L’ÉLU LOCAL SORT ENFIN DE L’OMBRE

Adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale vendredi dernier, la proposition de loi sur le statut de l’élu local marque une avancée décisive à huit mois des municipales. Revalorisation des indemnités, protection renforcée, droits nouveaux pour les étudiants, salariés et élus en situation de handicap : la démocratie locale reprend des couleurs. Le député socialiste Stéphane Delautrette s’est imposé comme l’un des principaux artisans de cette avancée.

Une revalorisation pensée pour les petites communes

La question des indemnités figurait au cœur des attentes des élus, en particulier dans les territoires ruraux. Le texte rompt avec l’uniformité habituelle en instaurant une revalorisation adaptée à la taille des communes, assumant l’idée que l’engagement dans une petite mairie n’est pas moins intense qu’ailleurs, bien au contraire. La réforme retient ainsi une hausse dégressive ciblée sur les communes de moins de 20 000 habitants :

  • +10 % pour les communes de moins de 1 000 habitants

  • +8 % entre 1 000 et 3 500

  • +6 % entre 3 500 et 10 000

  • +4 % entre 10 000 et 20 000 habitants

Les communes plus peuplées ne sont pas concernées. Ce rééquilibrage met fin à une logique uniforme, inadaptée à la diversité des réalités locales. Il entend mieux valoriser l’engagement de ces maires de proximité, qui cumulent les responsabilités sans filet, dans un contexte de plus en plus contraint.

 Retraite, indemnités, congés : reconnaître l’engagement

Cette volonté de mieux valoriser l’engagement local se retrouve aussi dans les dispositifs sociaux associés au mandat. Une bonification d’un trimestre de retraite par mandat complet, dans la limite de huit, a été introduite malgré les réticences du gouvernement. De même, la Dotation Particulière Élu Local est élargie pour couvrir davantage de communes, jusqu’à 3 500 habitants, afin d’alléger les charges supportées par les petites collectivités.

D’autres dispositions viennent alléger les contraintes qui pèsent sur l’exercice quotidien du mandat : remboursement obligatoire des frais de transport, y compris pour les élus handicapés, extension du congé électif à 15 jours pour tous les candidats… Autant d’avancées qui viennent combler un retard trop longtemps ignoré envers les élus de proximité.

Inclusion et accessibilité : une démocratie plus ouverte

Au-delà de la reconnaissance, le texte cherche à élargir le cercle des possibles. En s’adressant aux étudiants, aux personnes en situation de handicap et aux actifs, il affirme que le mandat local ne doit plus être réservé à une minorité disponible et socialement favorisée.

Les étudiants élus verront leurs parcours d’études adaptés, leurs frais de déplacement en partie pris en charge, et leurs bourses préservées. Les élus en situation de handicap bénéficieront de remboursements sans avance de frais, ainsi que d’un référent inclusion dans chaque préfecture. Quant aux salariés, leurs droits sont consolidés dans le Code du travail : leurs absences seront désormais assimilées à du temps de travail effectif, et leurs contrats protégés contre toute modification unilatérale liée à leur mandat.

Statut clarifié, responsabilités mieux protégées

En parallèle de ces nouveaux droits, la loi engage une clarification juridique attendue. Le Code général des collectivités territoriales intégrera désormais une section complète sur le statut de l’élu local, rassemblant droits, devoirs et garanties. Une avancée symbolique, mais surtout pratique.

Surtout, le texte met fin à une insécurité juridique qui pesait depuis trop longtemps : les conflits d’intérêts dits « public-public », dans lesquels des élus siégeant dans un organisme au nom de leur collectivité pouvaient être accusés de prise illégale d’intérêt. Cette clarification libère les élus d’une suspicion permanente et injuste. Elle est accompagnée de l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus victimes de violences ou d’agressions, et non plus aux seuls membres des exécutifs.

Formation, santé mentale, fin de mandat : un accompagnement renforcé

Cette sécurisation de la fonction élective s’accompagne aussi d’un effort d’accompagnement sur la durée du mandat. La formation des élus est renforcée, avec un congé porté à 21 jours. Une session d’information obligatoire dans les six premiers mois abordera leurs droits et obligations, mais aussi des sujets jusqu’ici négligés : égalité femmes-hommes, violences sexistes, santé mentale, risques psycho-sociaux.

L’après-mandat, souvent vécu comme un saut dans le vide, fait enfin l’objet d’une prise en compte. L’allocation différentielle est étendue à deux ans, revalorisée, et accompagnée d’un dispositif de reconversion personnalisé via France Travail. Une Validation des Acquis de l’Expérience et une certification professionnelle seront possibles pour valoriser les compétences acquises.

Une course contre la montre avant les municipales

Il reste désormais à transformer l’essai. La seconde lecture est attendue au Sénat à la rentrée, puis à l’Assemblée, pour une adoption définitive espérée avant le congrès des maires en novembre. L’enjeu désormais : rendre cette réforme pleinement effective avant le grand rendez-vous démocratique de mars 2026.

À l’heure où les maires s’épuisent, où les menaces s’accumulent, et où l’action locale devient un parcours d’obstacles, cette réforme tombe à point nommé. Sans tout régler, elle redonne du sens, du cadre et de la considération à celles et ceux qui tiennent la République au quotidien. Elle remet la démocratie locale au centre du jeu, là où elle aurait toujours dû être.

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