Les crises s’amoncellent, les responsabilités s’alourdissent, mais les moyens des communes, eux, s’effritent. C’est dans ce climat tendu que s’est tenu le 106e Congrès des maires de France, organisé par l’Association des maires de France, du 19 au 21 novembre 2024 au Parc des expositions de la Porte de Versailles. Ce rendez-vous incontournable a permis à des milliers de maires et présidents d’intercommunalité de réaffirmer leur unité et leur détermination face à des défis imposés par l’État.
Parmi les moments forts du congrès, une mobilisation symbolique a marqué les esprits : près de 5 000 maires ont recouvert leur écharpe tricolore d’une écharpe noire. Ce geste, partagé par des élus de tous horizons, exprime leur exaspération face aux ponctions budgétaires et aux transferts de charges non compensées, qui mettent en péril les capacités d’action des communes. À travers cette mobilisation inédite, les maires ont adressé un message clair : les collectivités locales, garantes de la cohésion sociale et des services publics de proximité, ne peuvent plus continuer à pallier seules les carences de l’État.
Michel Barnier face aux maires : un discours attendu, mais en demi-teinte
Le 21 novembre, Michel Barnier, Premier ministre, a clôturé ce congrès dans un climat de défiance palpable. Attendu avec impatience, il avait pour mission de désamorcer les tensions et de redonner de l’espoir à des élus locaux épuisés par des années de restrictions budgétaires. S’il a reconnu que « la France n’est pas en déficit à cause des communes », cette déclaration n’a pas suffi à apaiser les maires.
Les 5 milliards d’euros d’économies imposés par le budget 2025 symbolisent, pour beaucoup, une déconnexion entre l’État central et les réalités des territoires. Quelques ajustements budgétaires, comme l’étalement sur quatre ans des cotisations à la CNRACL, ont été annoncés, mais ces gestes ont été jugés insuffisants. Les attentes d’une annulation des ponctions les plus lourdes, notamment sur les grandes collectivités, ont été déçues.
Sur le terrain normatif, Barnier a promis une réforme du Conseil national d’évaluation des normes pour en faire un « outil de conception partagée des lois ». Il s’est également engagé à accorder aux collectivités davantage de latitude dans l’application des règles pour mieux répondre aux spécificités locales. Mais ces annonces, bien qu’importantes, ont été accueillies avec prudence. Pour les élus, elles peinent à dissiper l’impression d’un gouvernement déconnecté des réalités du terrain.
Une fracture grandissante entre l’État et les collectivités
Les réactions des élus locaux ont été à la hauteur de leur exaspération. David Lisnard, président de l’AMF, a dénoncé une contradiction flagrante entre les intentions affichées et les réalités budgétaires. Selon lui, « les communes ne peuvent plus être les variables d’ajustement des déficits publics ». André Laignel, vice-président de l’AMF, a quant à lui qualifié le budget 2025 de « pire de tous les temps », déplorant des coupes budgétaires qui, selon lui, étouffent les services publics locaux et mettent en péril la cohésion sociale.
Pour beaucoup d’élus, ces décisions traduisent une fracture de plus en plus marquée entre l’État et les collectivités, perçue comme le résultat d’une recentralisation insidieuse qui alourdit leurs contraintes tout en réduisant leurs moyens d’action.
Une résolution pour réaffirmer le rôle des communes
Face à cette situation, les élus ont adopté à l’unanimité une résolution générale intitulée « Face aux crises : les communes, heureusement ! ». Ce texte réaffirme avec force que les collectivités locales sont des piliers indispensables de stabilité et de solidarité dans un contexte de crises économiques, sociales et environnementales.
Les maires y dénoncent des transferts de charges non compensées, des coupes budgétaires répétées et une inflation normative qui paralysent leur action. La résolution appelle à une autonomie fiscale réelle, à la simplification des normes et au recentrage des missions de l’État. Plus qu’un cri d’alarme, cette résolution est un appel à l’action pour garantir l’avenir des communes et préserver leur rôle central dans la démocratie locale.
Un dialogue encore à construire
Michel Barnier a conclu le congrès en appelant à un « contrat de confiance » entre l’État et les collectivités, promettant de rétablir un véritable partenariat. Mais pour des maires habitués aux promesses non tenues, cette invitation reste une posture sans actes concrets.
Le Congrès des maires a envoyé un signal clair : si l’État ne change pas de cap rapidement, les élus locaux, garants du lien démocratique, pourraient bien transformer leur colère en une mobilisation sans précédent. La balle est désormais dans le camp de l’État, sous peine d’aggraver une fracture déjà béante avec les territoires.
Nous vous invitons à découvrir ci-dessous la résolution adoptée par les maires, réaffirmant leur rôle essentiel face aux défis actuels.