Cette année 2016 débute dans le souvenir et donc dans la gravité. Chacun de nous a sans doute mieux compris, au cours des derniers mois, combien l’histoire était tragique. Hélas, ce sentiment ne va pas se dissiper en 2016.
Nous avons compris que nous n’allions plus vivre avec l’éventualité d’un attentat mais avec la certitude que des soldats entraînés et équipés attendent déjà leur tour pour donner l’assaut, tuer un maximum de personnes puis mourir. Ce péril n’est plus aléatoire, il est permanent.
Dès lors, dire que la menace est là, à un niveau jamais égalé, ce n’est pas chercher à gouverner par la peur. Ce n’est pas non plus décider de s’y soumettre ou de s’y plier. L’histoire des nations est faite de ces moments où il faut tenir bon et ne rien céder sur l’essentiel et nous sommes à l’un de ses rendez-vous. Voilà pourquoi nous avons collectivement choisi de l’affronter avec lucidité.
Nous avons, malgré nos différences, décidé d’y faire face avec force et dignité. C’est le chemin qu’emprunte maintenant le chef de l’État. C’est la voie que la majorité, à laquelle j’appartiens, soutient pleinement. C’est pour le député que je suis la meilleure thérapeutique contre l’esprit de doute, contre la tentation du découragement, contre les impasses de la démagogie.
Cette exigence nourrit mon quotidien puisque, pendant trois mois, j’ai été totalement - quotidiennement - engagé dans le contrôle parlementaire des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence. C’est un moment d’exception dans l’histoire de notre pays. Le Parlement a confié des moyens extraordinaires, « exorbitants de droit commun » comme disent les juristes aux forces de police et de gendarmerie pour garantir l’ordre public, prévenir et donc empêcher tout acte terroriste ou violent, de nature à troubler cet ordre public.
Mais il a concomitamment veillé à s’assurer du bon usage de ces capacités momentanées. C’est la raison pour laquelle, j’ai sillonné tout le pays, pendant trois mois, réunissant les préfets, questionnant les directeurs départementaux de sécurité publique, interrogeant les commandants de groupement de gendarmerie, dialoguant avec les procureurs.
« La France, c’est une idée, ce sont des valeurs et des principes. »
J’en ressors avec trois convictions : les Français n’ont jamais été aussi protégés, l’État ayant consenti des efforts conséquents de créations de postes et de crédits d’équipements pour nos forces de sécurité, si la République est une force, l’état d’urgence est son bouclier, une protection, qui permet d’agir dans un cadre de droit pour que l’ordre public soit garanti et que les libertés individuelles ou collectives soient préservées. Sur ces sujets, il faut éviter la surenchère entre le vibrato et le vitriol, chercher toujours à dépasser les clivages, car quand l’essentiel est en jeu le pays doit se retrouver et ses représentants ne doivent pas se désunir.
Car la France, ce n’était pas simplement un pays. La France, c’est une idée, ce sont des valeurs et des principes. La France, c’est une cause où l’amour de la patrie et de la liberté s’inscrivent - ce sont les mots de Robert Badinter - dans l’attention à l’humanité toute entière.
En 2016, la France répondra à la haine par la fraternité, elle répondra à la terreur par la force du droit, elle répondra au fanatisme par l’espérance que constitue la vie elle-même. La France répondra tout simplement en étant la France.
Jean-Jacques URVOAS
Ministre de la Justice,
Garde des Sceaux
Propos recueillis avant la nomination de Jean-Jacques Urvoas au ministère de la Justice