LES DÉLÉGATIONS DE SERVICES PUBLICS : ENTRE CHOIX STRATÉGIQUES ET RISQUES À MAÎTRISER

Les services publics locaux, au cœur du quotidien des citoyens, sont le reflet direct des décisions des collectivités territoriales. Eau potable, transports urbains, déchets, chauffage, ou encore gestion des équipements culturels et sportifs : autant de domaines essentiels où se pose une question majeure pour les décideurs locaux. Faut-il gérer ces services en régie, ou en déléguer la gestion à des entreprises privées ou publiques ? Cette interrogation est d’autant plus centrale que les impacts financiers, juridiques et opérationnels de ces choix se mesurent sur le long terme.

Dans son rapport de décembre 2024, intitulé « Les délégations de gestion des services publics locaux : enjeux et perspectives », la Cour des comptes dresse un tableau précis des enjeux auxquels font face les collectivités dans la gestion des délégations de services publics (DSP). Ces dispositifs, conçus pour apporter flexibilité et expertise, révèlent toutefois des failles structurelles. Déficit de préparation, déséquilibres contractuels au profit des entreprises délégataires, et une concurrence souvent réduite à un cercle restreint d’acteurs : autant de facteurs qui compromettent parfois l’efficacité et la transparence de ces collaborations.

Des délégations de services publics : entre opportunités et écueils

Mais derrière cette apparente souplesse se dessinent des limites structurelles. Le rapport de la Cour des comptes insiste sur les nombreux écueils auxquels les collectivités sont confrontées lors des délégations de services publics. Insuffisance des études préalables, concurrence limitée à un cercle restreint d’opérateurs, et déséquilibres financiers favorisant les entreprises délégataires : autant de problématiques qui fragilisent l’efficacité et la transparence de ces dispositifs.

Ces constats prennent tout leur sens lorsqu’on examine le cas de Brest. En 2022, la ville a confié à la filiale Brestmêm’ du groupe Elior la gestion de la restauration scolaire et du portage des repas à domicile, dans le cadre d’un contrat de sept ans. Cependant, dès 2024, des difficultés majeures sont apparues : un déficit d’exploitation de 1,3 million d’euros a été constaté, lié en partie à l’inflation, mais également à une sous-estimation initiale des coûts. À cela se sont ajoutés des manquements aux engagements contractuels, notamment sur l’approvisionnement en produits bio et locaux, au grand mécontentement des usagers et des élus.

Face à cette situation, la Ville de Brest a choisi d’anticiper la fin de ce contrat, prévue initialement pour 2029, et de reprendre la gestion en régie publique. En décembre 2024, le conseil municipal a acté la création d’une Société Publique Locale qui assurera la gestion de ces services dès juillet 2026. Cette transition vise à mieux contrôler la qualité des repas, à privilégier les circuits courts et les produits biologiques, tout en offrant une maîtrise accrue des coûts.

Les recommandations de la Cour : reprendre le contrôle

Pour répondre à de telles situations, la Cour des comptes propose un cadre d’action clair pour mieux encadrer les DSP :

  • Évaluer systématiquement les modes de gestion possibles avant de déléguer.
  • Rendre les contrats transparents grâce à des comptes d’exploitation prévisionnels actualisés.
  • Favoriser une concurrence réelle et diversifiée.
  • Insérer des clauses garantissant un retour financier à la collectivité en cas de dépassements économiques.

Les décisions prises à Brest s’inscrivent pleinement dans cette logique. La reprise en régie publique témoigne d’une volonté de répondre de manière pragmatique aux limites constatées de la DSP. Ce cas montre comment les collectivités peuvent, en reprenant le contrôle de services essentiels, concilier attentes citoyennes et impératifs budgétaires.

Un levier stratégique pour les collectivités de demain

Les délégations de gestion des services publics ne sont ni bonnes, ni mauvaises en soi : tout dépend de la manière dont elles sont pensées, négociées et suivies. Le cas de Brest illustre comment une collectivité peut, face à des défis contractuels et financiers, opter pour une reprise en régie publique pour garantir des services plus transparents et mieux adaptés aux attentes des citoyens.

Pour garantir des services publics modernes, accessibles et de qualité, les collectivités doivent impérativement monter en compétence, s’entourer d’une expertise renforcée et suivre rigoureusement l’exécution des contrats. Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport : l’avenir des services publics locaux dépend de la capacité des collectivités à gérer ces délégations de manière éclairée, équilibrée et transparente.

Le rapport « Les délégations de gestion des services publics locaux », publié en décembre 2024, est disponible ci-dessous pour consultation.

Rapport sur les délégations de gestion des services publics locaux

 

 

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