La loi du 22 août 2021, connue sous le nom de « loi climat et résilience », a établi un objectif ambitieux : lutter contre l’artificialisation des sols avec pour horizon la disparition totale d’ici à 2050.
Parmi les nombreuses questions juridiques soulevées par cette loi, l’une d’entre elles concerne la définition même de l’artificialisation des sols.
Afin de clarifier cette notion, l’article L. 101-2-1 a été ajouté au Code de l’urbanisme. Cet article définit l’artificialisation des sols comme étant « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».
De plus, cet article prévoit qu’un décret doit établir une nomenclature des sols artificialisés ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être évaluée dans les documents de planification et d’urbanisme.
Le décret en question a été publié le 29 avril 2022 et a été notamment codifié à l‘article R.101-1 du Code de l’urbanisme.
Selon ce décret, le classement d’une surface comme artificialisée dans la nomenclature doit se faire en fonction de l’utilisation réelle du sol, et non en fonction de sa classification dans le document d’urbanisme. Par exemple, un terrain conservé à son état naturel doit être considéré comme non artificialisé, même s’il est classé comme zone urbanisée dans le plan local d’urbanisme (PLU). À l’inverse, un terrain construit en zone agricole ou naturelle doit être pris en compte dans le calcul des surfaces artificialisées.
Pour évaluer cette utilisation effective, le décret prévoit que « l’occupation effective est mesurée à l’échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme, selon les normes du Conseil national de l’information géolocalisée ».
En d’autres termes, pour déterminer si un terrain est artificialisé dans un document d’urbanisme, le décret renvoie la responsabilité à un arrêté ministériel. Cet arrêté doit lui-même être élaboré en se conformant aux normes établies par un organisme administratif distinct, en l’occurrence le Conseil national de l’information géolocalisée, qui est rattaché au Ministère du développement durable.
Cependant, cette délégation de compétence a été remise en question par le Conseil d’État, qui a annulé le décret sur ce point en arguant qu’il souffrait d’une « incompétence négative ». En d’autres termes, les rédacteurs du décret n’ont pas rempli leur devoir de définir, conformément à la loi, l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être évaluée dans les documents de planification et d’urbanisme.
En termes simples, le Conseil d’État rappelle au gouvernement qu’il doit lui-même élaborer les textes d’application de la loi, surtout lorsque la loi l’exige explicitement, et ne peut pas déléguer cette tâche à un autre organe de l’exécutif.
Désormais, il existe une incertitude quant à la manière d’évaluer l’utilisation effective d’une surface dans un document d’urbanisme pour déterminer si elle est artificialisée ou non, car la méthode établie par le gouvernement dans le décret du 29 avril 2022 a été annulée par le Conseil d’État (CE, 4 octobre 2023, Association des Maires de France, req., n° 465341).
Il incombe donc au gouvernement de revoir sa copie et d’adopter de nouvelles dispositions à ce sujet, ce qui pourrait être fait rapidement, étant donné l’annonce de la publication de nouveaux décrets d’application de la loi climat et résilience.