Bruno Le Maire se défausse sur les collectivités pour cacher les défaillances du gouvernement

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a récemment pointé du doigt les collectivités locales en les accusant de contribuer de manière significative à l’aggravation du déficit public pour 2024. Selon lui, les dépenses supplémentaires de ces collectivités pourraient ajouter 16 milliards d’euros au déficit, compromettant ainsi les efforts de réduction budgétaire du gouvernement. Cette déclaration, lourde de sens, s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre le gouvernement central et les collectivités territoriales.

Alerte rouge sur les comptes publics

Le 2 septembre 2024, Bercy a adressé une lettre aux rapporteurs généraux et aux présidents des commissions des Finances des deux assemblées. Dans ce courrier, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, ont exprimé leur vive inquiétude concernant « l’ augmentation extrêmement rapide des dépenses des collectivités ». Selon eux, ce surcroît de dépenses, combiné à des recettes fiscales décevantes, pourrait, sans mesures d’économies significatives, porter le déficit public à 5,6 % du PIB en 2024, et à 6,2 % en 2025.

Le déficit public, qui englobe le solde des comptes de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales, est sous haute surveillance, notamment en raison de la procédure pour déficit excessif ouverte par l’Union européenne contre la France en juillet 2024. Selon les projections de Bercy, déjà dégradées au printemps avec une révision à la baisse de 30 milliards d’euros des prévisions de recettes fiscales, la situation pourrait empirer si les dépenses locales continuent de croître au rythme actuel.

Éric Coquerel, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, a également exprimé ses craintes. Selon lui, même avec 30 milliards d’euros d’économies, le déficit public stagnerait à 5,2 % du PIB l’an prochain, bien loin de l’objectif de 3 % fixé par Bruxelles pour 2027. Pire encore, sans ces économies, le déficit pourrait atteindre 6,2 % du PIB en 2025, une situation qui mettrait la France en difficulté face à ses partenaires européens​.

 

Un gouvernement déconnecté des réalités locales

Les propos de Bruno Le Maire témoignent d’une déconnexion profonde entre le gouvernement et les réalités territoriales. Plutôt que de reconnaître la responsabilité des collectivités dans la gestion des investissements publics et des services essentiels, le gouvernement semble ignorer les contraintes et les défis auxquels elles font face, notamment dans la réalisation de projets essentiels pour l’avenir, tels que la transition écologique et le développement économique.

En imputant l’aggravation du déficit aux collectivités locales, le gouvernement semble faire abstraction des contraintes budgétaires strictes qui leur sont imposées. Les collectivités, qui ne peuvent emprunter que pour investir, dépendent en partie des subventions de l’État, lesquelles ont pourtant diminué ces dernières années. Dans ce contexte, les accusations de Bercy apparaissent non seulement injustes, mais aussi contre-productives.

Les collectivités sont en première ligne face aux conséquences des politiques d’austérité du gouvernement. La réduction des dotations, combinée à des obligations croissantes, les oblige à faire davantage avec des ressources limitées. Cette pression est exacerbée par la nécessité de maintenir la qualité des services publics, tout en respectant des contraintes budgétaires toujours plus rigides.

Une gestion nationale défaillante

L’argument central de Bruno Le Maire repose sur l’idée que les collectivités locales doivent participer à l’effort de réduction du déficit, alors même que les dépenses de l’État continuent d’augmenter dans certains secteurs, comme la défense et la sécurité. Cette approche unilatérale pose question. Si certaines dépenses sont en effet indispensables, notamment pour assurer la sécurité des citoyens, pourquoi ne pas envisager une meilleure répartition des efforts budgétaires ?

Le gouvernement démissionnaire a ainsi préparé un budget 2025 « réversible », avec des dépenses strictement équivalentes à celles de 2024, soit 492 milliards d’euros, mais réparties différemment entre les ministères. Selon une analyse parlementaire, seuls les budgets de la défense et de la sécurité augmenteraient plus vite que l’inflation en 2025, tandis que d’autres secteurs clés, tels que l’aide publique au développement (-18 %), l’agriculture (-6 %), et l’écologie (-1 %), verraient leurs moyens diminuer en termes réels.

 

Cette situation souligne une gestion nationale qui privilégie des objectifs budgétaires à court terme au détriment d’une vision stratégique à long terme. Le choix du gouvernement de restreindre des politiques essentielles pour atteindre ses cibles de réduction du déficit est préoccupant. Plutôt que de soutenir les collectivités dans leur mission de service public, l’État central impose une rigueur budgétaire qui risque de dégrader la qualité des services locaux et de fragiliser la cohésion sociale.

Soutien aux collectivités locales : Un impératif pour l’avenir

Les collectivités locales sont au cœur du développement économique et social. En première ligne pour répondre aux besoins quotidiens des citoyens, que ce soit dans la gestion des écoles, l’aménagement du territoire ou la transition écologique, elles ne peuvent être injustement réduites à des sources de dépenses excessives. Une telle perception n’est pas seulement erronée, elle met également en péril l’avenir de nos territoires.

La France ne pourra réussir sa transition économique et écologique que si elle renforce et valorise les investissements locaux, au lieu de les considérer comme une menace pour ses finances publiques. Il est temps de mettre en place un véritable partenariat entre l’État et les collectivités locales, basé sur la confiance et la coopération, afin de relever ensemble les défis auxquels notre pays est confronté.

En conclusion, blâmer les collectivités locales pour l’aggravation du déficit public est non seulement une erreur de diagnostic, mais aussi une fuite en avant qui risque de coûter cher à la France. Plutôt que de les stigmatiser, il serait plus sage de reconnaître leur rôle essentiel dans le développement du pays et de les soutenir dans leurs efforts pour améliorer la qualité de vie des citoyens et préparer l’avenir.

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