Depuis plusieurs mois, l’assurabilité des collectivités locales est devenue une préoccupation majeure pour les élus. Face à la flambée des primes, aux franchises prohibitivement élevées et aux résiliations fréquentes de contrats, le marché de l’assurance semble progressivement se détourner des communes. Une audition organisée au Sénat la semaine dernière a permis à plusieurs maires de témoigner de ces réalités préoccupantes et d’interpeller les sénateurs sur l’urgence d’une réponse publique.
Un marché défaillant, des collectivités fragilisées
La commune de Dinan est emblématique de ces difficultés croissantes. En 2023, son contrat d’assurance a été résilié par son assureur sans proposition alternative satisfaisante. Faute de solution viable après un appel d’offres infructueux, la commune a été contrainte de s’assurer auprès de compagnies étrangères.
À Breil-sur-Roya, commune des Alpes-Maritimes gravement touchée par la tempête Alex en 2020, le constat est encore plus sévère. En 2024, aucun assureur n’a accepté de prendre en charge ses risques, obligeant le Bureau Central de Tarification (BCT) à imposer une couverture minimale à des conditions particulièrement pénalisantes : prime multipliée par six, franchise de 500 000 euros et garanties fortement limitées.
Petit-Quevilly, victime des émeutes de 2023, a également vu son contrat d’assurance renégocié avec une prime multipliée par 2,5 et une franchise portée à un million d’euros.
La piste d’une structure publique d’assurance
Face à ces difficultés répétées, plusieurs élus défendent l’idée de créer une structure publique ou parapublique d’assurance basée sur une mutualisation nationale des risques. Une telle solution permettrait de garantir aux collectivités une couverture stable, indépendante des fluctuations et des désengagements du marché privé.
Cette proposition rencontre toutefois certaines réticences. Le gouvernement, tout en reconnaissant l’importance du problème, reste prudent et se limite pour l’instant aux recommandations du rapport Chrétien-Dagès publié en avril 2024. Ce rapport met en évidence les difficultés actuelles du marché assurantiel privé, telles que la concentration entre quelques grands acteurs, les échanges difficiles avec les collectivités et les faiblesses dans l’évaluation des risques. Malgré ces constats, aucune réponse concrète n’a encore été apportée.
Un enjeu politique immédiat
Sans solution publique rapide, de nombreuses collectivités risquent de devoir recourir à l’auto-assurance, une pratique risquée qui pourrait fragiliser leur équilibre financier et compromettre les services publics locaux.
Il est urgent d’engager une réforme ambitieuse du système assurantiel des collectivités locales. À défaut d’une telle réforme, les territoires les plus vulnérables pourraient rapidement se retrouver sans aucune solution viable, au détriment des populations et des infrastructures publiques.
Pour approfondir :
- Rapport Chrétien-Dagès sur l’assurabilité des biens des collectivités locales : disponible en consultation ici : L’assurabilité des biens des collectivités locales et leur groupement
- Vidéos de l’audition au Sénat : Partie 1 et Partie 2.