SERVICE DE LA PETITE ENFANCE : LE COMPTE N’Y EST PAS

Une semaine après le Congrès des maires, Stéphanie Rist a voulu rassurer les élus en détaillant, par courrier, les priorités de son ministère pour la petite enfance. Sur le papier, les intentions existent. Sur le terrain, les maires relèvent surtout l’essentiel : la réforme avance, mais les moyens ne suivent pas.

Dans ce courrier, la ministre décrit plusieurs orientations censées accompagner les communes : un nouveau congé de naissance en 2027 offrant deux mois supplémentaires à chaque parent ; un effort annoncé sur la qualité et la transparence des modes d’accueil ; et la revalorisation de la prestation de service unique, assortie d’un ajustement des subventions des Caf début 2026. Des signaux, donc, mais qui restent en décalage avec l’ampleur des responsabilités transférées.

Depuis le 1er janvier, les communes sont devenues autorités organisatrices du service public de la petite enfance. Cette nouvelle compétence implique des obligations renforcées, une organisation plus fine, des équipes mieux formées, et une coordination souvent complexe avec les partenaires locaux. Pour beaucoup, notamment dans les territoires ruraux, la charge s’est accrue sans que les ressources ne suivent.

Le financement promis par l’État constitue le nœud du problème. Les 86 millions d’euros annoncés ne concernent que les communes dépassant 3 500 habitants. Toutes les autres, pourtant soumises aux mêmes exigences, n’auront rien. Ce choix interroge : la charge de travail, les contraintes réglementaires et les attentes des familles n’obéissent pas aux seuils démographiques. Certaines intercommunalités, où aucune commune ne dépasse ce seuil, doivent même assumer seules l’intégralité du dispositif, sans soutien de l’État.

Les critères retenus posent également question : ils ne prennent en compte ni le nombre d’enfants de moins de trois ans, ni les fragilités sociales, ni les besoins réels des territoires. Pour beaucoup d’élus, la réforme crée un écart entre les ambitions nationales et la capacité réelle des communes à répondre à une demande croissante.

Lors du Congrès des maires, les élus ont été nombreux à rappeler qu’un service public ne peut reposer sur des annonces sans modèle financier solide. La pénurie de professionnels reste aiguë, les projets de crèches peinent à émerger faute de perspectives fiables, et les obligations nouvelles ne sauraient peser uniquement sur les collectivités.

La ministre dit vouloir travailler “en confiance” avec les territoires. Les élus attendent désormais une révision des critères de financement, une prise en compte des réalités démographiques et sociales, et une trajectoire claire pour les années à venir. Ce qu’ils demandent est simple : un service public soutenable, aligné sur les besoins des familles et sur les moyens réels des communes.

Pour l’instant, la feuille de route ouvre des pistes mais laisse de côté le cœur du sujet. Les équipes municipales sont déjà sous tension, les familles attendent des solutions et les budgets sont resserrés. Au fond, ce que les maires attendent n’est pas une énième déclaration d’intention : c’est un cadre qui leur permette de faire ce qu’ils font déjà, mais avec des moyens dignes de l’enjeu. Sans ce rattrapage, la petite enfance restera un service national… financé localement.

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