CONGRÈS DES MAIRES : LA BAISSE DÉMOGRAPHIQUE BOULEVERSE LA CARTE SCOLAIRE

La baisse des effectifs scolaires s’accélère dans tout le pays. Dans le primaire, 620 000 élèves ont disparu en dix ans, dont 400 000 depuis 2020. Selon les projections établies à partir des données de l’Insee, une nouvelle baisse de 560 000 élèves est attendue d’ici 2029. Pour les communes, notamment les plus rurales, cette évolution rebat profondément les cartes et oblige à revoir l’organisation scolaire dans un contexte souvent contraint.

Le forum organisé au Congrès des maires a d’abord permis de dresser un état des lieux. Maryse Fesseau, sous-directrice des statistiques à la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, a confirmé l’ampleur du phénomène, rappelant que le recul est particulièrement marqué depuis cinq ans. Les projections pour les années à venir ne laissent guère de doute sur la poursuite de cette tendance.

Un protocole signé au printemps entre l’AMF et le ministère doit désormais donner aux maires une visibilité à trois ans sur l’évolution des effectifs afin d’accompagner les décisions de carte scolaire. Mais pour beaucoup d’élus, cette visibilité reste insuffisante. Ils rappellent que les communes investissent sur des cycles de vingt ou vingt-cinq ans, qu’il s’agisse des bâtiments, des Atsem ou de l’organisation du périscolaire. Les prévisions à deux ou trois ans proposées par l’État ne permettent pas toujours d’anticiper les fermetures ou transformations de classes. À cela s’ajoute une difficulté bien connue : les capacités d’accueil évoluent en fonction des livraisons de logements, parfois encore en construction, ce qui modifie les projections académiques.

Lors du forum, plusieurs intervenants ont rappelé que l’école ne se résume pas à un enjeu éducatif. Elle structure l’aménagement du territoire, en particulier dans les zones rurales. Les trajets parfois très longs imposés à certains élèves interrogent la cohérence de la carte scolaire et la place donnée à la mobilité dans les décisions. Beaucoup saluent donc l’entrée des préfectures dans les échanges, y voyant un moyen d’intégrer davantage les réalités locales.

Plusieurs prises de parole ont aussi invité à dépasser l’échelle strictement communale. Certains estiment que la commune n’est plus toujours le périmètre pertinent pour maintenir une école, sans que l’intercommunalité soit forcément la solution idéale. L’idée d’un « bassin scolaire » regroupant plusieurs communes a été évoquée, avec pour objectif de mutualiser des bâtiments, de repenser les parcours éducatifs ou d’articuler l’école avec les structures de petite enfance, culturelles ou sportives. Certains territoires ruraux illustrent déjà cette logique en réunissant plusieurs niveaux dans un même bâtiment, facilitant les continuités et le partage des espaces.

L’enseignement à distance a également été mentionné, non pas comme un modèle de substitution, mais comme une réponse ponctuelle à des trajets très longs dans certains territoires isolés. Cette piste, encore exploratoire, s’inscrit dans la continuité de ce qui a été observé pendant la période du Covid.

Du côté de l’Éducation nationale, Joël Sürig, ancien directeur académique et expert auprès de la direction de l’encadrement du ministère, a encouragé les communes à être proactives et à utiliser les leviers dont elles disposent. Selon lui, les relations entre collectivités et institution évoluent vers davantage d’écoute, après des années marquées par la méfiance et l’incompréhension.

Dans le Finistère, ces échanges trouvent un écho particulier. Les effectifs du premier degré y reculent eux aussi, notamment dans les espaces ruraux et certaines communes périurbaines, avec des réorganisations qui se succèdent. Beaucoup d’élus se heurtent au décalage entre les projections académiques et la réalité locale, marquée par des mobilités, des constructions en cours ou des installations de familles qui n’apparaissent pas encore dans les statistiques nationales.

Pour les communes, la baisse démographique impose de revoir l’organisation scolaire tout en préservant la proximité éducative. Les élus demandent un temps d’anticipation plus long, une meilleure prise en compte des réalités territoriales et un dialogue plus stable pour éviter que cette baisse ne se traduise uniquement par des fermetures de classes. La baisse démographique n’est pas qu’un indicateur statistique. Elle oblige à repenser la place de l’école dans les territoires, à adapter les réponses locales et à préserver ce qui fait la force des communes : un accès de proximité, un cadre stable et un lien direct avec les familles.

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