À force de vouloir tout encadrer, l’État a fini par verrouiller. Et les élus locaux, eux, continuent d’assumer l’essentiel de la commande publique dans un système qu’ils n’ont pas choisi, mais dont ils subissent tous les jours les rigidités.
Avec près de 195 000 marchés publics signés chaque année, les collectivités locales portent à bout de bras une machine administrative conçue ailleurs, pour d’autres priorités. La commande publique est censée être un levier économique. Elle est devenue, pour beaucoup, un exercice de conformité.
En ouvrant une commission d’enquête présidée par Simon Uzenat, le Sénat reconnaît ce que beaucoup d’élus dénoncent depuis longtemps. Ce n’est pas d’expertise juridique que manque la commande publique, mais de liberté politique. Derrière chaque appel d’offres, il y a un élu qui assume, un service qui s’épuise, et des marges de manœuvre qui se réduisent. Revenir à l’essentiel, c’est redonner aux collectivités la possibilité de faire des choix, pas seulement de suivre les procédures.
La commission promet de faire un état des lieux d’ici juin. Pour cela, elle a commencé ses auditions et ouvert, en parallèle, une consultation publique baptisée « Élus locaux, quels acteurs êtes-vous ? ». Une manière d’aller chercher ce qui ne remonte jamais dans les bilans ministériels : le découragement, les renoncements, et cette tension permanente entre responsabilité politique et insécurité juridique.
Car les questions posées sont les bonnes. Le poids des règles. Le recours imposé aux centrales d’achat. Les freins à l’achat local. Les clauses environnementales trop risquées juridiquement. Les PME exclues de fait, malgré tous les discours. Ce n’est pas un débat d’experts. C’est une réalité politique, à laquelle tous les élus sont confrontés.
Et pendant que les collectivités empilent les procédures pour sécuriser chaque achat, une autre question émerge. Le Sénat affirme vouloir vérifier si l’État respecte lui-même les règles qu’il impose. Un signal important, tant le sentiment d’inégalité de traitement est devenu un angle mort du débat public.
Il n’y aura pas de transition écologique, pas de relance industrielle, pas de soutien réel aux territoires sans une commande publique repensée. Moins comme un carcan, plus comme un outil. Encore faut-il en finir avec la défiance envers les élus et leur supposée incapacité à dépenser utile.
La commission sénatoriale ouvre une brèche. Reste à savoir si elle sera refermée rapidement ou si elle permettra enfin de rouvrir un débat politique sur un sujet qu’on a trop longtemps laissé aux seuls juristes.
En attendant, la consultation est ouverte jusqu’au 30 avril. Répondre, c’est rappeler que derrière chaque marché public, il y a des choix politiques, et souvent, des arbitrages que personne d’autre n’assume à la place des élus.