Au fil des séances, un contraste se creuse. D’un côté, une majorité départementale qui enchaîne les annonces, les appels à projets, les plans thématiques souvent lancés sans concertation, ni lisibilité. De l’autre, un groupe d’opposition qui ne se contente pas de critiquer, mais tente de remettre le débat sur les rails de la cohérence, de la responsabilité, et du terrain.
Lors de la dernière plénière, le 26 juin les élus de Finistère & Solidaires ont porté une série d’interventions qui, mises bout à bout, dessinent un fil rouge : celui d’une autre manière de gouverner. Une manière plus exigeante, moins soucieuse d’affichage, plus attachée aux compétences réelles du Département qu’à sa projection symbolique.
Le budget, d’abord, reste au cœur de l’inquiétude. Derrière le Compte Financier Unique, l’opposition dénonce une présentation partielle, où l’inflation est oubliée et où la hausse de la dette ne s’accompagne d’aucune trajectoire de long terme. Les comparaisons avec les mandats précédents ne tiennent pas lorsqu’on corrige les chiffres du contexte économique. La critique n’est pas technique, elle est politique : un budget n’est pas un outil de storytelling, c’est un acte de gouvernement.
C’est cette même exigence qu’on retrouve sur la santé. Deux ans d’attente pour un plan santé départemental dont l’enveloppe et les orientations sont jugées bien en dessous des enjeux. Les maisons de santé sortent de terre, mais sans médecins. Les structures de prévention ferment ou voient leurs subventions baisser. Et pendant ce temps, les jeunes font face à une crise de santé mentale sans précédent.
L’éducation n’échappe pas à cette ligne de crête. À la proposition de créer une mission d’information sur les collèges, pour faire le point sur les tensions, les dégradations, les besoins réels, la majorité oppose un refus sans justification. Pas de débat, pas d’écoute. Un repli que dénonce le groupe, qui rappelle qu’on ne gouverne pas un territoire depuis un tableur.
Même tonalité sur la question des enclos paroissiaux. L’ambition de les inscrire à l’UNESCO est saluée, mais elle ne peut masquer l’absence de cadre pour accompagner les petites communes face à des travaux titanesques. À Guimiliau, moins de 1 000 habitants, le devis dépasse les six millions d’euros. Sans garantie, sans calendrier, sans ingénierie. L’ambition ne suffit pas si elle n’est pas partagée.
Sur les mobilités, le constat est le même : une dynamique engagée, mais sans vision d’ensemble. Le vélo progresse, certes. Mais les itinéraires restent discontinus, parfois inaccessibles, rarement pensés à l’échelle des bassins de vie. Pour l’opposition, le vélo ne peut être une option cosmétique. C’est une question d’égalité d’accès, de transition, de santé publique. Et cela ne s’improvise pas.
L’eau, enfin. L’achat d’une carrière à Berrien, annoncé comme une avancée, est accueilli avec prudence. Car si le stockage est une question stratégique, il n’épuise pas le sujet. 20 000 kilomètres de réseaux vieillissants, une tarification souvent illisible, des substances toxiques toujours autorisées : c’est toute la politique de l’eau qu’il faut repenser, et pas seulement la communication autour d’un site.
Reste un point de rupture : l’appel à projets “sécurité” lancé en plein été, pour un million d’euros. Sans concertation. Sans politique de prévention. Sans lien avec les compétences départementales. Pour Finistère & Solidaires, cette initiative illustre une dérive plus large : celle d’un Département qui s’éloigne de son rôle, qui se disperse dans des registres d’État, et qui oublie ses fondamentaux : le département est avant tout la collectivité des solidarités.
Ce que l’opposition a tenté de rappeler, c’est qu’un Département n’a pas vocation à tout faire, mais à bien faire. À assumer ses responsabilités, à soutenir les plus fragiles, à agir avec les territoires. Pas à accumuler les annonces. Pas à esquiver les débats. Pas à tout recouvrir de promesses.
Ce qu’elle a esquissé, c’est une alternative. Pas dans la forme, ni dans les postures, mais dans la méthode : prendre le temps de construire, de concerter, de répondre à ce qui remonte du terrain. Une manière de gouverner qui, pour l’instant, fait encore défaut.