Décentralisation : Le chef du gouvernement rouvre le dossier

Réforme des institutions ? Nouvelle étape de la décentralisation ? Difficile à dire pour l’instant. Pourtant, une refonte des institutions est évoquée dans les rangs de la majorité pour tourner la page de la réforme des retraites.

Le chef de l’Etat a reçu lundi 13 mars les président.e.s d’associations d’élu.e.s. Ce premier rendez-vous organisé à la demande des associations était « surtout une phase d’écoute » a précisé Sébastien Martin, le président d’Intercommunalités de France. Emmanuel Macron en a peu dit sur ses intentions pour la décentralisation et s’est contenté, pour l’essentiel, des notes. Il se serait simplement exprimé cinq à dix minutes en début puis en fin de la réunion.

Retour sur cette rencontre

Une réunion de 2 heures, au programme, le volet territorial de la réforme des institutions. Autour de la table, Emmanuel Macron et sept présidents d’associations d’élus locaux. Hormis, l’Association des Maires de France, qui n’était pas représentée : la faute tant à des engagements de longue date sur cette journée de David Lisnard que du refus de l’Elysée de recevoir tout autre représentant que les président.e.s des associations d’élu.e.s. Ce qui n’a pas manqué de susciter le courroux de l’AMF face à « cette décision anormale qui écarte l’association représentative des communes et intercommunalités de France de ce stade de la discussion ». L’AMF, qui représente les 36.000 maires de France, avait pourtant proposé d’autres membres de son bureau, comme le socialiste André Laignel, le numéro 2 de l’association et farouche opposant à Emmanuel Macron. Mais l’exécutif a opposé une fin de non-recevoir, refusant « toute représentation de l’association par un autre membre que son président ».

Les élus présents ont fait valoir que la relance de la décentralisation n’était pas une fin en soi mais qu’elle représentait une réponse à l’actuelle « crise démocratique » et à la nécessité d’une action publique « plus efficace, plus proche, plus lisible ». De son côté, le président de Départements de France a expliqué vouloir travailler à une République des solutions pour la vie des Français qui désespèrent de l’incapacité des institutions à régler leurs problèmes. Il a également évoqué « une volonté partagée de faire évoluer les choses avec le chef de l’état, même s’il y a encore beaucoup de travail ».

Pour France Urbaine, « La décentralisation, c’est d’abord une affaire d’état d’esprit qui ne peut se résumer à un simple mécano institutionnel de transferts de compétences ». Le président de Villes de France, a rappelé que les maires de villes moyennes représentés par son association « n’appelaient pas à un grand boom territorial mais à un partage plus clair des compétences entre collectivités et État ». Sur ce point, tout le monde semblait à peu près d’accord. Départements de France ne veut pas non plus d’un « big bang territorial », surtout si celui-ci devait signifier un retour du conseiller territorial. À savoir : l’éventualité d’un redécoupage de certaines grandes régions n’aurait pas été abordée au cours la réunion de lundi.

Parmi les différents axes envisagés, le chef de l’état aurait insisté sur trois points :

  • Une meilleure contractualisation entre l’État et les collectivités (ou territoires)
  • Des blocs de compétences à décentraliser de façon plus complète
  • Des financements assis sur une « autonomie financière » garantie par la Constitution et sur une pluriannualité

De quelles compétences s’agit-il ? La priorité est au logement. Rien de très surprenant puisque trois ministres ont reçu les associations d’élus locaux en février dernier pour entamer une concertation sur la décentralisation des politiques du logement.

Le président d’Intercommunalités de France se dit satisfait qu’Emmanuel Macron reprenne enfin cette idée d’une décentralisation complète des politiques de l’habitat. Le chef de l’état aurait également mentionné la nécessité de « clarifier les choses sur la question des transports ».

Sur ce sujet, France urbaine appelle au « confortement des délégations déjà existantes et reconnues aux intercommunalités cheffes de file des politiques de l’habitat, à la gestion de tout ou partie des crédits MaPrimeRénov’ et du service d’accompagnement pour la rénovation énergétique aux intercommunalités sur le modèle de la délégation des aides à la pierre ». Mais aussi à la délégation aux territoires urbains de certains crédits politique de la ville.

Régions de France résume, pour sa part, en ces termes l’objectif du président de la République : « Plus de clarté dans les compétences exercées, plus de responsabilités données aux collectivités, c’est-à-dire davantage de moyens juridiques et financiers associés aux compétences transférées, plus de proximité dans l’élaboration des solutions », en ajoutant, qu’Emmanuel Macron aurait évoqué, en plus du logement et des mobilités, les champs de l’éducation et de la formation professionnelle. 

La santé a également été « un point crucial d’échange, afin de résorber les déserts médicaux et le délabrement de nos hôpitaux », a précisé Carole Delga.  L’ANTC a déploré que les relations avec les ARS soient si compliquées.  

S’agissant de l’axe financier, le fait que l’Élysée évoque une autonomie financière avec garantie constitutionnelle a de quoi satisfaire une partie des élus. Tout comme l’espoir de disposer de « plus de lisibilité » et d’une « visibilité financière pluriannuelle » a indiqué le président de Villes de France. Avec une nuance de taille toutefois, « Le président parle d’autonomie financière, c’est d’une autonomie fiscale dont nous avons besoin », précise l’ADF. Ce débat n’est pas nouveau et sur ce point, les associations d’élus ne sont pas toutes totalement au diapason.

Pour Intercommunalités de France, « L’autonomie fiscale, c’est bon pour les plus riches, les régions ne se plaignent pas beaucoup de se voir affecter une part de TVA ». L’association insiste sur le sujet de la contractualisation, appelant à « un véritable contrat État-territoires conçu à l’échelle des bassins de vie. À l’image des contrats de plan État-région, la Première ministre doit pouvoir adresser à chaque préfet de département des lettres de cadrage précisant les moyens que plusieurs ministères devront déconcentrer auprès du bloc communal et qui permettront ensuite d’accompagner les territoires sur la durée. »

S’agirait-il de s’appuyer sur les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui étaient censés représenter une vision très « intégrée » de la logique contractuelle ? Autrement dit d’aboutir à des CRTE « améliorés » ? Oui… à condition qu’on ne vienne pas les court-circuiter. Or, pour Intercommunalités de France, c’est précisément ce qui s’est passé avec le lancement du fonds vert : « Au lieu de s’appuyer sur ces contrats basés sur des projets de territoire, on a lancé une plateforme internet… On ne pouvait pas faire mieux pour planter le CRTE ».

Rendez-vous d’ici l’été

Et maintenant ? Deux ou trois nouvelles réunions de travail à venir et des propositions qui devraient ainsi émerger dès l’été. Le calendrier aurait donc été resserré selon Carole Delga, la présidente de Régions de France. 

Le président de la République a demandé aux associations d’élus de venir avec des propositions de modus operandi sur une nouvelle étape de différenciation. Ces prochaines réunions devraient se tenir dans un format similaire, élargi à la présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, et au président du Sénat, Gérard Larcher. Et probablement, cette fois-ci, le président de l’AMF, David Lisnard.

 

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