La gestion de la voirie et la prise d’arrêtés inter-municipaux posent des questions juridiques importantes, notamment lorsque les décisions prises par une commune ont des répercussions sur une commune voisine. Comprendre les circonstances dans lesquelles ces arrêtés peuvent être pris, ainsi que le cadre juridique qui les entoure, est essentiel pour une gestion harmonieuse et légale des espaces partagés.
I. La légalité des arrêtés inter-municipaux depuis 1980
Depuis 1980, la jurisprudence clarifie que les maires doivent émettre conjointement des arrêtés de police administrative lorsque la voirie délimite deux communes. Selon l’article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, la police de la circulation sur une voie communale qui sépare deux communes doit être exercée en commun. Cette coopération peut se concrétiser par des arrêtés concordants signés par chaque maire ou par un arrêté unique signé par les deux. En cas de désaccord, le préfet peut intervenir selon l’article L.131-13 du Code des communes. Cette obligation vise à coordonner efficacement la gestion des espaces partagés tout en minimisant les risques de conflits intercommunaux.
II. La nécessité des arrêtés inter-municipaux dans d’autres contextes
L’utilisation des arrêtés inter-municipaux dépasse souvent les voiries frontalières. Des situations telles que des routes traversant plusieurs communes, des chemins côtiers partagés ou des plans d’eau communs nécessitent également une coopération inter-municipale.
Exemples :
- Le sentier des douaniers GR34 : Ce sentier traverse plusieurs communes côtières du Finistère, dont Brest, Plouguerneau et Saint-Pabu. Pour assurer son entretien, sa signalisation et la sécurité des randonneurs, ces communes collaborent régulièrement par des arrêtés inter-municipaux.
- La gestion du bassin versant de l’Elorn : Les communes de Landerneau, La Roche-Maurice et Le Relecq-Kerhuon coopèrent pour la gestion des eaux, la prévention des inondations et la protection de la qualité de l’eau, nécessitant des arrêtés inter-municipaux pour une gestion durable de cette ressource partagée.
Cependant, un débat persiste sur l’étendue de cette jurisprudence, certains limitant son application aux voies délimitant deux communes, d’autres l’étendant à d’autres situations nécessitant une régulation commune comme les zones de baignade partagées.
III. Prise en compte des effets sur les communes voisines
Le Conseil d’État a récemment confirmé qu’un maire, lorsqu’il prend un arrêté de manière unilatérale, doit considérer les impacts potentiels sur les communes voisines, comme stipulé dans la décision du 17 juin 2024 concernant la Commune de Farino (n° 470189). Chaque maire est compétent pour réglementer la circulation sur son territoire, même si cela affecte les conditions de circulation dans une autre commune. Il est essentiel que le maire évalue les incidences de sa réglementation pour les communes voisines afin d’éviter des perturbations et de promouvoir une gestion harmonieuse et concertée des espaces partagés.
IV. Clarification des obligations et possibilités
La décision récente du Conseil d’État précise que l’obligation de prendre des arrêtés conjoints s’applique spécifiquement lorsque l’axe d’une voie communale délimite deux communes. Cependant, cette décision n’exclut pas la possibilité d’arrêtés inter-municipaux dans d’autres contextes. En dehors des voiries frontalières, les arrêtés inter-municipaux restent possibles et souvent recommandés pour une gestion harmonieuse. Bien que la législation impose des arrêtés conjoints lorsque la voirie forme une frontière commune, la coopération entre communes demeure une option précieuse pour prévenir les conflits et assurer une gestion efficace de l’ordre public.