Les « 100 jours » pour tenter de faire oublier les retraites

Emmanuel Macron s’est adressé durant 13 minutes aux français.es lundi soir à la télévision pour tenter de relancer son second quinquennat après la promulgation de la réforme des retraites. Pas de réelle annonce forte lors de cette adresse aux Français.es…

« Ouvrir ou reprendre » des chantiers sur des thèmes tels que la santé, l’école, la délinquance ou le travail… Tout en sollicitant les maires et les élu.es mais surtout en faisant des annonces chères à l’électorat de droite.

Après trois mois de conflit social, Emmanuel Macron s’est octroyé, hier, « cent jours » en réalité 88 … Cent jours, un chiffre rond qui revêt une symbolique particulière en France. En effet, le concept des « cent jours » remonte au début du XIXe siècle et désigne d’abord la reconquête du pouvoir par Napoléon Bonaparte en 1815. Mais c’est aussi le temps suspendu qui suit l’élection d’un chef de l’état durant lequel il lance ses premières réformes, les plus emblématiques en général. Aux États-Unis, la période des cent jours est une coutume qui remonte aux années 1930. Franklin D. Roosevelt, lors de son arrivée au pouvoir, a fait adopter 76 projets de loi, dont 15 de grande importance.

Mais revenons à Emmanuel Macron, dont l’objectif est de relancer son quinquennat qui se retrouve complètement englué par la réforme des retraites qu’il a promulguée vendredi dernier.

Lundi, lors de son allocution, le sujet des retraites n’aura malheureusement pas duré plus de 2 minutes, le président a déclaré avoir entendu « la colère » des Français, tout en jugeant que « ces changements », dont le report de l’âge légal à 64 ans, point de discorde majeur étaient « nécessaires ». 

« Cette réforme est-elle acceptée ? A l’évidence, non », a reconnu le chef de l’état, avant de faire valoir que, à ses yeux, ce profond mécontentement ne se réduisait pas à sa réforme. « J’ai entendu dans les manifestations une opposition à la réforme des retraites mais aussi une volonté de retrouver du sens dans son travail, d’en améliorer les conditions, d’avoir des carrières qui permettent de progresser dans la vie », a-t-il souligné, évoquant une « colère » provoquée par « un travail qui ne permet plus de bien vivre », « des prix qui montent, qu’il s’agisse du plein, des courses, de la cantine » ou encore « des services publics pas suffisamment efficaces ». 

« Personne, et surtout pas moi, ne peut rester sourd à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique », a-t-il assuré, avant d’affirmer que « la réponse ne peut être ni dans l’immobilisme, ni dans l’extrémisme ».

Dans ce contexte, le chef de l’État s’est fixé « un cap » de « cent jours d’apaisement, d’unité et d’actions au service de la France ». Une période qui débutera avec la présentation de la nouvelle « feuille de route » du gouvernement par la première ministre le 26 avril prochain et se clôturera « le 14 juillet » par « un premier bilan ». « Trois grands chantiers » au programme : le travail, la délinquance et l’immigration mais également la santé et l’école.

Disant vouloir « bâtir un nouveau pacte de la vie au travail […] construit dans les semaines et les mois qui viennent par le dialogue social », Emmanuel Macron a invité, dès ce matin, à l’Elysée les organisations patronales et syndicales « qui y sont prêtes ».

Il souhaite ainsi ouvrir toute une série de négociations sur des « sujets essentiels » : « améliorer les revenus des salariés » et « les conditions de travail », « faire progresser les carrières », « mieux partager la richesse », « trouver des solutions à l’usure professionnelle », « accroitre l’emploi des séniors » et « aider aux reconversions ».

Bien que l’intersyndicale ait déjà refermé la porte à sa proposition, Emmanuel Macron a fait savoir que sa « porte » serait « toujours ouverte aux syndicats », tout en pointant, son « regret » sur le fait qu’un « consensus n’ait pu être trouvé » sur la réforme des retraites malgré « les mois de concertations ». La réaction de Laurent Berger ne s’est pas fait attendre : « La porte est grande ouverte ? Elle a été fermée à triple tour pendant 3 mois, il faut être sérieux ! » puis d’ajouter « On ne répond pas quand on nous siffle ! ».

S’agissant du « deuxième chantier », celui de « la justice et de l’ordre républicain et démocratique », Emmanuel Macron a souligné qu’il continuerait à « recruter plus 10 000 magistrats et agents » et à « créer 200 brigades de gendarmerie dans nos campagnes ». Une mesure qui avait déjà été annoncée ces derniers mois.

Concernant l’immigration, le chef de l’État veut « renforcer le contrôle de l’immigration illégale », alors qu’il avait annoncé le report du projet de loi dédié lors de sa dernière allocution. Et, afin de lutter contre la délinquance et les « fraudes sociales et fiscales », des « annonces fortes » seront faites « dès le début du mois de mai ».

Il souhaite proposer des « grandes pistes » pour que le fonctionnement des institutions françaises gagne « en efficacité » et « en participations citoyennes ».

Le dernier chantier, qui visera le « progrès pour mieux vivre » et devra être « porté » par les « services publics : de la petite enfance au grand âge ».

Pour cela, « l’Education nationale doit renouer avec l’ambition d’être l’une des meilleures d’Europe ». « Dès la rentrée, notre école va changer à vue d’œil. Pour les enseignants qui seront mieux rémunérés, pour les élèves qui seront davantage accompagnés en français et en mathématiques, pour leurs devoirs, et pratiqueront plus de sport à l’école, pour les parents qui verront le remplacement systématique des enseignants absents », a-t-il assuré.

Le système de santé devra, quant à lui, être « profondément rebâti », le chef de l’État réclamant des « résultats concrets à court terme » ciblant particulièrement les 600 000 patients atteints de maladies chroniques sans médecins traitants ou le « désengorgement » des services d’urgences d’ici la fin de l’année prochaine. 

Pour y parvenir, Emmanuel Macron a sollicité « toutes les forces d’action et de bonne volonté : nos maires, nos élus, nos forces politiques, nos syndicats, tous ensemble » et souhaite agir « au-delà des clivages » pour bâtir des « coalitions et alliances nouvelles » sur « les bases solides du conseil national de la refondation » et au « plus près du terrain ».  Ces éventuelles coalitions restent difficiles à imaginer en l’état, au regard des tensions qui existent entre la majorité et ses opposants politiques.

Pour preuve, les réactions des syndicats à l’issue de son allocution. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a estimé qu’il y avait « une espèce de vide » et « rien de concret » dans cette « adresse », ajoutant que « l’apaisement, il fallait le faire sur le sujet qui a créé l’embrasement social, la réforme des retraites ». La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet a estimé que « cette allocution aurait pu être faite par ChatGPT » (outil d’intelligence artificielle du moment) avec un « côté très désincarné » ajoutant « le miroir aux alouettes, c’est bon on en a déjà soupé. Là, le compte n’y est clairement pas ».

Et dans la rue, l’allocution du président de la République a été accueillie par des concerts de casseroles et manifestations spontanées dans plusieurs villes, une première réponse quant à la portée de ses paroles auprès des Français.es. Mais surtout une manière de lui signifier que la mobilisation contre la réforme des retraites n’était pas près de s’éteindre et loin de s’apaiser d’ici 100 jours…

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