Assumer un mandat local est un engagement de cœur et de rigueur. Cependant, qu’en est-il lorsque les obligations juridiques des élus entrent en conflit avec leurs réalités quotidiennes ?
L’engagement d’un élu local est une fonction qui va bien au-delà de l’honneur, impliquant des responsabilités concrètes et souvent juridiquement contraignantes. Récemment, plusieurs décisions de tribunaux administratifs ont clarifié les conséquences potentielles du non-respect de certaines obligations municipales, soulignant ainsi l’importance de concilier ces devoirs avec les réalités personnelles des élus.
Fonctions obligatoires et conséquences du refus
La législation impose certaines fonctions obligatoires aux conseillers municipaux, notamment par les articles L. 2121-5 et R. 2121-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). L’article L. 2121-5 du CGCT stipule que tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, refuse de remplir une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois, est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif, souvent sur saisine du maire. Ces fonctions incluent notamment la présidence d’un bureau de vote et le rôle d’assesseur.
Un cas notable est celui du Tribunal Administratif de Besançon (affaire n° 2200827), où des élus avaient refusé de servir comme secrétaires lors des élections présidentielles. Le tribunal a confirmé que la fonction de secrétaire n’est pas obligatoire pour les conseillers municipaux, contrairement à celles de président ou d’assesseur de bureau de vote, qui sont des fonctions dévolues par la loi. Ainsi, le refus de servir comme secrétaire ne peut justifier une démission d’office.
Dans cette même affaire, le maire de Béthoncourt a demandé la démission d’office de six conseillers municipaux pour leur refus de tenir des bureaux de vote lors des élections présidentielles de 2022. Le tribunal a examiné chaque cas individuellement :
- Une conseillère municipale a été déclarée démissionnaire d’office car elle n’a pas fourni de justificatifs valables pour ses absences. Bien qu’elle ait mentionné un déplacement sportif et des vacances, elle n’a pas présenté de preuves concrètes pour justifier son absence.
- Une autre conseillère municipale a été exonérée de la démission d’office car le tribunal a déterminé que la fonction de secrétaire n’est pas obligatoire pour les conseillers municipaux.
- Un conseiller municipal a été exonéré parce que bien qu’il ait été absent lors du second tour des élections présidentielles, il avait une excuse valable puisqu’il devait rester au chevet de son épouse malade. De plus, le tribunal a noté que le maire n’avait pas suivi correctement la procédure de convocation et d’avertissement.
- Un autre conseiller municipal a également été exonéré car, bien qu’il ait été absent, il avait dû assister aux obsèques de son frère à l’étranger lors du premier tour des élections et avait respecté les protocoles sanitaires lors du second tour. Le tribunal a jugé que ses absences étaient justifiées.
Exemples de justifications acceptées par les tribunaux
Les tribunaux examinent minutieusement les justifications avancées par les élus pour déterminer leur légitimité. Ils exigent une documentation précise et justifiée des absences, reconnaissant les raisons professionnelles, de santé ou familiales impérieuses comme des motifs valables, pour autant qu’elles soient dûment étayées.
Par exemple, une élue de Mantes-la-Jolie avait refusé d’assumer le rôle d’assesseur aux élections européennes en raison de ses obligations professionnelles spécifiques d’aide à domicile. Le Tribunal Administratif de Versailles a jugé cette justification légitime et a rejeté la demande du maire de déclarer cette élue démissionnaire d’office (affaire n° 2300221).
En fin de compte, l’équilibre entre devoirs électifs et réalités personnelles demeure un défi constant pour les élus locaux. La transparence et la communication ouverte restent les clés pour maintenir la confiance des citoyens dans nos institutions démocratiques.