Jeudi 26 juin, les députés socialistes ont déposé une motion de censure contre le gouvernement. Au-delà de son issue probable, c’est un signal politique fort qui en dit long sur les méthodes de décision à Paris et leur écho dans les territoires.
« Trahison ». Le mot est fort, assumé, revendiqué même. C’est celui employé par Boris Vallaud et les 66 députés du groupe Socialistes et apparentés pour qualifier l’attitude de François Bayrou dans l’échec du « conclave » sur les retraites. L’idée initiale : permettre aux partenaires sociaux et au Parlement d’ouvrir enfin un vrai débat, sans tabou, y compris sur l’âge légal de départ à la retraite. La réalité : une concertation verrouillée d’avance, vidée de sa substance, et une promesse reniée.
Cette méthode faussement ouverte, vraiment unilatérale, n’a rien de nouveau. Elle est même devenue la marque de fabrique d’un pouvoir qui prétend dialoguer mais décide seul, qui consulte sans écouter, qui s’engage puis se dédit. Ce que les parlementaires socialistes dénoncent dans l’hémicycle, les élus locaux le vivent aussi, dans leurs relations avec les services de l’État, et parfois dans des concertations où les marges de discussion sont très réduites.
« Dialogue » ou monologue d’État ?
Le gouvernement avait laissé croire à une possible réouverture du débat sur les retraites, notamment sur la borne d’âge. Mais très vite, François Bayrou a lui-même fermé la porte à toute remise en cause des 64 ans. Les syndicats ont claqué la porte. Le Parlement n’a rien vu venir. Et les députés PS ont choisi d’alerter, via une motion de censure. Symbolique, peut-être. Mais salutaire.
Dans le courrier adressé au groupe socialiste en janvier, le Premier ministre promettait une discussion sincère. Six mois plus tard, ce sont les mêmes qui dénoncent une parole trahie. La rupture de confiance est là. Et elle dépasse la question des retraites.
Une méthode qui heurte aussi les territoires
Appels à projets aux critères opaques, baisses de dotations annoncées sans concertation, lois votées sans évaluation locale de leurs conséquences : la verticalité dénoncée à l’Assemblée est aussi celle que subissent les communes et intercommunalités. Le « dialogue » État-collectivités devient un exercice de style. Le contrat devient injonction. L’écoute devient relégation.
Les élu·es socialistes le rappellent : l’efficacité d’une réforme ne se mesure pas à la vitesse avec laquelle elle est imposée, mais à la capacité collective de la construire. Et cela vaut autant dans les territoires qu’à Paris.
Un avertissement sans frais ?
Le gouvernement ne tombera sans doute pas lundi. Le Rassemblement national attend son heure à l’automne, lors du débat budgétaire. Les forces de gauche n’ont pas trouvé d’accord sur une motion commune. Mais au-delà de l’addition des voix, c’est bien le message démocratique qui compte.
Quand l’État trahit la parole donnée à ses propres députés, que peut espérer un maire face à un préfet ? Quand une réforme majeure comme celle des retraites est verrouillée d’avance, que vaut encore la parole publique ? Et que restera-t-il de la démocratie représentative si même la représentation nationale est contournée ?