Compétences eau : une réforme qui divise et fragilise les communes

Le 17 octobre 2024, le Sénat a adopté la suppression de l’obligation de transfert des compétences eau et assainissement aux intercommunalités, une mesure initialement prévue pour 2026. Ce texte, défendu par le gouvernement et soutenu par certains sénateurs, entend offrir davantage de flexibilité aux communes, mais a également suscité une opposition forte, notamment du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui voit dans cette réforme un affaiblissement de la solidarité territoriale.

Un retour sur la loi NOTRe et ses objectifs

La loi NOTRe de 2015, qui avait instauré cette obligation de transfert, visait à renforcer la gestion des services publics à l’échelle intercommunale. Son objectif était d’améliorer la mutualisation des ressources et des compétences pour des services plus efficaces, en particulier dans des secteurs techniques comme l’eau et l’assainissement, où les infrastructures nécessitent des investissements importants et une expertise technique parfois absente dans les plus petites communes.

Syndicats supracommunaux : une solution pour les communes ?

L’une des alternatives proposées par la nouvelle loi est la possibilité pour les communes qui n’ont pas encore transféré leurs compétences de déléguer leur gestion à des syndicats supracommunaux. Ces structures regroupent plusieurs collectivités et permettent de mutualiser la gestion de certaines compétences comme l’eau, tout en respectant la spécificité locale. Cependant, cette option reste limitée pour certaines communes, notamment celles qui n’ont pas les moyens de participer à ces syndicats ou qui préfèrent maintenir une gestion autonome malgré les contraintes.

Pas de retour en arrière pour les transferts déjà effectués

Un point de crispation important est l’absence de réversibilité pour les transferts déjà réalisés. Les communes qui avaient déjà transféré leurs compétences à une intercommunalité n’auront pas la possibilité de reprendre la gestion de ces services, même si elles le souhaitaient. Cela pose des questions d’équité territoriale, notamment pour celles qui, sous la contrainte de la loi NOTRe, avaient réalisé des investissements coûteux pour mettre en place ces structures de mutualisation. Cette restriction risque de renforcer les disparités entre communes, certaines restant liées à un modèle qu’elles ne jugent plus adapté.

Le rôle des départements dans la gestion de l’eau

Un autre volet de la loi concerne le rôle des départements, qui pourraient se voir confier la maîtrise d’ouvrage pour les projets liés à l’eau, tels que la production, le transport ou le stockage. Cette disposition pourrait être bénéfique pour les petites collectivités, qui ne disposent pas toujours des moyens nécessaires pour gérer des projets d’envergure. Toutefois, il reste à voir si ce mandat départemental serait réellement mis en œuvre et s’il répondrait aux besoins locaux sans fragiliser les autres acteurs déjà engagés dans la gestion de ces compétences.

Une réforme qui questionne l’équité territoriale

L’enjeu principal pour les élus du groupe SER est de s’assurer que cette réforme ne creuse pas davantage les inégalités entre communes. En effet, les petites collectivités rurales ou les communes aux moyens limités risquent d’être particulièrement touchées par cette suppression du transfert obligatoire. Sans les infrastructures et les moyens nécessaires, elles pourraient voir leur capacité à assurer un service public de qualité sérieusement compromise, tandis que les grandes collectivités, mieux dotées, continueraient à bénéficier de leur propre gestion ou de syndicats mieux organisés.

Perspectives à l’Assemblée Nationale

Le texte se dirige maintenant vers l’Assemblée Nationale, où les discussions seront décisives. Pour les élus opposés à la réforme, il est essentiel de préserver des mécanismes de solidarité intercommunale pour garantir que toutes les collectivités, quelle que soit leur taille, puissent bénéficier de services publics de qualité, sans être pénalisées par cette nouvelle flexibilité qui pourrait au final fragiliser les territoires les plus vulnérables.

Retrouvez ci-dessous l’intervention de Michel Barnier, où il annonce la fin du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux intercommunalités.

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