RÉCONCILIER PETITES COMMUNES ET COMMANDE PUBLIQUE : UN CHANTIER URGENT

Dans le Finistère, comme dans toute la France, la commande publique pèse près de 400 milliards d’euros par an, dont 80 % sont réalisés par les collectivités territoriales. Pourtant, derrière ce chiffre impressionnant, se cache un vrai casse-tête pour des milliers de petites communes, souvent démunies face à la complexité des démarches et aux contraintes légales. Résultat : élus et agents, avec des moyens limités, ont du mal à gérer leurs marchés, ce qui peut ralentir des projets indispensables au développement des territoires.

Pour répondre à ce problème, le Sénat a chargé une commission d’enquête, présidée par Simon Uzenat, sénateur socialiste du Morbihan. Pendant plusieurs mois, ces élus ont examiné les pratiques, entendu les acteurs concernés et analysé les difficultés. Leur rapport, qui rassemble 67 recommandations dresse un constat sans détour et trace des pistes pour avancer.

Un chiffre illustre bien la situation : moins de 10 % des petites communes ont un acheteur professionnel dédié. Dans le Finistère, où ces petites collectivités sont nombreuses, cela signifie que des élus ou agents polyvalents doivent souvent gérer ces dossiers complexes sans toujours avoir toutes les compétences nécessaires. La lourdeur des procédures et leur complexité multiplient les risques d’erreurs ou de blocages.

Pour alléger cette charge, la commission suggère de simplifier les règles qui encadrent les groupements de commandes entre communes et intercommunalités. Ces coopérations existent déjà, mais elles restent trop rigides, notamment pour intégrer ou retirer un membre. Rendre ces regroupements plus souples permettrait de partager les compétences, professionnaliser les équipes et gagner en efficacité d’achat. C’est particulièrement important dans un territoire éclaté comme le nôtre, où la coopération entre communes est essentielle.

Mais la commande publique ne se limite pas à la gestion administrative. Elle doit aussi répondre aux urgences écologiques. Dès août 2026, la loi Climat et résilience exige que tous les marchés intègrent des critères environnementaux. Une grosse évolution pour les pratiques locales. Pourtant, les outils indispensables, comme ceux pour évaluer le coût complet des produits, ne sont toujours pas disponibles. De plus, la formation des élus et agents, nécessaire pour accompagner ces changements, reste largement insuffisante. Ce décalage entre l’objectif et les moyens est un signe que l’État n’a pas encore pleinement joué son rôle d’accompagnement.

Sur le plan économique, la commission s’appuie sur un modèle américain, le « Small Business Act », qui réserve une part importante des marchés publics aux petites entreprises. Elle propose de suivre cette voie en Europe, avec pour objectif que 30 % des marchés soient attribués aux TPE et PME. Pour les élus locaux, souvent engagés dans le soutien à l’emploi et à l’économie de proximité, cette proposition est un espoir. Dans un contexte de compétition mondiale intense, miser sur les circuits courts et les entreprises régionales devient une question de survie autant qu’un enjeu social.

Un autre aspect, souvent oublié, est la protection des données sensibles des collectivités. Beaucoup sont stockées sur des serveurs étrangers, sans garanties solides contre les risques d’ingérence. La commission recommande des mesures strictes : inclure des clauses pour éviter la soumission aux lois étrangères, privilégier des solutions souveraines, et renforcer le rôle de l’Ugap, la centrale d’achat nationale, pour coordonner cette politique. Ce sujet, technique en apparence, touche pourtant directement la confiance que les citoyens accordent à leurs institutions.

Pour que ces propositions ne restent pas sur le papier, la commission insiste sur un pilotage national solide. Elle veut que le Premier ministre prenne la main, soutenu par un comité interministériel réunissant tous les acteurs, et qu’un suivi régulier soit fait au Parlement. Ce dispositif est essentiel pour garantir que les communes, surtout les plus petites, ne soient pas laissées de côté face à ces enjeux complexes.

Pour le Finistère, département marqué par ses nombreuses petites communes, ce rapport arrive au bon moment. Partager les ressources, alléger les démarches, former les équipes, soutenir l’économie locale et protéger les données : autant de leviers pour transformer la commande publique d’un frein en un moteur au service des territoires.

Retrouvez ci-dessous la synthèse du rapport sénatorial, par la commission d’enquête sur la commande publique.

Synthèse commande publique

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