KÉVIN FAURE EN SÉANCE PLÉNIÈRE : UN DISCOURS QUI NE LAISSE PAS PLACE AUX ILLUSIONS

À l’heure où les tensions économiques, sociales et environnementales s’accumulent, le Conseil départemental se retrouve contraint à des arbitrages budgétaires sous pression. Lors de la séance plénière du jeudi 6 mars, Kévin Faure, co-président du groupe Finistère et Solidaires, a choisi de poser les termes du débat avec clarté : gouverner, c’est choisir, mais encore faut-il que ces choix servent l’intérêt général plutôt que des calculs à courte vue.

Loin des discours convenus, l’intervention pointe les renoncements successifs qui laissent le champ libre aux crises actuelles. Protection de l’enfance reléguée au second plan, soutien aux collectivités locales sacrifié sur l’autel des coupes budgétaires, recul environnemental orchestré par une droite toujours plus complaisante avec les lobbies. À cela s’ajoutent les silences assourdissants du gouvernement, notamment sur la loi Grand-âge ou le financement des primes Ségur, laissées à la charge des départements sans aucun accompagnement.

Dans un monde secoué par l’instabilité et la montée des extrêmes, l’enjeu dépasse largement les débats de l’assemblée. Chaque décision prise ici s’inscrit dans un rapport de force plus large. C’est ce que rappelle cette prise de parole, que chacun pourra retrouver dans son intégralité ci-dessous.


Monsieur le Président, chers collègues,

Le réchauffement climatique est une invention de la Chine, les sans-papiers sont des criminels et des violeurs qui mangent des chiens et des chats, Volodymyr Zelensky est un dangereux dictateur, … voici les expressions du Président des Etats-Unis qui préconisait lors de la crise covid de s’injecter de l’eau de javel en intraveineuse. Cette hystérisation mondiale s’ajoute à une perte de repère dont tout le monde constate les effets délétères sur notre jeunesse, sur nos sociétés et provoquent des instabilités géopolitiques majeures. Ce mal gangrène désormais toutes les sociétés occidentales soit par de l’hyper populisme, soit par une progression sournoise des extrêmes. En 1947, des directeurs du BAS (Bulletin of the Atomic Scientists) de l’université de Chicago publiaient l’horloge de l’apocalyse – représentant symboliquement le temps restant avant la fi n du monde. En 1947 il restait 7 min avant minuit mais l’accalmie mondiale suite à la chute du mur de Berlin a permis qu’en 1991 le temps restant soit ramené à 17 minutes avant minuit. Depuis, cet écart n’a cessé de se réduire. La dernière actualisation était le 28 Janvier dernier et affi che désormais 89 secondes. Loin de tomber dans le catastrophisme mondial, cet outil symbolique résistant au temps et à la recherche permanente d’immédiateté, démonte bel et bien à la fois la gravité de la situation géopolitique mais également la disparition de tout repère conventionnel de stabilité de l’ordre mondial.

Face au drame que vit désormais depuis quelques jours le monde libre, la force collective des puissances du continent européen doit être renforcée. Soutenir l’Ukraine n’est pas qu’une simple marque de fraternité européenne, cela contribue à installer une riposte diplomatique empêchant toute escalade dont la nouvelle ère évoquée hier soir par le président de la République pourrait être durablement entachée.
Je l’évoquais ici il y a quelques mois, et je le renouvelle ici aujourd’hui : ré-installons le drapeau ukrainien devant la maison du Département car ce drapeau n’aurait jamais dû être retiré. Symboliquement, fraternellement nous ne pouvons abandonner l’Ukraine, démontrons le.

De plus, au chapitre de mes propositions de mobilisation par le Conseil départemental du Finistère dans cette période mondiale bouleversée, je vous invite à soutenir la mobilisation Stand Up For Science, dont une mobilisation aura lieu demain en France en réponse aux menaces de l’administration américaine sur les institutions scientifi ques et les chercheurs américains. Soutenons cette mobilisation, et peut-être Monsieur le Président, préparons-nous dans l’hypothèse où un accueil de chercheurs et scientifi ques américains devaient se réfugier en Europe. A la pointe Finistère, à la pointe de l’Europe, nos universités sont fortes et mondialement reconnues notamment dans le domaine des Océans, cela serait une belle marque de solidarité et d’accueil que les universités françaises les plus géographiquement proches des Etats-Unis puissent être une terre d’asile pour la recherche scientifi que mondiale.

Ils décident seuls, sans observation éclairée, manipulant le mensonge à la perfection, instrumentant tous les canaux d’information, s’amusant de débats entre la gauche et la droite dans un hémicycle, choisissant ce que les médias doivent ou ne doivent pas relayer et sans porter de véritable boussole ou cap clair. Je ne parle pas de vous Monsieur le Président, mais de Donald Trump et Elon Musk – même si parfois certaines similitudes avec votre action me laisse à penser que pourrait s’installer en vous une tentation populiste.
L’urgence environnementale semble loin des préoccupations mondiales, l’anticipation des fl ux migratoires climatiques n’est pas à l’agenda, l’Intelligence Artifi cielle – tantôt utile tantôt inquiétante – télescope le partage du savoir, la créativité et la propriété intellectuelle.

