Il y a encore quelques années, évoquer la régulation de l’installation des médecins suffisait à provoquer une levée de boucliers. Aujourd’hui, l’idée progresse. La proposition de loi portée par Guillaume Garot a franchi une première étape importante début avril, avec l’adoption de son article 1er. Le principe est clair : dans les zones déjà bien pourvues, toute nouvelle installation serait soumise à autorisation. Une mesure de bon sens face à une situation qui n’a plus rien d’abstrait.
Les déserts médicaux ne relèvent plus d’un scénario hypothétique : ils désorganisent déjà nos territoires, aggravent les inégalités et brisent la promesse d’égalité d’accès aux soins. Dans des départements comme le Finistère, où la réalité du terrain parle d’elle-même, la question de la régulation de l’installation des médecins ne peut plus être éludée. Pourtant, à chaque tentative de réforme, les mêmes contre-arguments refont surface. Il est temps de faire la part entre les idées reçues et les solutions éprouvées.
Régulation de l’installation : une efficacité avérée
On entend fréquemment dire que réguler l’installation des médecins serait inefficace, voire contre-productive. Pourtant, les exemples étrangers montrent exactement l’inverse. En Allemagne, au Danemark, en Belgique ou encore en Suède et en Australie, des politiques équilibrées ont permis une meilleure répartition des médecins sur tout le territoire, réduisant considérablement les zones en tension. La liberté totale d’installation, souvent idéalisée, n’a jamais assuré seule un accès équitable aux soins.
Contrairement à l’idée reçue selon laquelle la régulation pousserait les jeunes médecins à se détourner de la profession ou à exercer à l’étranger, les expériences internationales prouvent qu’une politique régulée accompagnée de mesures incitatives fortes favorise au contraire leur installation dans les zones délaissées. Soutiens financiers, exonérations fiscales et amélioration concrète des conditions de travail rassurent les jeunes praticiens, contribuant directement à une meilleure couverture médicale.
Régulation : entre intérêt général et attractivité professionnelle
Certaines critiques caricaturent la régulation en la présentant comme une mesure coercitive ou punitive. Or, réguler intelligemment signifie associer obligations modérées et incitations attractives. Plusieurs régions françaises expérimentent déjà avec succès ces modèles équilibrés, démontrant ainsi leur efficacité à attirer durablement les médecins et à satisfaire les attentes des populations locales.
L’affirmation selon laquelle la régulation freinerait le renouvellement générationnel de la profession médicale est également erronée. Au contraire, une répartition équitable des médecins rend la profession plus attractive. Des conditions de travail stables et des perspectives claires séduisent les jeunes générations, favorisant ainsi une meilleure continuité des soins.
Enfin, le débat est souvent résumé à tort comme une opposition entre liberté individuelle et intérêt général. Pourtant, la santé relève précisément de l’intérêt général. Organiser la répartition des médecins pour garantir un accès équitable ne remet pas en cause les libertés fondamentales ; elle les concilie avec une vision solidaire indispensable au bon fonctionnement de notre société.
Ceux qui refusent encore la régulation opposent des principes abstraits à une réalité tangible. Pendant ce temps, les territoires attendent, les maires alertent, les familles renoncent. Le débat est mûr, la prise de conscience collective existe : désormais, ce qui manque, c’est le courage d’agir. Ne rien faire, c’est abandonner une partie du pays à une médecine à deux vitesses. Le moment est venu de prendre position clairement et d’ouvrir la voie à une régulation juste, efficace, et fondée sur l’intérêt général.