Le gouvernement a présenté, mardi 28 octobre 2025, sa Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Ce document, exigé par la loi, fixe les orientations budgétaires des prochaines années. Officiellement, la France reste engagée sur la voie de la décarbonation. Mais les chiffres racontent une autre histoire : les financements publics reculent, et l’État renvoie une part croissante de la charge aux collectivités, aux entreprises et aux ménages.
Quelques jours plus tôt, le 24 octobre, la nouvelle ministre de la Transition écologique, Monique Barbut, défendait devant les députés un budget « perfectible mais pas sacrifié ». Deux séquences, un même constat : la transition écologique s’éloigne des priorités budgétaires de l’État.
Depuis 2023, le Code de l’énergie impose au gouvernement de remettre chaque année au Parlement une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Celle rendue publique le 28 octobre confirme la tendance : les crédits de l’État se contractent.
Le Fonds vert, instrument censé appuyer les territoires, est le symbole de cette évolution : 2,5 milliards d’euros en 2023, 650 millions dans le projet de loi de finances 2026. Une division par quatre en trois ans, pudiquement présentée comme un « meilleur ciblage des projets accompagnés ».
MaPrimeRénov’ suit la même pente : ses crédits passeraient de 2,1 milliards à 1,5 milliard. Seul le Fonds chaleur, géré par l’Ademe, reste stable à 800 millions d’euros.
Face à ces coupes, l’exécutif invoque la contrainte budgétaire et la mobilisation du secteur privé : « En situation de finances publiques contraintes, le choc d’investissements nécessaire à la décarbonation incite à mobiliser des fonds privés », indique la stratégie. En clair, la transition écologique devra désormais s’autofinancer, au prix d’un désengagement progressif de l’État.
Le gouvernement met pourtant en avant des « progrès significatifs » : baisse de 32,5 % des émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, recul des particules fines, diminution des prélèvements d’eau potable. Des résultats réels, mais qui s’essoufflent. La France reste loin de ses objectifs : réduire de moitié ses émissions d’ici 2030, atteindre la neutralité carbone en 2050.
Le rapport Pisani-Ferry estimait déjà, en 2023, que 82 milliards d’euros d’investissements supplémentaires seraient nécessaires chaque année pour atteindre ces objectifs. L’État n’en financerait qu’environ 13 milliards, soit 16 % du total. Le reste, près de 70 milliards, reposerait sur les collectivités, les entreprises et les ménages.
Ces dernières années, les collectivités ont pourtant déjà pris leur part : 9 milliards d’euros investis en 2023 dans la décarbonation, soit 15 % de leurs dépenses d’investissement. Rénovation énergétique des écoles et mairies, adaptation aux risques climatiques, réseaux de chaleur, mobilités douces… autant de politiques menées avec des moyens souvent fragiles.
Le gouvernement leur recommande désormais de « réduire leurs dépenses de fonctionnement », d’ « emprunter », d’ « émettre des obligations vertes » ou de recourir à des partenariats public-privé. Des leviers difficilement mobilisables pour les petites communes déjà sous tension.
Le 24 octobre, lors de son audition devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, Monique Barbut a tenté de calmer les inquiétudes.
« Je ne suis pas pour une écologie punitive, mais pour une écologie à laquelle les gens adhèrent », a-t-elle déclaré.
Sur le mix énergétique, elle assume la complémentarité du nucléaire et des renouvelables : « Notre système a besoin de ses deux jambes pour marcher. ».
Mais sur le plan budgétaire, les échanges ont révélé une inflexion de doctrine. Interrogée sur la division par quatre du Fonds vert, la ministre a invoqué le calendrier électoral : « Nous prévoyons que la demande sera moindre le temps que les nouveaux conseils municipaux s’installent. ».
Une explication jugée déconnectée par plusieurs députés, dont le socialiste Stéphane Delautrette, qui a dénoncé « un total décalage avec la réalité des projets en attente sur les territoires ».
La ministre a par ailleurs assumé une ligne claire : « Je ne considère pas que l’État est le financeur de la transition écologique. L’État est là pour fixer les lois et les règles qui amènent l’économie vers les bonnes trajectoires. ». En somme, l’État oriente, mais ne finance plus.
Sur le terrain, cette orientation pèse déjà. Rénover un groupe scolaire, isoler un gymnase, repenser la circulation, gérer le recul du trait de côte ou verdir l’éclairage public : ces décisions concrètes représentent des coûts croissants pour les communes.
La contraction des financements nationaux risque d’accentuer les fractures territoriales. Les collectivités les mieux dotées poursuivront leurs investissements ; les autres devront ralentir ou renoncer. À terme, cette fracture financière pourrait devenir une fracture écologique, entre territoires capables d’agir et ceux qui n’en ont plus les moyens.
Pourtant, la transition écologique se joue d’abord localement. Les maires et les équipes municipales sont au front : ils expérimentent, adaptent, innovent. Leur détermination est intacte, mais l’équation devient intenable si l’État se contente d’un rôle d’arbitre.
La réussite de la transition ne passera pas par des discours, mais par des moyens partagés. Et c’est bien sur ce terrain-là que se mesurera, dans les années à venir, la cohérence de la politique nationale.
À retenir
- Fonds vert : 2,5 Md € en 2023 → 650 M € dans le PLF 2026.
- L’État ne financerait qu’environ 16 % des investissements nécessaires à la décarbonation d’ici 2030.
- Les collectivités restent en première ligne, avec des moyens en recul.


