En 2023, la situation financière des Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes publics en France a atteint un seuil critique. Près de 85 % de ces institutions ont clôturé l’année avec des finances dans le rouge, marquant un sommet historique selon les données recueillies par la Fédération hospitalière de France.
Bien avant que la Fédération hospitalière de France ne souligne la crise financière des Ehpad publics, un collectif de maires bretons, parmi lesquels Guy Pennec, maire de Plourin-lès-Morlaix, avait déjà exprimé de vives préoccupations à ce sujet. Confrontés à des déficits croissants dus à l’augmentation des coûts opérationnels et au manque de financement des Agences Régionales de Santé et des départements, ces élus ont pris une mesure remarquable en décidant d’attaquer l’État en justice. Leur démarche vise à obtenir le soutien financier nécessaire pour assurer des soins adéquats aux personnes âgées dépendantes. Cette mobilisation précoce illustre clairement l’ampleur du problème au niveau local et souligne l’urgence de mesures à la fois immédiates et à long terme pour résoudre la crise financière des Ehpad.
Une analyse des causes profondes
Les Ehpad publics sont pris dans une tempête économique, exacerbée par l’inflation qui pèse lourdement sur les coûts opérationnels, tels que l’énergie et l’alimentation. À cela s’ajoute le fardeau des revalorisations salariales qui n’ont pas été entièrement compensées par les autorités. Le manque d’ajustement des tarifs d’hébergement, contrôlés par les conseils départementaux, a aggravé le déséquilibre financier, poussant de nombreux établissements au bord de la faillite.
Face à la montée continue des coûts liés à l’inflation, qui a vu les prix alimentaires grimper de manière alarmante de 11,8% et les coûts énergétiques augmenter de 5,6% en moyenne en 2023, la politique gouvernementale actuelle concernant le financement des Ehpad publics en France apparaît de plus en plus déconnectée des réalités économiques et sociales (Insee). Cette hausse des coûts, exacerbée par une inflation générale de 4,9% sur l’année (Insee), impose une pression insoutenable sur les budgets déjà serrés de ces établissements essentiels, compromettant ainsi la qualité des soins offerts aux personnes âgées.
L’augmentation modérée des prix des services à 3,0% ne parvient pas à couvrir les augmentations rapides des autres dépenses essentielles, montrant ainsi une lacune dans les ajustements tarifaires et un manque de soutien gouvernemental adéquat (Insee). De telles politiques, qui ne tiennent pas compte de l’évolution rapide du coût de vie, mettent en péril non seulement la santé financière des Ehpad, mais aussi la qualité de vie des résidents les plus vulnérables de notre société. La nécessité d’une réforme systémique et d’un ajustement des politiques de financement en réponse à ces défis économiques est impérative pour prévenir une crise plus profonde au sein du secteur du soin aux âgés.
Les professionnels de santé, les représentants des patients et les décideurs politiques expriment leurs inquiétudes. Des dirigeants d’Ehpad décrivent un quotidien de plus en plus contraint, où les ressources insuffisantes mettent en péril la qualité des soins offerts aux résidents. Les familles des personnes âgées résidant dans ces établissements partagent également leurs appréhensions quant à la pérennité et la qualité des soins.
Propositions et perspectives
En juillet 2023, la députée socialiste Christine Pires Beaune avait présenté un rapport parlementaire détaillant des propositions de réformes structurelles pour les EHPAD. Elle préconisait notamment la création d’une allocation unique et universelle ajustée selon les revenus des résidents, visant ainsi à rendre le système plus équitable et adapté. Ces mesures étaient conçues pour garantir une prise en charge adéquate pour tous les résidents en EHPAD, en prenant en compte leurs capacités contributives. Parmi les recommandations figurait également la fusion des sections soins et dépendance, ainsi que le transfert des dépenses actuellement supportées par les départements à la Sécurité sociale, dans le but de simplifier le cadre de pilotage et de régulation et de réduire les disparités territoriales dans le financement des EHPAD.
Les résultats d’une enquête nationale menée par la Fédération Hospitalière de France à la fin de l’année 2023 ont corroboré les alertes lancées précédemment par la députée socialiste et les maires bretons concernant la détérioration financière alarmante des EHPAD publics. Malgré une activité en hausse, près de 85% de ces établissements ont clôturé l’exercice 2023 avec un déficit, mettant ainsi en péril leur stabilité financière. Cette situation découle d’une augmentation alarmante des déficits, avec un niveau moyen par place d’EHPAD atteignant un montant record de 3 850 € en 2023.
Face à cette crise, la FHF a appelé à l’action, demandant une augmentation de 5% du forfait soin et des tarifs d’hébergement administrés par les Conseils départementaux, ainsi qu’une révision des règles socio-fiscales défavorables aux établissements publics. Le président de la FHF, Arnaud Robinet, a souligné l’urgence d’une stratégie pluriannuelle claire pour garantir une offre publique d’EHPAD adaptée aux besoins croissants de la population vieillissante, mettant ainsi en évidence la nécessité d’une action gouvernementale concertée pour assurer la pérennité et la qualité des soins aux personnes âgées dépendantes.
Face à cette crise, le gouvernement se tient au bord du précipice, à un moment décisif où chaque inaction équivaut à une négligence coupable. Il est impératif d’agir maintenant, de prendre des mesures concrètes pour répondre aux besoins urgents et pour entamer une transformation radicale du système de soins aux aînés.