DÉCHETS : UNE PROPOSITION DE LOI POUR RÉÉQUILIBRER L’ÉCOFISCALITÉ AU PROFIT DES COLLECTIVITÉS

Les communes et intercommunalités le constatent depuis plusieurs années : la gestion des déchets pèse de plus en plus lourd dans leurs budgets. La hausse continue de la TGAP, l’augmentation du coût de l’énergie, le renforcement des obligations réglementaires et les limites du système de responsabilité élargie du producteur ont créé un paysage où l’écofiscalité ne joue plus entièrement son rôle incitatif. Face à cette réalité, Pierre-Alain Roiron, sénateur socialiste, a déposé le 13 novembre 2025 une proposition de loi visant à rééquilibrer les responsabilités financières entre producteurs, éco-organismes et collectivités territoriales.

À l’origine, la TGAP devait encourager la réduction des déchets ultimes. Elle est devenue, dans les faits, une charge quasiment structurelle pour les collectivités, qui en acquittent aujourd’hui près de 70 %. En 2024, elles ont versé plus de 850 millions d’euros au titre de cette taxe, sans redistribution directe. Dans les territoires ruraux, où les distances de collecte sont longues et où les infrastructures de traitement sont souvent absentes, la situation est encore plus tendue. Les communes qui n’ont ni incinérateur ni centre d’enfouissement à proximité supportent des coûts de transfert et de traitement nettement plus élevés que les zones urbaines, sans aucune modulation de la TGAP pour tenir compte de ces disparités.

Dans le même temps, les éco-organismes chargés de mettre en œuvre la responsabilité élargie du producteur peinent à atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Certaines filières sont encore incomplètes, d’autres accumulent les retards, et les déchets qui ne sont pas recyclés retombent mécaniquement sur les collectivités, qui doivent en assurer la prise en charge… tout en payant la TGAP afférente. Les collectivités se retrouvent donc à financer les insuffisances d’acteurs sur lesquels elles n’ont aucune prise, alors même que la conception des produits, leur durée de vie et leur recyclabilité dépendent entièrement des producteurs.

La proposition de loi de Pierre-Alain Roiron part de ce constat. Elle crée une contribution financière due par les éco-organismes lorsqu’ils n’atteignent pas leurs objectifs de recyclage. Le montant serait calculé à partir du soutien versé pour une tonne recyclée, augmenté de 50 %. L’idée n’est pas d’alourdir le système, mais de rétablir une équité : lorsque les engagements ne sont pas tenus, les collectivités ne devraient plus en assumer les conséquences à elles seules.

La nouveauté essentielle du texte réside dans la destination de cette contribution. Elle serait entièrement reversée aux collectivités territoriales, sous la supervision du Comité des finances locales. Cette redistribution permettrait aux territoires d’investir dans des équipements de tri, d’améliorer les performances de collecte, de renforcer la prévention ou de mieux gérer les déchets résiduels. Autant de dépenses que les communes et intercommunalités doivent aujourd’hui financer dans un cadre budgétaire déjà très contraint.

En réorientant la responsabilité financière vers les acteurs qui ont la capacité réelle d’agir sur la conception des produits et sur leur recyclabilité, cette initiative cherche à redonner du sens à l’écofiscalité. Elle ne prétend pas résoudre l’ensemble des défis liés aux déchets, mais elle ouvre un débat attendu : celui d’un partage plus juste des charges, au moment où les collectivités voient leurs marges de manœuvre s’éroder. Pour de nombreux élu·es locaux, le texte présenté par Pierre-Alain Roiron arrive à point nommé, dans un secteur où l’impératif écologique se heurte chaque année un peu plus à la réalité budgétaire des territoires.

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