« Prévention, éducation, cohésion sociale : les meilleures réponses »

Interview de Christophe Rouillon, maire de Coulaines (72) et vice-président de l’AMF

Dans le contexte terroriste qui secoue la France depuis de longs mois désormais, on voit bien que les maires sont en première ligne aux côtés de l’État. Comment vit-on cette nouvelle donne quand on est maire de Coulaines ?
Coulaines, c’est une ville de plus de 7 000 habitants, de l’agglomération du Mans et qui compte 50 % de logements sociaux. Elle est classée dans les 100 villes les plus pauvres de France. Quand on parle de la menace djihadiste, dans ma commune, je ne l’ai jamais vue. J’ai le sentiment que l’on est face à un adversaire insaisissable, dont la présence n’est pas avérée.
Néanmoins, il faut prendre au sérieux cette menace diffuse. Ma réponse a été de continuer à mener des politiques de prévention. Après les attentats, nous avons organisé des moments de rassemblement républicains dans la ville et dans les écoles. Je suis allé à la rencontre des CM2 pour échanger avec eux. J’y ai vu des enfants issus de l’immigration et notamment des zones de guerre qui sont restés très solidaires de la nation. On a aussi mis en place un rallye citoyen (vers le commissariat, la caserne des pompiers...) pour les CM1 et les CM2. On a vu de belles rencontres et de jeunes citoyens concernés.

Les attentats ont relancé le sujet de la vidéosurveillance, celui du port d’arme des policiers municipaux.... Comment y avez-vous répondu ?
Je ne suis pas pour ces réponses. La vidéosurveillance partout, nous n’avons pas les moyens et on rentre alors dans un engrenage qui n’a pas de limite. Je préfère arbitrer en faveur de l’éducation, du sport et de la cohésion sociale. Aujourd’hui, c’est 50 % de mon budget municipal. Et je continue à penser que c’est la meilleure manière de lutter contre la radicalisation. J’ai néanmoins investi pour sécuriser les écoles (visiophone et système d’alerte interne). Je fais également intervenir une société de gardiennage pour les événements sur la voie publique. Nous avons un dialogue permanent avec l’État sur ces points même si je pense qu’il faudrait qu’il nous donne plus de moyens, que l’on puisse embaucher du personnel pour coordonner toutes ces nouvelles questions qui se posent à nous. Car il faut agir avec prudence et efficacité... ne pas se tromper... ne pas stigmatiser.

Sur cette question, vos personnels sont-il formés ?
Ils auront en janvier une formation sur la laïcité. C’est important de savoir placer le curseur pour qu’il n’y ait pas d’erreur dans l’appréciation des situations concrètes, pour savoir comment réagir. Ce qui fonctionne c’est le travail collectif en réseau avec tous les acteurs.

Vous parliez de laïcité. Quand on est maire, comment gère-t-on au quotidien ce principe de laïcité fin 2016 ?
Il faut rester ferme sur les valeurs de laïcité et de la République et mettre des barrières extrêmement strictes (pas de voile pour les agents publics notamment) mais savoir faire preuve d’une certaine souplesse dans la réaction.

En matière de prévention de la radicalisation, la clé ne se trouve-t-elle pas dans les écoles ? On sait qu’internet est la principale source d’enrôlement des jeunes. Les villes n’ont-elles pas un rôle à jouer dans l’éducation aux médias numériques pour acquérir les bons réflexes pour une consommation critique des contenus (dans le cadre des TAP par exemple) ?
Si bien sûr ! Mais cela commence à la maison déjà, en interdisant aux enfants, lorsqu’ils sont petits et seuls dans leurs chambres, des écrans connectés. Il faut garder le dialogue dans la cellule familiale et détecter les signes d’isolement qui peuvent émerger. Je pense, en outre, qu’il faut faire des formations sur l’utilisation d’internet dans les écoles et au collège. Nous l’avons fait dans le cadre du contrat éducatif local, dans nos établissements, avec des spécialistes, à destination des jeunes mais aussi des parents. Nous avons eu beaucoup de monde, la démarche a été bien accueillie et nous allons continuer. Quant aux TAP, je pense qu’ils sont cruciaux pour développer un esprit cartésien et ouvert et c’est ainsi qu’on répondra à nos jeunes.

 

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