Brest, « dont il ne reste rien », écrivait Prévert. Mais la ville a pourtant été rapidement reconstruite et aujourd’hui, elle n’échappe pas aux difficultés que rencontrent les centres-villes d’après-guerre : logements énergivores, copropriétés parfois difficiles à mobiliser, cœurs d’îlots minéraux où la chaleur s’installe. Pour y répondre, la métropole a lancé Siamorphose, un programme qui ne vise pas seulement à rénover mais à repenser, en profondeur, la manière d’aborder ces quartiers emblématiques.
Le quartier de Siam, véritable signature du patrimoine de la Reconstruction et inscrit dans le label Ville d’art et d’histoire, est au cœur de cette expérimentation. Le centre reconstruit porte encore la marque de Jean-Baptiste Mathon, l’architecte chargé de rebâtir la ville après-guerre : un ensemble homogène, solide, presque intemporel. Mais derrière cette harmonie, le vieillissement du bâti est bien réel. Les copropriétés se heurtent au coût des travaux, aux règles de majorité, aux contraintes techniques ; les habitants voient les charges progresser tandis que le confort thermique diminue. C’est dans cet environnement exigeant que la métropole brestoise a choisi d’intervenir, non pas au coup par coup, mais en pensant le quartier comme un ensemble cohérent.
Siamorphose s’inscrit dans le plan-guide « Brest 2040, ville paysage en transition », qui prévoit une transformation progressive du centre reconstruit. Le projet adopte l’îlot comme échelle d’action, une unité suffisamment large pour transformer les usages mais assez proche du quotidien pour embarquer les habitants. Deux îlots typiques de la Reconstruction, Pasteur et Jean-Moulin, serviront de terrain d’essai. La couronne bâtie, les cœurs d’îlots et l’espace public immédiat sont traités ensemble : rénovation des logements, création de nouveaux espaces habitables en surélévation ou en extension, végétalisation des sols, requalification des rez-de-chaussée, mutualisation de ressources telles que l’eau ou l’énergie. Il ne s’agit pas d’accumuler les interventions mais de recomposer un morceau de ville.
L’enjeu est d’autant plus important que 96 îlots urbains, représentant plus de 6600 logements dont 96 % de parc privé, pourraient à terme être concernés. La démarche vise à produire une solution exemplaire, pensée pour être répliquée. Siamorphose est accompagné par l’État via la Banque des Territoires, dans le cadre de l’appel à projets France 2030 « Démonstrateurs de la ville durable ». Cette dimension nationale n’est pas anecdotique : elle engage le projet dans une logique d’innovation, d’évaluation et de diffusion vers d’autres territoires.
Mais l’innovation la plus déterminante est sans doute la méthode. Brest a créé un guichet unique capable d’accompagner les copropriétés du diagnostic au financement, en passant par les montages juridiques adaptés. Cette ingénierie clarifie, rassure, met en mouvement et permet de franchir des étapes qui, ailleurs, bloquent des mois durant. La collectivité n’impose rien : elle facilite, elle explique, elle accompagne. C’est une manière d’avancer avec les habitants, sans renoncer à l’ambition.
Les améliorations attendues sont significatives : des factures qui baissent, un confort accru, des logements plus accessibles, des îlots moins étouffants l’été. Mais c’est surtout l’atmosphère du quartier qui évolue. Plus d’ombre, plus de nature, davantage d’usages partagés. Les cœurs d’îlots cessent d’être des espaces techniques pour redevenir des lieux de vie. Ce sont ces transformations sensibles, ressenties au quotidien, qui donnent leur portée à l’expérimentation.
La démarche engagée ne se limite pas aux deux îlots pilotes. Le calendrier prévoit une entrée en phase opérationnelle dès l’automne 2025, avec une mise en œuvre progressive jusqu’en 2031. L’objectif est clair : faire des premiers îlots transformés un exemple qui permettra, après 2032, de prolonger l’action sur l’ensemble du centre reconstruit, ou dans tout autre territoire intéressé. Le budget alloué au projet s’élève à 18,5 millions d’euros, financés conjointement par les copropriétaires, Brest métropole et les partenaires publics, dont 7,25 millions d’euros d’aides de l’État au titre de France 2030.
Dans de nombreuses communes du Finistère, rénover des copropriétés vieillissantes relève souvent du casse-tête : maîtrise foncière faible, budgets contraints, votes imprévisibles. L’expérience brestoise montre qu’il est possible d’avancer autrement : en réunissant les acteurs, en simplifiant les démarches, en travaillant à l’échelle utile et en faisant de la qualité de vie un moteur du projet autant qu’un résultat.
Brest démontre ainsi qu’une transition écologique ambitieuse peut s’articuler avec la préservation du patrimoine, la sobriété foncière et la création de logements. Une manière d’ouvrir la voie à une nouvelle génération de projets dans le Finistère, plus cohérents, plus sobres et plus proches des usages réels des habitantes et habitants.


