Jeudi 20 avril, Emmanuel Macron a annoncé les mesures de revalorisation des salaires des enseignants. De son côté, le ministère de l’Éducation nationale a donné des précisions sur le dispositif qui sera mis en place à la rentrée prochaine pour les professeurs du premier et du second degré.
Lors de son adresse aux Français.es en début de semaine, Emmanuel Macron a promis que « dès la rentrée, notre école va changer à vue d’œil », annonçant le « remplacement systématique des enseignants absents ». Ce qui pose question si cela ne s’accompagne pas d’un plan massif de recrutement d’enseignants. Le chef de l’État a aussi déclaré que les professeurs seraient « mieux rémunérés ».
Jeudi, lors d’un déplacement dans l’Hérault, Emmanuel Macron a précisé les choses : « Il n’y aura plus d’enseignants en dessous de 2 000 euros par mois » en expliquant que la réforme se ferait en deux volets :
– une augmentation générale pour tous les enseignants de « 100 à 230 euros net par mois »
– et la possibilité pour ces derniers de « s’engager plus », c’est-à-dire de faire des heures supplémentaires, ce qui pourrait amener les « volontaires » à percevoir « jusqu’à 500 euros par mois ».
Dans la soirée, dans un dossier très détaillé était publié sur le site du Ministère de l’Éducation nationale.
Premier engagement :
L’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (Isae) et la part fixe de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (Isoe), que perçoivent les professeurs du 1er et du 2nd degré, vont doubler. Cela devrait représenter une augmentation moyenne de 100 euros net.
Ces deux indemnités atteindront 2 550 euros annuels brut dès la rentrée. Les enseignants exerçant des fonctions particulières, comme les enseignants référents à la scolarité des élèves en situation de handicap ou pour les usages du numérique, bénéficieront d’une augmentation identique à celles de l’Isae ou de l’Isoe. Quant aux professeurs principaux des classes de première, terminale et de deuxième année de CAP, ils bénéficieront d’une revalorisation supplémentaire.
Deuxième engagement :
Une rémunération nette d’au moins 2 000 euros par mois sera « garantie dès la titularisation », par la revalorisation de la prime d’attractivité. Il ne devrait donc plus y avoir de professeur débutant en dessous de ce salaire. Les enseignants stagiaires, eux, bénéficieront « d’une hausse de rémunération de 160 euros net par mois ».
Les professeurs contractuels bénéficieront de la hausse des Isae et Isoe au même titre que les fonctionnaires. Leur prime d’attractivité sera revalorisée de « 300 euros brut par an ».
Le gouvernement promet d’accélérer les déroulements de carrières, par un passage plus rapide aux grades « hors classe » et « classe exceptionnelle ». Ces évolutions de carrière, calculées grâce à un système à points, vont être modifiées de façon à permettre « un passage à la hors classe un an plus tôt en moyenne ». Le contingentement de la classe exceptionnelle sera augmenté, de façon à permettre « 3 000 promotions supplémentaires par an ».
Le gouvernement va également proposer aux enseignants de faire du soutien scolaire aux élèves de 6e en difficulté.
Quid du dispositif baptisé « Pacte » ? Un nombre de « missions complémentaires » sur la base du volontariat et faisant chacune l’objet « d’une rémunération complémentaire de 1 250 euros brut annuels ».
Pour les enseignants du premier degré, quatre « missions complémentaires » sont proposées :
- Le soutien scolaire aux élèves de 6e en français et mathématiques
- La participation au dispositif « Devoirs faits » en 6e
- Le soutien scolaire aux élèves en difficulté en élémentaire
- L’animation de « stages de réussite» pendant les vacances scolaires, « notamment dans les secteurs défavorisés ».
Il est précisé que chaque directeur d’école « connaîtra avant le mois de juin les moyens mis à disposition pour les missions complémentaires ».
Si personne ne refusera les augmentations de salaires proposées et probablement la hausse du point d’indice qui va avec, ces annonces ne pas semblent pas être à la hauteur des attentes de la communauté éducative.
Tout d’abord parce qu’elles sont inférieures à ce qu’Emmanuel Macron avait promis durant sa campagne électorale. En effet, le chef de l’état avait annoncé « 10 % d’augmentation pour tous les enseignants sans contrepartie ». Or, les annonces d’hier, sont en réalité plus proches des 5 %…
Ensuite, parce qu’on est bien loin du « sans contrepartie » mis en avant par le président. Si on veut atteindre les 10 % de hausse, il faudra travailler plus…
Pour les syndicats enseignants, c’est injuste mais c’est surtout impossible. Le Snes-FSU a rappelé qu’un professeur des écoles « travaille en moyenne aujourd’hui 43 heures par semaine ». Ils ne voient donc pas quand et comment les professeurs des écoles pourraient trouver le temps d’aller faire du soutien scolaire en 6e. Rappelons également que, dans le secondaire, on atteint les 600 000 heures supplémentaires en 2022. Un chiffre en augmentation de 30 % par rapport à 2002 selon un récent rapport de la Cour des comptes.
Quant au second engagement du « Pacte », le Snes s’insurge, indiquant qu’« on ne parle pas d’une revalorisation, quand vous payez quelqu’un pour des tâches qu’il effectue en plus, ça s’appelle tout simplement le payer pour ce qu’il fait, c’est le principe de travail salarié». Pour l’Unsa, il s’agit « d’un marché de dupes » doublé, pour le Snes, d’une « provocation ».
Le ministère, lui, se plait à raconter que ce dispositif « est le fruit d’un travail de concertation avec les organisations syndicales ». Il oublie juste de préciser que lors de la présentation du « Pacte » aux organisations syndicales, ces dernières sont parties en claquant la porte des négociations.
Pour terminer, un dernier point contesté par les syndicats enseignants : le risque « d’inégalité » de traitement entre les enseignants du premier et du deuxième degré.
En effet, le nombre de cours des professeurs des écoles étant nettement supérieur à celui des enseignants du second degré, ces derniers auront plus facilement la possibilité d’assurer les « missions complémentaires proposées ». Notons que les femmes représentent près de 85 % du corps des professeurs des écoles et que cette mesure apparaît, une nouvelle fois, comme une double peine pour celles-ci.
Toutes ces mesures semblent donc peu susceptibles de calmer le profond malaise du monde enseignant. Sans compter, l’épineuse question de la carte scolaire avec ses annonces de fermetures de classes en cascades qui concernent un grand nombre de départements pour la rentrée prochaine…