LOGEMENT : TRANSFORMER DES BUREAUX EN HABITATIONS, UNE FAUSSE SIMPLICITÉ ?

Des mètres carrés vacants, une production de logements en chute libre, et une loi de circonstance. Avec l’adoption définitive de la proposition de loi visant à faciliter leur transformation en logements, les élus locaux retrouvent une constante : des responsabilités supplémentaires, mais toujours pas de réponse à la hauteur de la crise.

Le Parlement a définitivement adopté jeudi 5 juin la proposition de loi portée par le député centriste Romain Daubié visant à faciliter la transformation de locaux d’activité en logements. Ce texte, qualifié de technique par ses rapporteurs, entend lever certains obstacles juridiques qui freinaient encore les projets de reconversion. Il intervient dans un contexte de crise aiguë du logement, aggravée par la baisse historique de la construction neuve et les exigences de sobriété foncière.

Ce constat est bien connu des élus locaux. La reconversion de bâtiments vacants est depuis plusieurs années une piste explorée par les mairies et les intercommunalités pour tenter de répondre à la demande. Si cette loi permet d’officialiser certains assouplissements, elle ne constitue en rien une réponse structurelle à la situation actuelle. Les moyens font défaut, les équilibres économiques sont précaires, et les collectivités se retrouvent en première ligne, une fois encore.

Un texte qui légalise ce qui se faisait déjà

Le principal apport du texte réside dans la possibilité pour les maires de déroger ponctuellement aux règles du PLU afin d’autoriser des changements de destination vers de l’habitat. Cette évolution pourra intéresser certains territoires, à condition que les porteurs de projets soient solides et que les services communaux puissent suivre.

La loi élargit également le périmètre des bâtiments concernés, incluant désormais les hôtels, commerces, garages ou bâtiments agricoles désaffectés. Elle introduit par ailleurs la possibilité d’imposer une servitude de résidence principale, pour éviter que les logements issus de ces transformations alimentent les meublés touristiques.

Des dispositions spécifiques concernent aussi le logement étudiant, avec l’ouverture aux marchés de conception-réalisation pour les CROUS et des bonus de constructibilité désormais étendus aux opérations de transformation.

Des responsabilités supplémentaires sans moyens nouveaux

Les opérations de transformation qui augmentent la surface des bâtiments seront désormais soumises à la taxe d’aménagement. Cette mesure est présentée comme un outil de financement des équipements publics induits. Mais cette fiscalité reste partielle et n’offre pas les garanties nécessaires aux communes pour engager des projets complexes.

D’un point de vue économique, les obstacles restent majeurs. Les coûts de reconversion, liés aux adaptations techniques, à la structure des bâtiments ou encore à la perte de surface utile, dépassent souvent ceux de la construction neuve. En dehors des grandes métropoles, le modèle économique de ces opérations est rarement viable.

Les élus ont pu être associés à certaines étapes parlementaires, mais le texte ne corrige pas les déséquilibres. Il n’apporte ni ingénierie, ni enveloppe, ni visibilité. Les blocages liés à la constructibilité ou aux contraintes techniques demeurent. Et les maires savent que l’absence de financement adapté pour les écoles, les crèches ou les réseaux continuera de peser sur leurs arbitrages.

Une politique du logement toujours aussi fragmentée

Le texte introduit un permis de construire à destinations multiples dont la durée de validité a été portée à dix ans, prorogeable deux fois. Pour éviter les dérives, la loi confirme un droit de regard accru des collectivités. Les maires conservent leur pouvoir d’avis conforme sur les dérogations. Ils peuvent imposer la désignation d’une destination initiale, et s’opposer à toute prolongation incompatible avec les orientations d’aménagement.

Ces garde-fous étaient nécessaires, mais ils ne suffisent pas. Le vote de ce texte ne répond en rien aux causes profondes de la crise du logement. Il ne compensera ni la chute de la production de logements sociaux, ni l’explosion des délais d’attente, ni la raréfaction de l’offre dans les territoires.

La reconversion de bureaux, bien que pertinente dans une logique de sobriété foncière, ne produit que deux mille logements par an. Une goutte d’eau.

Pour les élus locaux, ce type d’outil ne vaut que s’il s’inscrit dans une action cohérente, articulée aux besoins réels, aux financements disponibles, et à une volonté claire de reconstruire un service public du logement à la hauteur des enjeux. Le texte a désormais force de loi. Il s’appliquera dès sa promulgation, sans attendre d’autres votes.

Pour aller plus loin :
Le texte de la proposition de loi adoptée est consultable ici.

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