Au bout de notre pointe Finistère, nous pourrions nous sentir éloignés ou protégés de tout cela. Hélas, la violence s’installe de plus en plus en Finistère, locaux de partis politiques (PS, PC) régulièrement attaqués voire incendiés, entreprises agricoles incendiées ou visées, à cette violence matérielle n’ajoutons pas de violence institutionnelle. C’est pourtant ce qui se dessine dans les combats portés par les extrémistes Trump et sa casquette, Musk et son smartphone, Poutine et ses chars, Milei et sa tronçonneuse.
Mais cette progression signifi cative des thèses d’extrême-droite à l’échelle mondiale, européenne et nationale provoque un mécanisme « réfl exe » de la droite française. En effet, pour courir derrière la populaire extrême-droite française, on ne peut que constater que les idées d’élus locaux et nationaux d’une droite habituellement modérée se radicalisent. En vous sachant attentif à conserver un équilibre d’une droite et du centre dans nos débats, je ne peux que vous inviter à puiser dans les nombreuses idées de Finistère et Solidaires, d’une gauche modérée, pour replacer le barycentre idéologique de votre action un peu moins sur votre droite…

Alors qu’au Sénat vos amis de la droite LR veulent réintroduire des néonicotinoïdes, supprimer l’OFB, l’ADEME, le constat des crises sociales, environnementales, géopolitiques doit désormais laisser la place à l’action pour répondre aux urgences que ces dernières entraînent. C’était le sens d’une motion proposée par Pauline Louis-Joseph Dogué pour Finistère d’Avenir, notamment pour confi rmer le soutien à l’OFB, à l’Agence BIO et à l’ADEME mais qui hélas n’a pas trouvé grâce à vos yeux.

Pendant ce temps là notre pays se crispe davantage dans des équations budgétaires impossibles, portées par un gouvernement fragile et impopulaire, empêtré dans des lourdes affaires qui révèlent l’urgence de la protection de l’enfance (l’affaire Betharram). Doit on être rassuré que plusieurs semaines, plusieurs mois ont été nécessaires pour avoir un interlocuteur, en l’occurrence une interlocutrice sur la protection de l’enfance ? Seulement hier, Sarah El Haïry est nommée haut-commissaire à l’enfance…seulement hier ! Répondre à ces urgences est indispensable quand on constate désormais que toutes les 3 minutes un enfant est victime de violence sexuelle, et contrairement aux idées reçues ce n’est pas seulement dans des structures hors contexte familial. Il y a une véritable urgence et tout notre pays doit être à la hauteur – au-delà des scandales du passé, l’urgence est d’éviter d’approfondir ce mal dont on découvrira dans plusieurs années les scandales et de protéger nos enfants dès aujourd’hui.

Michel Barnier, temporaire Premier ministre du 2nd semestre 2024 avait installé une priorité : la santé mentale. Noble cause, noble priorité qui, avec la protection de l’enfance que j’évoquais, fait partie des urgences et qui ne peut être gérée par un débat politico-médiatique en quête d’instantané, de sensationnel et où une séquence en balaye une autre. J’entends peu l’Etat se mobiliser aussi sur cette question alors que notre jeunesse est en perte profonde de repères et en recherche perpétuelle de sens.

Enfi n, 2025 devait être l’année de la Mer et nous en parlons peu. 1er département maritime de France métropolitaine, nous devons jouer un rôle dans cette animation, promotion et la mettre au centre de nos attentions. Enjeu de souveraineté territoriale nationale et européenne, enjeu environnemental, enjeu économique, enjeu de biodiversité, … ils sont nombreux et nous devons nous en saisir. Aussi, nous aurions pu dans le cadre du budget 2025 y intégrer un fi l rouge – ou plutôt un fi l bleu – pour rapprocher notre action de collectivité locale au regard de ces enjeux, en faire un sujet de sensibilisation et d’action dans chacun de nos collèges, de promouvoir les acteurs qui agissent au quotidien pour l’Océan et sa préservation. Il n’est pas trop tard pour bien faire !

Quid aussi d’avancée sur une loi grand-âge qui ne pourra qu’être la seule issue ou le seul salut aux fi nances des collectivités départementales ? Pas de son, pas d’image ! Là aussi il y a urgence, là aussi le Finistère est impacté. Que dire du fi nancement du Ségur pour tous ? L’Etat avoue ne pas l’avoir budgété laissant – encore une fois – le soin aux Départements de le faire, sans l’ombre d’un euro supplémentaire. C’est un scandale institutionnel. Alors notre Département fera peut être exception vis à vis d’autres car il participera au fi nancement des primes Ségur. Est-ce une bonne chose ? Pour les salariés du médico-social, c’est instantanément une bonne chose de bénéfi cier d’une prime, mais dans le fond, l’Etat n’aura plus d’effort supplémentaire à faire (vous l’avez fait à sa place) et comme sur d’autres sujets, dès lors que l’on a fait l’effort une fois, cela devient une habitude attendue par l’Etat. Certes, grâce à une bonne gestion fi nancière du passé – quoi que vous en direz – notre Département peut s’offrir ce « luxe » de fi nancer les primes Ségur, mais à quel prix ? Quel prix pour d’autres aides attendues par le médico-social qui subit des effets ciseaux majeurs ?
Je vous invite à ne pas systématiquement compenser les manques de l’Etat, c’est hélas un puits sans fond. Alors que la situation des Départements entre eux est diffi cilement comparable, tant les modèles budgétaires sont liés à des éléments de contexte locaux, c’est bel et bien ce recul de l’Etat qui oblige certains départements, arrivés à l’os, de devoir choisir entre se couper le bras droit ou le bras gauche – et toute exploitation politicienne de ces choix serait bien malvenue alors qu’un principe de solidarité devrait nous élever vers le haut. 

