Adopté à l’approche de la clôture budgétaire, le projet de loi de finances de fin de gestion referme l’exercice 2025 et offre une lecture plus sincère qu’il n’y paraît de l’état réel des finances publiques. Ce texte, rarement mis en avant, livre souvent davantage d’enseignements que la loi de finances initiale. Il dévoile, derrière les chiffres et les réaffectations, ce que l’État choisit de préserver à l’heure d’aborder 2026.
Le maintien du déficit public à 5,4 % du PIB constitue le premier signal envoyé. Ce taux n’a rien d’un retour à meilleure fortune, mais il dit la volonté du gouvernement de conserver un minimum de stabilité après deux années de décalages majeurs entre prévisions et exécution. Le déficit budgétaire de l’État, estimé à 131,6 milliards d’euros, se révèle légèrement plus favorable qu’annoncé en début d’année. L’écart positif reste modeste et ne doit pas masquer la réalité d’une trajectoire qui demeure étroite. Il repose en grande partie sur la maîtrise des enveloppes ministérielles et sur une détente conjoncturelle de la charge de la dette.
Autour de ce cadrage général, une série d’ajustements vient compléter la copie de fin d’année. Trois milliards d’euros sont ouverts pour couvrir les besoins immédiats et éviter les impasses habituelles de décembre. Ils concernent à la fois les prestations sociales versées en fin d’année, la hausse des coûts de l’énergie, la saturation de l’hébergement d’urgence ou encore certaines dépenses liées aux Outre-mer. Ces rattachements de crédits, certes attendus, témoignent d’un exercice budgétaire toujours piloté au plus serré, où la moindre tension peut fragiliser la fin de gestion.
C’est dans ce contexte contraint que les choix du Parlement prennent tout leur sens. Plusieurs priorités touchant directement les territoires ont été renforcées. Les CPER bénéficient d’un apport supplémentaire, un geste important alors que de nombreux projets locaux dépendent de ces cofinancements pour avancer. Les centres municipaux de santé, de plus en plus sollicités face aux déserts médicaux, voient leurs moyens consolidés. Les associations engagées auprès des femmes victimes de violences, dont les collectivités soutiennent largement l’activité, bénéficient elles aussi de crédits additionnels. La présence postale, régulièrement menacée dans les zones rurales, est protégée, contre la trajectoire initiale qui prévoyait une réduction des moyens. À travers ces choix, se dessine une carte des priorités que l’État refuse d’affaiblir, même à enveloppe constante.
Car il ne s’agit pas d’une extension des dépenses publiques. Chaque ouverture de crédit est compensée par une annulation sur d’autres programmes. Ce jeu d’équilibre dit la réalité du moment : une dépense maîtrisée, mais hiérarchisée, où certains piliers de l’action publique locale sont préservés au prix de renoncements ailleurs. Cette logique de redistribution interne, plutôt que de croissance budgétaire, éclaire précisément la manière dont l’État arbitrera en 2026.
Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis du 31 octobre, estime d’ailleurs la trajectoire crédible. L’appréciation est prudente. Elle signifie que le déficit à 5,4 % est atteignable, mais que toute dérive, même limitée, pourrait compromettre l’objectif. La fin de l’année devra donc être exécutée sans à-coups et l’entrée dans 2026 se fera sans coussin de sécurité. Les collectivités, qui préparent actuellement leurs budgets, savent combien cette donnée pèse sur les projections et les investissements à programmer.
Dans ce paysage, le PLFG 2025 offre un point d’appui non négligeable. Il ne promet pas de nouveaux moyens. Il ne masque pas non plus les tensions structurelles. Mais il clarifie ce qui restera tenu malgré les contraintes. Les cofinancements des CPER, les actions de prévention et de santé de proximité, le soutien aux associations travaillant auprès des publics fragiles ou encore la présence postale figurent parmi les priorités maintenues. Pour les élus, cette lisibilité constitue un repère dans un environnement financier incertain.
En refermant 2025, ce texte suggère en filigrane la méthode retenue pour l’année à venir : une dépense publique contenue, mais quelques piliers territoriaux préservés pour éviter que la contrainte ne se transforme en rupture. Dans une période où les communes et intercommunalités finalisent leurs arbitrages, l’indication n’est pas anodine. Elle signifie surtout qu’aucune manœuvre nouvelle n’est à attendre du côté de l’État. L’année 2026 s’ouvrira sans marge supplémentaire, mais avec quelques priorités clairement identifiées, dont les élus pourront se saisir pour sécuriser leurs projets, à défaut d’un souffle budgétaire plus large.


