BUDGET 2026 : LE RISQUE D’UNE ANNÉE BLANCHE POUR L’INVESTISSEMENT LOCAL

L’Assemblée nationale a rejeté vendredi soir presque unanimement la première partie du projet de loi de finances pour 2026 après plus de cent heures de débats. Ce vote massif, qui entraîne la chute de l’ensemble du texte avant même l’examen des dépenses, ouvre une période d’incertitude pour les communes qui préparent déjà leurs budgets.

Le rejet n’a surpris personne mais son ampleur reste inédite. Gauche, droite et Rassemblement national ont voté contre ; une partie de la majorité s’est abstenue. Un seul député a soutenu la copie gouvernementale (Harold Huwart, Liot). Les amendements adoptés dans les derniers jours, y compris ceux obtenus pour les collectivités sont annulés de fait. Le texte repart donc au Sénat dans sa version initiale.

La Haute Assemblée s’est immédiatement emparée du dossier. Les sénateurs veulent limiter à 2 milliards d’euros l’effort demandé aux collectivités, alors que le gouvernement tablait sur 4,6 milliards et que les associations d’élus évoquaient même plus de 7 milliards. Depuis le début de la semaine, plusieurs dispositions favorables aux finances locales ont été votées en commission, notamment le maintien de l’assiette actuelle du FCTVA, la réduction de moitié de la baisse de compensation liée à l’allègement industriel, le doublement du fonds de sauvegarde des départements, les recettes supplémentaires pour les autorités organisatrices de la mobilité. Concernant le Dilico, la ligne sénatoriale est désormais claire : une contribution divisée par deux pour les départements et les intercommunalités et une exonération totale pour les communes.

Avant le rejet du texte, l’Assemblée avait elle aussi adopté plusieurs amendements utiles aux collectivités : un fonds de sauvegarde départemental porté à 600 millions d’euros, un fonds dédié aux jeunes majeurs sortant de l’Aide sociale à l’enfance, une enveloppe supplémentaire pour les régions, le maintien de la fraction de TVA régionale ou encore le rétablissement de certaines dépenses dans l’assiette du FCTVA. Tous ces acquis tombent à l’eau.

Dans ce contexte, la perspective d’une loi de finances spéciale devient de plus en plus probable. Ce mécanisme, déjà utilisé l’an dernier, reconduirait le budget 2025 afin d’éviter un blocage institutionnel, mais il ne permettrait pas de financer de nouveaux projets. Le ministre des Collectivités locales a d’ailleurs averti les maires qu’en l’absence d’adoption d’un budget, aucune dotation d’investissement ne serait versée en 2026. Les communes continueraient à percevoir leur DGF, leur DSU et leur DSR, mais les dossiers en préparation resteraient en attente.

Le Premier ministre espère encore trouver un chemin politique en ouvrant des discussions parallèles sur plusieurs thèmes considérés comme prioritaires, notamment la réforme de l’Etat et la décentralisation, l’énergie, l’agriculture et la sécurité. Ces échanges pourraient conduire à des votes thématiques destinés à reconstituer une majorité de passage, mais rien ne dit qu’ils suffiront à débloquer la situation avant la fin de l’année.

Pour les communes, cette séquence budgétaire ressemble à un entre-deux périlleux : les projets sont prêts, les besoins urgents, mais les financements restent suspendus. À ce stade, les collectivités ne manquent ni d’envie ni de vision. Elles manquent simplement de certitudes. C’est désormais au niveau national de leur en offrir.

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