Le gouvernement s’apprête à s’inspirer de la méthode dite du « Budget Base Zéro » pour construire le budget 2026. Venue du secteur privé, cette approche consiste à repartir d’une page blanche chaque année, en réinterrogeant l’ensemble des dépenses publiques, y compris celles des collectivités locales.
Objectif affiché : traquer les dépenses inefficaces, réaliser 40 milliards d’euros d’économies et revenir à 3 % de déficit public d’ici 2029. Une ambition budgétaire affirmée… mais une méthode qui soulève de nombreuses interrogations.
Une méthode importée du privé, avec des limites connues
Inventée aux États-Unis au milieu du XXe siècle, la BBZ a été popularisée dans le secteur privé avant d’être reprise par certains cabinets de conseil. Son principe : ne plus reconduire automatiquement les budgets d’une année sur l’autre, mais justifier chaque dépense, poste par poste.
Les résultats, dans le privé, sont pour le moins contrastés. Certaines entreprises ont amélioré leur efficacité financière, mais d’autres ont sabré dans leurs effectifs, réduit la voilure au point de perdre en compétitivité. Le cas de Kraft Heinz est emblématique : 10 milliards de dollars de pertes et une chute de 30 % en Bourse après une application brutale du BBZ.
Les collectivités dans le viseur
Le gouvernement ne s’en cache pas : les collectivités locales sont une cible prioritaire de cette nouvelle approche. Dans une circulaire budgétaire adressée en avril, chaque ministère est sommé de revoir ses dépenses, sauf exception comme la Défense. Et du côté des territoires, le département de la Seine-Maritime, dirigé par la droite, revendique 106 millions d’euros d’économies en appliquant le BBZ.
Son président vante une méthode « particulièrement bien adaptée aux collectivités territoriales ». Une affirmation que rien ne permet d’étayer du point de vue des services rendus, de la qualité de l’action publique ou des conditions de travail des agents. Cette logique d’optimisation permanente s’inscrit surtout dans une forme de pilotage à la calculette, sans égard pour les réalités sociales et territoriales.
Une approche politique qui ne dit pas son nom
Derrière une méthode présentée comme technique, se profile un choix politique. Traiter les budgets publics comme ceux d’une entreprise revient à nier la spécificité de l’action publique, fondée sur la solidarité, la continuité et l’adaptabilité locale.
Le recours à la BBZ, s’il venait à se généraliser, acterait un peu plus la mise sous tutelle budgétaire des collectivités, déjà confrontées à la contraction des dotations, à la recentralisation rampante et à la multiplication des dépenses non compensées.
Et pourtant, d’autres voies sont possibles
Oui, la transparence budgétaire est nécessaire. Oui, les finances publiques doivent être maîtrisées. Mais pas au prix d’une logique d’austérité aveugle. Pas en transférant au local les conséquences de choix nationaux. Et surtout pas en confondant gestion budgétaire rigoureuse et casse du service public.
À l’heure où les collectivités jouent un rôle majeur face aux urgences sociales, environnementales et démocratiques. La méthode BBZ n’est pas neutre. Elle reflète une vision technocratique et désincarnée de l’action publique. Une vigilance collective s’impose.