Cette semaine, le Sénat a amorcé une réponse déterminée à la montée en puissance du narcotrafic en adoptant en commission des lois deux propositions de loi essentielles : la principale visant à sortir la France du piège du narcotrafic, et la proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anticriminalité organisée. Ces propositions, portées notamment par Jérôme Durain, sénateur socialiste, ouvrent la voie à une refonte ambitieuse des outils juridiques et opérationnels pour répondre à ce fléau.
UN PARQUET NATIONAL POUR PILOTER LA LUTTE
Parmi les mesures phares figure la création d’un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco). Conçu pour coordonner les parquets locaux face aux crimes les plus graves, ce nouvel outil se veut une réponse directe à la complexité croissante des réseaux criminels.
« Ce qui manque aujourd’hui, c’est une direction, un pilotage. Il nous faut une spécialisation et une incarnation pour que la lutte contre le narcotrafic ait un visage, une structuration », avait insisté Jérôme Durain, co-rapporteur de la proposition, lorsqu’il était venu, à l’invitation de l’UESR, présenter son projet, à Brest, en novembre dernier.
« Ce qui manque aujourd’hui, c’est une direction, un pilotage. Il nous faut une spécialisation et une incarnation pour que la lutte contre le narcotrafic ait un visage, une structuration », a souligné Jérôme Durain, co-rapporteur de la proposition, lors de la présentation du texte.
Le Pnaco remplacera l’actuelle juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) et sera associé à un Office antistupéfiants (Ofast) aux prérogatives renforcées. Placée sous la double tutelle des ministères de l’Intérieur et des Finances, cette nouvelle version de l’Ofast incarnerait une « DEA à la française », dotée de compétences exclusives sur les crimes liés au narcotrafic et d’un pouvoir d’évocation sur certaines enquêtes.
S’ATTAQUER À LA SOURCE : LES AVOIRS CRIMINELS
Priver les trafiquants de leurs ressources financières est l’une des priorités des sénateurs. Outre le renforcement des dispositifs de confiscation des avoirs criminels, le texte introduit une mesure inédite : l’« injonction pour richesse inexpliquée ». Inspirée des pratiques italiennes, cette procédure obligerait les suspects à justifier leur train de vie et viserait ainsi les chefs de réseaux, souvent à l’abri des sanctions pénales directes.
« L’enjeu financier du narcotrafic ne se résume pas seulement à la saisie d’avoirs, mais à frapper directement le cœur du système économique des trafiquants. En introduisant l’injonction pour richesse inexpliquée, les législateurs cherchent à identifier et neutraliser les réseaux d’argent noir qui alimentent le trafic. Cette mesure s’attaque non seulement aux biens matériels des trafiquants, mais aussi à leur pouvoir financier, souvent caché derrière des structures économiques légales. »
(Extrait de la proposition de loi).
« La seule fois où j’ai vu pleurer un trafiquant, ce n’était pas pour une condamnation, mais parce qu’on lui confisquait sa maison », a témoigné un policier auditionné par la commission, rappelant combien l’asphyxie financière peut être un levier puissant contre le crime organisé. En s’attaquant à leurs ressources financières, les sénateurs entendent frapper les réseaux criminels au cœur de leur fonctionnement.
DES REPENTIS MIEUX PROTÉGÉS, DES INFILTRÉS MIEUX ENCADRÉS
La réforme propose une refonte ambitieuse du statut des repentis, considéré comme sous-exploité en France. Désormais, ce dispositif pourrait inclure les auteurs de crimes de sang, à condition qu’ils transmettent des informations déterminantes pour faire progresser les enquêtes. En contrepartie, ces individus bénéficieraient de réductions de peine et de mesures de protection, formalisées dans une convention avec les autorités judiciaires. Cette convention préciserait leurs obligations, notamment la véracité et la qualité des informations transmises.
Toutefois, en cas de manquement à ces engagements, les repentis pourraient perdre immédiatement leur statut, ainsi que les avantages qui y sont associés. Cette approche, inspirée des législations italiennes, vise à maximiser l’efficacité de la lutte contre les organisations criminelles en favorisant la coopération de leurs membres.
UNE DYNAMIQUE SOUTENUE PAR JÉRÔME DURAIN
En tant que co-rapporteur, Jérôme Durain a adopté une approche pragmatique tout au long des travaux. L’article sur les nullités de procédure, particulièrement complexe en raison des abus qu’il cherche à encadrer, a été volontairement reporté à la séance publique du 28 janvier. Ce choix, mûrement réfléchi, vise à garantir une rédaction précise et opérationnelle.
La commission a également enrichi les propositions de loi en intégrant plusieurs mesures nouvelles, telles que la création d’une infraction d’appartenance à une organisation criminelle et des dispositifs renforcés pour lutter contre le blanchiment d’argent, comme la fermeture des « blanchisseuses », ces commerces servant de façade pour le trafic.
Ce report illustre la méthode de travail de Jérôme Durain : allier ambition législative et souci du détail pour concevoir des textes capables de répondre aux défis juridiques et opérationnels posés par le narcotrafic.
L’IMPLICATION DÉTERMINANTE DES ÉLUS LOCAUX
La réforme législative en cours met un accent particulier sur l’implication des élus locaux dans la lutte contre le narcotrafic. En effet, les propositions de loi adoptées en commission des lois prévoient plusieurs mesures pour renforcer leur rôle, notamment au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Ces conseils sont des instances où les élus collaborent étroitement avec les forces de l’ordre, la justice et d’autres acteurs locaux pour déployer des stratégies de sécurité adaptées aux réalités du terrain.
Dans ce cadre, les élus locaux seront informés des suites judiciaires des affaires liées au narcotrafic et pourront ainsi devenir des interlocuteurs essentiels pour garantir l’efficacité des actions menées. Leur participation active est prévue pour coordonner les efforts nécessaires afin de répondre rapidement et efficacement aux défis locaux liés au narcotrafic, qu’il s’agisse des grandes villes ou des zones rurales.
L’engagement des élus locaux est donc déterminant pour mettre en œuvre les mesures de la réforme à l’échelle du territoire, et cette approche intégrée permettra de renforcer la réponse à la criminalité organisée.
UN TEXTE QUI FAIT ESPÉRER UNE VRAIE RUPTURE
Les propositions de loi, attendues pour leur potentiel à moderniser et renforcer la lutte contre le narcotrafic, seront débattues en séance publique à partir du 28 janvier. Ces textes, complémentaires et interdépendants, promettent de doter la France d’outils législatifs adaptés à une criminalité organisée en constante mutation, qui s’infiltre aussi bien dans les grandes agglomérations que dans les territoires ruraux. Alliant des mesures concrètes à une vision ambitieuse, elles incarnent une volonté de répondre aux défis contemporains avec efficacité.
Observer, décider, agir : une méthode claire et implacable, signée Jérôme Durain.