REP « emballages ménagers » et « papier » : la loi est publiée

L’obligation de Responsabilité Élargie des Producteurs (REP) implique d’adhérer à un éco-organisme, de lui verser une contribution financière pour la prévention et la gestion des déchets issus de ces produits, et de disposer des informations minimales sur les produits vendus à déclarer à l’éco-organisme.

Qui est soumis au REP ?

Le dispositif de REP implique que les acteurs économiques (fabricants, distributeurs, importateurs) sont responsables de l’ensemble du cycle de vie des produits qu’ils mettent sur le marché, de leur éco-conception jusqu’à leur fin de vie.

Comment fonctionne une REP ?

Le principe est simple : celui qui fabrique, qui distribue un produit ou qui importe un produit doit prendre en charge sa fin de vie. Le producteur et le distributeur doivent ainsi financer, organiser et mettre en place les solutions de collecte, de réutilisation ou de recyclage appropriées pour son produit.

Après des débats assez largement transpartisans une commission mixte paritaire positive, la loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) d’emballages ménagers et de papier a été publiée au JO ce 25 avril. Ce texte, dont les députés Renaissance sont à l’initiative, reprend pour l’essentiel le compromis trouvé au Sénat pour maintenir la presse dans le giron de la filière REP ainsi fusionnée, et éviter un manque à gagner pour les collectivités territoriales.

Si les simplifications administratives et synergies en matière d’écoconception attendues de la fusion des deux filières du bac jaune ont rapidement fait consensus, les débats se sont cristallisés sur l’exonération de la presse de la REP, devant la levée de boucliers des collectivités. Une telle réduction du champ de la filière de REP aurait en effet pu créer « un précédent très dangereux quant à l’avenir du principe pollueur-payeur ».

Trois associations (Amorce, le Cercle national du recyclage et Intercommunalités de France) avaient alerté « sur l’impact financier qu’une telle exonération de la presse aurait sur le service public de gestion des déchets, alors même qu’à partir du 1er janvier 2023, grâce à la loi Agec, les collectivités auraient dû bénéficier des contributions de ces entreprises pour gérer les déchets générés » ( 22 à 26 millions d’euros en 2023).

Pour rappel, le système existant de la « contribution en nature » (mise à disposition d’encarts publicitaires sur le geste de tri), en contradiction avec la directive (UE) 2018/851, devait en théorie prendre fin au 1er janvier 2023 en application de la loi Agec. 

La solution retenue par le texte final se veut donc équilibrée, en « conciliant de manière plus satisfaisante protection du service public de gestion des déchets et préservation du secteur de la presse ». Son article 1er prévoit d’appliquer des éco-modulations sous forme de primes accordées par les éco-organismes pour les produits assujettis à la nouvelle REP fusionnée, qui contribueront à informer le public sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, et sous réserve du respect de critères de performance environnementale fixés par décret. Une façon détournée de faire perdurer le système existant de contribution en nature tout en prenant des précautions au regard du droit européen. À l’Assemblée nationale, le rapporteur Masséglia, n’exclut pas que ce texte donne lieu à des décisions de justice « du fait de la zone d’ombre dans laquelle nous nous sommes placés ». 

Parmi ces critères figurent : « l’écoconception, l’incorporation de matières recyclées et l’élimination de substances susceptibles de limiter la recyclabilité ou l’incorporation de matières recyclées ». Le bénéfice de ce bonus est également conditionné au fait que les dispositifs d’information d’intérêt général du public « ne conduisent pas à augmenter la quantité d’emballages ou de papier graphique mis sur le marché », ajoute le texte. Il est aussi précisé qu’ils ne pourront pas avoir de « visée publicitaire ou promotionnelle ». Les critères de modulation prévus à l’article L.541-10-3 du code de l’environnement pourront continuer à s’appliquer aux produits assujettis à la filière REP d’emballages ménagers et de papier. 

L’article 2 est une disposition d’exécution, qui prévoit l’entrée en vigueur rétroactive le 1er janvier 2023 et, précise que les agréments des éco-organismes concernés devront être mis à jour au plus tard le 1er janvier 2024, date avant laquelle leur renouvellement est prévu.

Enfin, l’article 3 garantit un suivi effectif des impacts de la loi, en particulier celui de la modulation des contributions financières de la filière REP pour la presse, par le biais d’un rapport que le gouvernement devra remettre au Parlement.

Ce dispositif d’éco-modulations devrait être financièrement « neutre » pour le service public de gestion des déchets, car les primes versées devraient être compensées par la filière REP.

Pour Stéphane Delautrette (Socialistes et apparentés) qui défendait une contribution minimum de la presse à la filière REP en numéraire afin de limiter la participation des autres acteurs, il redoute un « effet boule de neige sur les autres filières ». Une éco-modulation qui aura néanmoins des conséquences sur les autres acteurs de la filière. Il se demande « Qui paiera la facture de 20 millions d’euros laissée par la presse ? » ajoutant qu’ »en ouvrant la possibilité pour la presse de convertir intégralement sa contribution financière en prestations, on prend le risque d’un important manque à gagner pour l’éco-organisme Citeo, à moins d’une répercussion de l’ensemble des coûts sur les autres metteurs en marché.

Pour le député Vatin (LR) « La moins mauvaise solution consistait à compenser cet effort de la presse par une augmentation équivalente des aides de l’État à celle-ci. Cela aurait exigé que le gouvernement mette la main au portefeuille et verse 20 millions d’euros ».

Autre incertitude, il a été acté à la dernière minute en CMP de renvoyer au décret la détermination du niveau de prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets. Jusqu’ici, le code de l’environnement (le III de l’article L.541-10-18) fixait ce taux à 80% pour les déchets d’emballages ménagers et à 50% pour les déchets d’imprimés papiers et de papiers à usage graphique. La réponse est désormais du ressort du pouvoir réglementaire.

Pour le sénateur Fernique (groupe Écologiste), « En renvoyant le sujet à un décret, on ouvre la voie à des négociations entre acteurs sur la répartition de la contribution globale : une facture de l’ordre de 950 millions d’euros au total pour l’ensemble de la nouvelle REP. Tout l’enjeu est de faire progresser les versements aux collectivités… « Pour 2023, les pouvoirs publics ont évalué à environ 105 millions d’euros la somme que devrait verser Citeo aux collectivités pour couvrir 50% des coûts des déchets papier. En 2021, cette filière a généré seulement 63 millions d’euros. Cela fait tout de même un écart », a-t-il précisé.

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