Organiser un scrutin est un acte démocratique essentiel. Mais en France, c’est aussi une dépense que l’État laisse aux communes. Dans une réponse parlementaire passée presque inaperçue, le gouvernement vient d’annoncer qu’il n’envisage aucune revalorisation des frais versés aux collectivités pour l’organisation des élections. Une décision révélatrice de l’évolution du rapport entre l’État et les territoires.
Des remboursements symboliques depuis près de vingt ans
Aujourd’hui, l’État verse 44,73 euros par bureau de vote et dix centimes par électeur inscrit. Ce forfait, figé depuis 2006, est censé couvrir l’aménagement des bureaux, l’installation des panneaux, leur enlèvement, l’achat éventuel d’urnes, la remise en état des lieux après le scrutin, et la manutention hors des heures ouvrables. En réalité, ces montants ne couvrent plus rien.
Lors des élections législatives de 2022, le remboursement moyen versé par l’État s’élevait à 425 euros par commune. Une somme dérisoire, surtout pour les petites collectivités, alors même que le Code électoral affirme que les dépenses liées aux assemblées électorales sont à la charge de l’État.
Une réponse embarrassée du gouvernement
Interrogé à l’Assemblée nationale par un député issu de la majorité présidentielle, le gouvernement a apporté des précisions sur le coût de la dissolution de juin 2024. Pour l’État, les législatives anticipées ont représenté une dépense d’environ 100 millions d’euros. Les communes, elles, ont perçu 14,8 millions d’euros au titre des frais d’assemblée électorale. Ce montant est même inférieur à celui de 2022.
Le gouvernement affirme que la subvention permet de couvrir l’essentiel des frais matériels. Dans le même temps, il explique qu’il est dans l’incapacité d’estimer précisément ce que les communes engagent réellement. Il reconnaît également que les frais de personnel, pourtant incontournables, sont exclus du dispositif de remboursement.
Ce double discours interroge. Comment affirmer que l’essentiel est couvert tout en reconnaissant ne pas savoir combien les communes dépensent ?
Une nouvelle illustration du désengagement de l’État
Les associations d’élus alertent depuis longtemps sur l’inadéquation de ces remboursements. Le Sénat lui aussi appelle à une revalorisation. Mais le gouvernement reste sourd. Il refuse d’ouvrir une discussion avec les représentants des collectivités pour réévaluer les montants. Ce refus n’est pas seulement comptable. Il traduit une logique plus profonde, dans laquelle les communes sont de plus en plus sollicitées, sans que les moyens suivent.
Chaque scrutin repose sur l’engagement des élus locaux, de leurs agents, et sur les moyens mis à disposition par les communes. Refuser d’actualiser ces remboursements, c’est considérer que la démocratie locale peut fonctionner à perte. Ce n’est pas acceptable.