Compenser systématiquement l’action de l’Etat nous conduirait à devoir en permanence agir à sa place, et nous devrions – par exemple – compenser les fermetures de classes liées à une approche comptable du rectorat en Finistère ? Nous ne pouvons pas mener tous les fronts.

Il y a quelques jours, j’ai vu cette brève passer sur mon téléphone « Maël, Finistérien, participera à l’aventure Koh-Lanta ». J’ai failli vous appeler pour vous souhaiter du courage, et je m’impatientais presque de vous voir chercher à allumer un feu sur la plage avec 3 cailloux et une brindille. Mais hélas, c’est une autre aventure qui s’ouvre à vous, celle des choix politiques. Cela appellera – comme l’a dit le président de la République hier – du courage.

Votre budget installe désormais l’idée que des baisses budgétaires vont devoir s’opérer, et le chiffre de 5% est désormais inscrit dans vos délibérations et les discours de votre exécutif. Bienvenue dans le monde réel et sur une année presque « normale » d’un Conseil départemental. Vos courbes le démontrent, c’est une bulle qui simultanément avec votre arrivée – et dont vous n’êtes pour rien – qui a donné temporairement une capacité à agir supérieur à un rythme normal. En preniez-vous conscience à l’époque, très probablement mais vos discours préféraient vanter votre action pugnace et innovante, alors qu’en réalité, vous surfi ez sur une bulle fi nancière bienvenue mais hélas temporaire. Vous voilà désormais contraint de faire des choix, et rassurez-vous, quand vous ferez ces choix, Finistère et Solidaires ne vous accusera pas d’une mauvaise gestion comme vous l’avez martelé avec populisme depuis que vous êtes arrivé dans cette collectivité il y a 10 ans (10 ans déjà !). Par exemple, vous étiez très virulent quand le Département pouvait utiliser le levier du taux de DMTO, considérant que c’était une hausse d’impôt inacceptable. Pourtant, aujourd’hui vous utilisez ce levier…allez comprendre !

La réalité est celle-là, la crise budgétaire pour notre Département n’est pas derrière nous et son origine n’est pas à trouver sur les budgets de vos prédécesseurs. L’urgence est d’anticiper la fi n de cette bulle car, comment ferons nous quand l’épargne des DMTO que nous avons pu mettre en réserve sera consommée, quand les DMTO continueront de fondre et probablement quand l’Etat dans l’effort national attendu continuera de bafouer la Constitution en nous transférant des compétences sans les accompagner des recettes adéquates ? Vous évoquez – avec une forme de catastrophisme- , que notre Département est proche de la faillite, que vous êtes prêt à rendre les clés au préfet (propos que vous avez tenu cette semaine dans des réunions). Je constate que l’on dispose toujours d’une capacité à agir pour acquérir un terrain pour les vieilles charrues en versant 500k€ ou 1M€, on a su verser 2M€ pour louer une demi-voile d’un bâteau, on a su installer une aide aux chasseurs qui n’en demandaient pas tant, … On ne doit pas avoir la même vision de la faillite mais je vous rejoins néanmoins sur l’urgence de préserver cette capacité à agir.

Enfin, quels domaines seront impactés ? Pour l’instant vous y répondez peu parce que vous savez l’impopularité qui accompagne ces choix politiques.
Une méthode que l’on vous suggère Monsieur le Président, est d’abord de répondre aux urgences : urgences sociales, urgences alimentaires, urgence dans le secteur du 
logement, urgence environnementale et urgence démocratique. Chaque action menée par le Conseil départemental doit être regardée en fonction de sa réponse à ces urgences. C’est une méthode de priorisation comme une autre, elle aurait le mérite d’éviter un coup de rabot homogène sur l’ensemble des politiques départementales, qui fragiliserait nos compétences obligatoires.

Fidèles à ces objectifs, nous interviendront tout à l’heure sur le RSA et la politique d’insertion, sur la culture et le sport, sur les équilibres budgétaires de notre collectivité, sur les EHPAD, sur l’éducation, sur la prospective, sur l’alimentation, sur le logement et bien d’autres thématiques qui font de cette collectivité, la cheffe de fi le des solidarités.
Face aux désordres du monde, face à la situation budgétaire nationale, l’espoir et la résistance doivent être nos moteurs d’acteurs publiques. Pour rassurer sans mentir, pour protéger les plus fragiles, pour expliquer les choix et pour préserver une capacité à agir.

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