Le pouvoir d’autoriser l’abattage des arbres d’alignement entre les mains des préfets : une centralisation critiquée

Un nouveau décret d’application de la loi 3DS est paru au Journal officiel du 21 mai. Il détaille les règles de la nouvelle procédure d’autorisation préalable pour l’abattage des arbres le long de la voirie, procédure qui est désormais entre les mains du préfet. Sur ce sujet une fois de plus, le gouvernement n’a tenu aucun compte de l’avis défavorable des élu.es. 

Parmi les innombrables sujets abordés dans la loi 3DS du 21 février 2022, celui des « alignements d’arbres »  le long de la voirie publique fait l’objet de l’article 194. Cet article dispose qu’il est interdit d’abattre un arbre faisant partie d’un « alignement », sauf lorsque « l’état sanitaire ou mécanique du ou des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes ou des biens ou un risque sanitaire pour les autres arbres ». Dans ce cas, l’abattage est possible sous réserve d’une déclaration préalable auprès du préfet, qui doit alors « informer sans délai »  le maire de la commune concernée.

Par ailleurs, un abattage peut être autorisé par le préfet « lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements ».

Ces dispositions devaient être précisées par décret, et ce décret a été publié hier, bien qu’ayant été rejeté deux fois par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes. 

Il détaille le contenu du dossier de déclaration de la demande d’abattage auprès du préfet qui doit notamment comporter, si l’abattage se fait pour des raisons de « santé »  de l’arbre, une étude phytosanitaire. Le décret précise clairement que la décision d’abattre ou non un arbre est prise par le seul préfet, qui « peut s’opposer aux opérations objet de la déclaration, ou les subordonner au respect de prescriptions destinées à garantir l’effectivité des mesures de compensation, dans le délai d’un mois à compter de la date de réception de la déclaration ». 

Lorsque l’abattage se fait pour cause de travaux, il sera également nécessaire d’adresser au préfet un dossier contenant « la description des projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements en cause et les raisons pour lesquelles les opérations projetées sur les arbres sont nécessaires ». Là encore, le préfet sera seul juge de l’autorisation. 

Enfin, ce décret fixe les sanctions : une amende de 5e classe frappera ceux qui procèdent à de tels travaux sans avoir procédé à la déclaration en préfecture, ou en n’ayant pas tenu compte du refus du préfet. 

La question se pose évidemment : pourquoi est-ce désormais le préfet qui doit prendre ces décisions ? Comme l’on fait valoir les représentants des élus au Cnen du 3 novembre dernier, il paraît évident que « les maires sont les mieux à même de prendre une mesure d’abattage d’arbre ». Le ministère concerné, de son côté, a expliqué que la mesure décidée par le législateur avait pour objet de « simplifier l’action des élus ». Certes : si toutes les décisions qui relèvent des maires sont prises par les préfets, cela « simplifiera »  certainement la tâche de ceux-ci, mais cela finira également par vider leur fonction de sa substance. 

Les membres élu.es du Cnen ont également rappelé à l’État que « l’abattage d’un alignement d’arbres se fait dans la plupart des cas en réponse à une situation d’urgence », et que « la procédure d’autorisation préalable ne peut que retarder l’action et mettre en danger les administrés ». Ils ont fait valoir que ce texte « complexifie le droit et contrarie l’action des maires qui agissent dans l’intérêt de la commune », et que ces dispositions risquent de multiplier les contentieux. 

Le gouvernement n’en a pas tenu compte, et le décret est publié, avec une simple « information »  du maire, c’est-à-dire sans que celui-ci puisse donner un avis. Une occasion manquée de mettre en place une véritable concertation et de faire fonctionner efficacement le fameux « couple maire-préfet » , d’autant plus, faut-il le rappeler, qu’en la matière il reviendra aux maires de gérer les conséquences opérationnelles de la décision du préfet. 

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