À Ouessant, le phare du Créac’h veille sur les marins depuis plus d’un siècle et demi. Monument historique et repère essentiel dans l’un des passages maritimes les plus redoutés d’Europe, il est aujourd’hui menacé par un projet de modernisation porté par l’État. Officiellement, il s’agit d’une transition technique nécessaire : exit la lentille de Fresnel et son bain de mercure, place à un éclairage LED jugé plus sûr et plus simple à entretenir. Mais derrière cette réforme se cache une réalité plus brutale : une réduction drastique de la portée lumineuse, un bouleversement du signal du phare et même son déclassement au profit d’un autre édifice. Autant de décisions prises sans concertation, qui suscitent une levée de boucliers. Face à cette situation, Mélanie Thomin et 19 parlementaires bretons demandent un moratoire et une concertation sur les alternatives.
Une transformation radicale qui interroge
Depuis plus d’un siècle et demi, le phare du Créac’h veille sur le rail d’Ouessant, garantissant la sécurité des marins dans l’un des couloirs maritimes les plus périlleux d’Europe. Son faisceau, projeté par une lentille de Fresnel unique au monde, atteint 30 milles nautiques, offrant un repère indispensable face aux dangers de l’Atlantique.
Mais cet édifice séculaire pourrait bien perdre sa fonction première. La Direction interrégionale de la mer Nord Atlantique-Manche Ouest prévoit de remplacer la lentille historique par un système LED, réduisant drastiquement la portée du phare à 19 milles nautiques et modifiant son identité lumineuse.
Officiellement, cette décision repose sur des impératifs environnementaux. La cuve de mercure, sur laquelle repose la rotation de la lentille, est jugée dangereuse. Si aucune directive européenne n’impose directement la suppression du mercure dans les phares, la France applique la Convention de Minamata ainsi que les restrictions européennes sur cette substance.
Résultat : l’administration maritime a décidé, seule, d’accélérer la transition du phare du Créac’h, sans concertation locale et sans étude sérieuse des alternatives. Une décision d’autant plus contestée que le Créac’h, avec ses 85 litres de mercure, détient la plus grande installation de ce type en France.
L’État met également en avant une évolution des usages maritimes : les phares ne joueraient plus le même rôle qu’autrefois, les navires étant aujourd’hui équipés de GPS, d’identification automatique (AIS) et de radars.
À Ouessant, l’argumentaire de l’État peine à convaincre.
Ouessant monte au créneau
À Ouessant, l’annonce a déclenché une levée de boucliers immédiate. Lors d’une réunion publique le 25 février dernier à Lampaul, plus de 200 personnes se sont réunies pour dénoncer un projet imposé sans concertation et dont les conséquences n’ont pas été sérieusement mesurées. Le sentiment d’un passage en force alimente la colère. Depuis son allumage en 1863, le phare du Créac’h n’a cessé d’être un repère physique et symbolique pour les marins et les habitants. En affaiblir la lumière, c’est fragiliser un patrimoine maritime séculaire.
Sur l’île comme sur le littoral breton, on s’interroge : si ce projet est validé, quel sera le prochain phare à perdre sa portée et son identité ?
Une interpellation politique au plus haut niveau
Le 14 mars dernier, Mélanie Thomin, députée du Finistère, a pris l’initiative d’interpeller directement le gouvernement en adressant un courrier à la ministre de la Transition écologique, de la Mer et de la Pêche, Agnès Pannier-Runacher. Cosigné par 19 élus bretons, parmi lesquels Loïg Chesnais-Girard, président du Conseil régional de Bretagne, et Denis Palluel, maire d’Ouessant, ce courrier demande la suspension immédiate du projet et l’ouverture d’une véritable concertation sur les alternatives possibles.
L’État face à une pression grandissante
Les Affaires maritimes assurent que les solutions mises en œuvre seront réversibles. Une promesse qui ne convainc qu’à moitié les défenseurs du Créac’h.
« Si la technologie LED se révèle inadaptée, reviendra-t-on en arrière ? » L’histoire récente laisse planer le doute. Le gouvernement fera-t-il marche arrière si le signal du phare s’avère insuffisant, ou si l’impact sur la navigation se révèle plus important que prévu ?
Alors que le gouvernement temporise, la mobilisation continue. À Ouessant, la détermination reste intacte. Le Créac’h, phare mythique de l’Atlantique, peut-il vraiment être relégué au second plan ?
Retrouvez ci-dessous le courrier adressé par Mélanie Thomin à la ministre de la Transition écologique, de la Mer et de la Pêche, cosigné par 19 élus bretons.