Alors que de plus en plus d’associations luttant contre la pauvreté font face à des difficultés majeures, le gouvernement a récemment adressé une circulaire aux préfets qui détaille la manière dont les fonctionnaires de l’État et des collectivités peuvent désormais mettre leurs compétences au service de ces associations grâce au mécénat de compétences. Cette expérimentation durera cinq ans, jusqu’au 27 décembre 2027, et permettra la mise à disposition des agents pour des missions correspondant à leurs compétences. Cette circulaire complète un décret publié l’hiver dernier en spécifiant les établissements éligibles, la durée maximale de la mise à disposition, et fournit un modèle de convention.
Le ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques, Stanislas Guerini, a récemment rappelé dans un tweet que les fonctionnaires de l’État et des collectivités peuvent désormais consacrer une partie de leur temps de travail à soutenir des associations ou des fondations reconnues d’utilité publique. Cela peut inclure des activités telles que des maraudes, comme des collectes, des opérations de nettoyage ou encore la distribution d’aide alimentaire.
Le ministre a mentionné spécifiquement les Restos du Cœur, qui ont récemment lancé un appel à l’aide en raison de l’augmentation du nombre de demandeurs. Cette association craint de devoir refuser son soutien à environ 150 000 personnes après avoir déjà aidé 1,3 million de personnes cette année et 1,1 million en 2022.
Le mécénat de compétences est ouvert aux fonctionnaires de l’État, des régions, des départements, des communes de plus de 3 500 habitants, ainsi qu’aux Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI). Les établissements éligibles incluent des fondations, des associations reconnues d’utilité publique, ainsi que des organismes d’intérêt général ayant des objectifs philanthropiques, éducatifs, scientifiques, sociaux, humanitaires, sportifs, familiaux, culturels, environnementaux, ou liés à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.
La mise à disposition peut être totale ou partielle et peut durer jusqu’à dix-huit mois, renouvelable jusqu’à trois ans au sein du même organisme. Si elle est accordée à titre gratuit, elle est considérée comme une subvention en nature versée à l’organisme bénéficiaire, et nécessite la signature d’une convention et d’un contrat d’engagement républicain si nécessaire.
Les missions confiées à l’agent doivent être en accord avec ses compétences et expériences professionnelles, ainsi qu’avec les missions d’intérêt général de l’organisme d’accueil. Cette mise à disposition s’effectue dans le cadre du temps de travail de l’agent, sous l’autorité de son employeur, se distinguant ainsi du bénévolat qui relève du choix individuel de l’agent en dehors de son activité professionnelle. Des contrôles déontologiques seront également effectués pour éviter les conflits d’intérêts.
La mise à disposition nécessite l’accord de l’agent, de son employeur, et de l’organisme d’accueil, ainsi que la signature d’une convention entre l’employeur de l’agent et l’organisme d’accueil.
La circulaire précise également les éléments à inclure dans la convention, notamment la nature des activités de l’agent, les modalités d’évaluation et de valorisation des activités, les conditions de renouvellement ou de fin anticipée de la mise à disposition, ainsi que la durée de cette dernière. La périodicité de la mise à disposition peut être hebdomadaire, mensuelle ou trimestrielle, mais ne peut être fractionnée au sein d’une même journée.
La convention doit également définir le régime applicable au fonctionnaire, y compris la répartition des compétences entre l’administration ou la collectivité d’origine et l’organisme d’accueil en termes de gestion administrative, financière, de formation, de protection des données, etc. Si la convention prévoit un complément indemnitaire, cela doit être justifié par l’accomplissement effectif des missions spécifiques au sein de la structure d’accueil.
En outre, l’évaluation du dispositif nécessite des remontées d’information annuelles pendant les cinq années de la phase expérimentale, comme détaillé dans la circulaire.
Que faut-il penser de ce mécénat de compétences mis en place, annoncé par Stanislas Guerini ? Cette initiative soulève malgré tout des interrogations. En effet, cette mesure, qui permet aux agents territoriaux de mettre leurs compétences au service d’associations luttant contre la pauvreté, est indéniablement une démarche louable sur le plan de l’engagement citoyen. Cependant, elle suscite également des préoccupations quant à ses implications potentielles sur les services publics, la transparence de sa mise en œuvre et la nécessité de politiques plus larges pour traiter les enjeux sociaux.
L’initiative vise notamment à répondre aux besoins croissants d’associations telles que les Restos du Cœur, qui font face à une pression considérable pour soutenir un nombre croissant de personnes en situation de précarité. Cette dimension de solidarité est certainement louable, et elle rappelle l’importance de l’engagement citoyen dans notre société.
Cependant, les élus locaux ne peuvent ignorer certaines préoccupations. Tout d’abord, quelles seront les répercussions potentielles sur les services publics locaux ? En effet, la mise à disposition d’agents territoriaux pourrait affaiblir les administrations déjà confrontées à des défis considérables. Il est donc impératif de garantir que cette initiative n’affectera pas la qualité des services essentiels aux concitoyen-nes.
Une autre question cruciale concerne la transparence de cette démarche dans la sélection des agents à mettre à disposition, les critères de choix des associations bénéficiaires, ainsi que le suivi des missions. Des mécanismes de contrôle rigoureux seront indispensables pour éviter tout favoritisme ou abus.
Il est indispensable que les élu-es puissent bénéficier d’une plus grande autonomie des collectivités locales pour décider de la mise en œuvre de ce programme. Ce sont eux qui connaissent mieux que quiconque les besoins spécifiques de leurs communautés et qui devraient avoir la flexibilité nécessaire pour adapter cette initiative à leurs réalités locales.
Finalement, bien que le mécénat de compétences puisse être une mesure positive, il ne doit pas servir de substitut à des politiques publiques plus larges visant à lutter contre la pauvreté et à renforcer la solidarité sociale. Il faut des mesures complémentaires et un engagement soutenu du gouvernement dans ces domaines cruciaux.
Pour conclure, cette initiative de mécénat de compétences suscite à juste titre des discussions et des réflexions. Il faudra rester vigilant quant à ses implications sur nos services publics, tout en exigeant transparence, autonomie locale et un engagement continu dans la lutte contre la pauvreté. C’est ainsi que nous pourrons assurer le bien-être de nos communautés.