PLF 2025 : Ce plan d’austérité qui étrangle les collectivités

Le projet de loi de finances pour 2025 représente une véritable attaque contre les collectivités locales, les plaçant une nouvelle fois en première ligne pour absorber le coût des politiques gouvernementales. Alors que le déficit public est le fruit de décisions nationales, ce sont pourtant les collectivités qui se voient imposer une ponction injustifiée de 5 milliards d’euros. Dans un contexte déjà marqué par une réduction du Fonds vert et une augmentation des cotisations CNRACL, ces coupes viennent étrangler encore davantage des budgets locaux déjà fragilisés. Ce sont pourtant les collectivités qui, avec des ressources toujours plus réduites, continuent de porter les services publics et d’investir dans l’avenir de leurs territoires. Les élus locaux, souvent laissés sans moyens suffisants, sont aujourd’hui confrontés à un choix impossible : sacrifier des projets essentiels ou s’endetter lourdement pour tenter de maintenir un semblant de dynamisme local.

Un plan de redressement aux conséquences lourdes

Face aux objectifs ambitieux de redressement des comptes publics, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a justifié ces efforts comme étant indispensables pour réduire le déficit de 60 milliards d’euros d’ici 2025. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement prévoit de combiner une augmentation des recettes de 20 milliards avec une réduction des dépenses de 40 milliards. Cependant, la répartition de cet effort reste profondément inégalitaire. Les collectivités locales, déjà fortement sollicitées, sont de nouveau appelées à contribuer de manière disproportionnée à travers des mesures comme la création d’un fonds de précaution, venant aggraver une situation budgétaire déjà tendue.

Le fonds, baptisé « fonds de résilience des finances locales », imposera un prélèvement plafonné à 2 % des recettes de fonctionnement pour les 450 collectivités les plus importantes. Cette mesure, censée être temporaire, vise à mettre en réserve des fonds pour soutenir les collectivités les plus en difficulté à partir de 2026. En théorie, les collectivités aux finances les plus fragiles devraient être exemptées de cette contribution. Pourtant, l’ensemble du dispositif est perçu comme une nouvelle ponction inéquitable, surtout par les grandes intercommunalités et régions, qui alertent déjà sur l’impact de ces prélèvements sur leur capacité d’investissement. À Quimper, la perte de 1,4 million d’euros pour la ville et de 2,2 millions pour l’agglomération est un « choc inacceptable » pour Isabelle Assih, qui a rappelé que les collectivités ne devraient pas « payer la facture des erreurs gouvernementales », craignant que des projets essentiels, comme la rénovation d’écoles ou la gestion des services publics, ne soient compromis.

Un impact direct sur les investissements locaux

En effet, selon Intercommunalités de France, la ponction prévue sur les recettes locales pourrait représenter jusqu’à 15 % de l’épargne brute des intercommunalités. Cela les forcerait à revoir à la baisse leurs investissements ou à s’endetter, notamment pour honorer les projets déjà engagés. Un constat partagé par André Laignel, président du Comité des finances locales, qui craint une paralysie de nombreux projets structurants dans les territoires. La réduction du Fonds vert, qui passera de 2,5 milliards à 1 milliard d’euros, aggrave encore cette situation, compromettant de nombreux programmes en matière de transition écologique.

Le gel des recettes de TVA et la réduction du FCTVA ajoutent à l’inquiétude des élus locaux. En gelant l’évolution des recettes de TVA, le gouvernement prive les collectivités de 1,2 milliard d’euros, tandis que le FCTVA, destiné à compenser les dépenses d’investissement, sera amputé de 800 millions d’euros. Cela crée un double effet de ciseau, réduisant à la fois les ressources des collectivités et leur capacité à investir, alors que les besoins, notamment en infrastructures publiques, ne cessent de croître.

Suppressions de postes dans l’Éducation nationale : la ruralité en première ligne

L’Éducation nationale n’est pas épargnée par les coupes budgétaires. Le PLF prévoit la suppression de 4 000 postes d’enseignants, dont 3 155 dans les écoles maternelles et élémentaires. Cette réduction, justifiée par la baisse des effectifs d’élèves, frappe particulièrement le premier degré public. Bien que le nombre d’élèves soit en diminution, cette mesure suscite la colère des syndicats enseignants qui parlent d’une « véritable saignée ». Les communes rurales, déjà fragilisées par le manque de moyens, pourraient se retrouver en difficulté face à la gestion de leurs établissements scolaires, sans parler de l’impact sur la qualité de l’éducation dans ces territoires.

Le gouvernement tente de compenser cette mesure par la création de 2 000 postes supplémentaires d’AESH. Mais cette annonce ne suffit pas à apaiser les inquiétudes dans un secteur où les réductions d’effectifs menacent la capacité des écoles à assurer un enseignement de qualité.

Un dispositif de péréquation en hausse mais insuffisant

Sur le front de la péréquation, les Dotations de Solidarité Urbaine et de Solidarité Rurale connaissent une légère augmentation de 290 millions d’euros, à raison de 140 millions pour la DSU et 150 millions pour la DSR. Une hausse qui profite notamment aux communes rurales, dont la situation reste marquée par des fragilités économiques et sociales. Cependant, cette augmentation apparaît bien modeste au regard des besoins colossaux des territoires. Les collectivités doivent également faire face au gel de la Dotation Globale de Fonctionnement, maintenue à 27,2 milliards d’euros. Avec l’inflation, cela équivaut à une baisse en termes réels, car la hausse des prix réduit la valeur réelle de cette dotation.

De plus, les ajustements variables pour 2025 s’élèvent à 487 millions d’euros, un montant qui ramène ces contributions à des niveaux d’avant crise, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Cela ne compense cependant pas l’impact des restrictions budgétaires imposées par le gouvernement, que les collectivités jugent de plus en plus difficiles à absorber.

Des mesures différées mais non annulées

La suppression de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises est également reportée dans ce projet de budget. Initialement prévue pour 2027, sa suppression totale n’interviendra qu’en 2030. Si ce report est bien accueilli par les collectivités, cela reste une mesure temporaire, et les élus devront se préparer à cette disparition à moyen terme. En attendant, la part restante de cette contribution, désormais perçue par l’État, pourrait être réaffectée aux collectivités, comme l’a proposé le président du Comité des finances locales.

Le projet de budget 2025 prévoit également la réintégration de plus de 2 000 communes rurales dans le nouveau zonage France Ruralités Revitalisation, qui remplace les Zones de Revitalisation Rurale. Si ces communes pourront théoriquement continuer de bénéficier des exonérations fiscales et sociales liées à ce dispositif, les associations d’élus locaux jugent cet effort largement insuffisant face aux difficultés que rencontrent ces territoires.

Ce projet de loi de finances pour 2025 fait peser sur les collectivités locales une charge écrasante, les forçant à une nouvelle fois combler les déficits causés par des choix nationaux. La réduction drastique des ressources, l’instauration de dispositifs de précaution punitifs et la stagnation des dotations aggravent une situation déjà critique, en particulier pour les territoires ruraux. Les quelques mesures visant à soutenir les zones en difficulté apparaissent dérisoires face à l’ampleur des coupes imposées.

Les discussions parlementaires à venir semblent vaines pour changer cette trajectoire. Les collectivités, déjà au bord de l’asphyxie, devront affronter des défis qui deviennent tout simplement ingérables. Ce projet de loi les condamne à faire des choix impossibles : sacrifier des services publics essentiels ou plonger dans un endettement incontrôlable. Si le gouvernement persiste, c’est l’équilibre même de nos territoires qui est en jeu.

 

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