DROIT DE VOTE DES DÉTENUS : UN RECUL DÉMOCRATIQUE VALIDÉ PAR LA MAJORITÉ

Le Parlement a définitivement adopté, ce 5 juin, une proposition de loi restreignant sévèrement l’accès au vote pour les personnes détenues lors des élections locales. Derrière une apparente mesure technique, c’est bien une régression démocratique que vient d’entériner la majorité parlementaire, avec le soutien du gouvernement.

Depuis la loi de 2019, les personnes incarcérées pouvaient voter par correspondance depuis leur établissement pénitentiaire. Le vote s’effectuait à l’urne dans la prison, puis l’urne était scellée et transmise au bureau de vote de la commune chef-lieu du département. Le dispositif avait permis de faire passer le taux de participation des détenus de 2 % à près de 20 %.

C’est ce mécanisme qui est aujourd’hui démantelé. Le reproche adressé à ce système porte sur le lieu de rattachement du vote. À Versailles, par exemple, les bulletins des détenus de plusieurs établissements étaient comptabilisés dans la commune, ajoutant plus de 1 000 électeurs sans lien avec elle. De là à évoquer une distorsion électorale, il n’y avait qu’un pas, franchi sans hésitation. Le Conseil d’État s’est saisi de l’argument. Pourtant, une alternative évidente existait : rattacher ces votes à la commune de résidence du détenu ou à celle d’un proche. Elle a été écartée au profit d’une suppression pure et simple du dispositif.

Désormais, les personnes détenues ne pourront participer aux élections locales que par procuration ou avec une autorisation de sortie. Deux modalités que chacun sait difficiles à mobiliser dans le contexte carcéral. La majorité des détenus sera donc exclue de fait des prochains scrutins municipaux, départementaux et régionaux. Seules les élections à circonscription nationale, comme la présidentielle ou les européennes, resteront accessibles via le vote par correspondance.

Les députés socialistes se sont opposés à cette régression. Aux côtés des autres groupes de gauche, ils ont proposé de véritables alternatives : rattachement du vote à la commune d’origine, élargissement du recours à la procuration, ouverture de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires. Ces propositions, un temps adoptées en commission, ont été effacées en séance.

À l’approche des élections municipales, le message est limpide. Plutôt que d’élargir la démocratie, la majorité a choisi de tracer une ligne de plus entre ceux qui votent et ceux qu’on préfère faire taire. L’expérience du vote en détention avait prouvé qu’une participation digne et encadrée était possible. Elle méritait d’être consolidée, elle a été balayée.

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