi, la chambre haute a exprimé ses inquiétudes au gouvernement sans grande perspective d’obtenir des concessions en retour. Cette situation risque de se répéter lors de l’examen des textes budgétaires de l’automne, avec de nombreuses utilisations anticipées de l’article 49.3.

Pour aller plus loin : Le dossier législatif

 

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