Alors que le gouvernement promet un « nouvel acte de décentralisation », les élus locaux accueillent la nouvelle sans illusions. Sur le terrain, beaucoup ont le sentiment d’avoir déjà entendu cette musique. Les discours changent, les blocages demeurent.
Interrogé récemment dans la presse, Sébastien Miossec, maire de Riec-sur-Bélon (Finistère), président de Quimperlé Communauté et président délégué d’Intercommunalités de France, a mis des mots sur ce ressenti partagé : les collectivités savent faire, mais l’État continue de tenir la bride trop courte.
Depuis quarante ans, chaque gouvernement promet de « faire confiance » aux territoires. Mais à chaque fois, les mêmes réflexes reviennent : recentralisation rampante, normes à n’en plus finir, financements verrouillés. Crèches, logement, urbanisme : sur le papier, les compétences sont locales ; dans les faits, tout reste encadré depuis Paris.
Cette “décentralisation sous tutelle” est devenue le symbole d’un système à bout de souffle : des responsabilités accrues, mais sans marges de manœuvre.
Les élus, eux, ne réclament pas des pouvoirs supplémentaires, mais de la cohérence. Pas l’absence de cadre, mais la liberté d’adapter les règles. Loin d’affaiblir l’État, une vraie décentralisation lui redonnerait du souffle : elle rapprocherait la décision publique de ceux qui en assument les conséquences, chaque jour, sur le terrain.
Malgré tout, les communes et intercommunalités continuent de tenir debout, sans bruit ni éclat. Elles font plus, avec autant, tout en maintenant leurs budgets à l’équilibre.
Cette rigueur n’a rien de théorique : un budget communal, c’est une feuille de route politique, pas une abstraction comptable. Chaque ligne engage la confiance d’une population. Cette responsabilité directe impose une transparence que bien peu d’institutions nationales peuvent revendiquer.
Mais la centralisation n’est plus le seul frein. Depuis deux ans, l’instabilité politique s’y ajoute. L’hiver 2024-2025, marqué par un budget voté tardivement, a bloqué des projets déjà prêts à démarrer. Les mesures d’économie prévues pour 2026 risquent d’en retarder d’autres.
Résultat : les collectivités arbitrent sans cesse. On diffère un recrutement, on reporte un chantier, on revoit un service à la baisse. Ces choix, souvent discrets, finissent toujours par se faire sentir dans la vie locale. L’incertitude politique finit par peser autant que la contrainte financière.
Pendant que l’État tergiverse, les communes et intercommunalités, elles, avancent. Elles rénovent, accompagnent, soutiennent, investissent. Deux tiers de l’investissement public passent par elles : sans les territoires, la France ne bougerait plus.
Et pourtant, elles continuent d’agir avec un sens du devoir presque silencieux, loin du tumulte national.
Dans un pays traversé par le doute, les communes restent une référence de stabilité. Leur action ne se mesure pas à la taille d’une loi, mais à ce qui change la vie des habitants : une école entretenue, un service maintenu, une présence publique qui ne faiblit pas.
La décentralisation ne se décrète pas. Elle se construit, pas à pas, avec celles et ceux qui, depuis longtemps, tiennent la maison.
Les élus locaux n’attendent pas qu’on leur dise quoi faire : ils le font déjà. Ce qu’ils espèrent, c’est que la décentralisation sorte enfin des discours pour entrer dans les actes.
Et si, pour redonner confiance au pays, on commençait simplement par leur faire confiance ?