Pas de détour pour Kévin Faure, ce jeudi matin en ouverture de la plénière du Département.
Hommage à Yvette Duval, inquiétudes sur Gaza, et une majorité interpellée sur son repli sur elle-même : le co-président du groupe Finistère & Solidaires a pris la parole pour rappeler les urgences du moment, pointer les angles morts de la politique départementale et défendre une autre manière de faire.
Pour cette plénière, Finistère & Solidaires choisit de s’emparer du sujet des collèges, en demandant une mission d’information chargée d’aller voir les conditions réelles dans les établissements, d’écouter équipes éducatives, élèves et familles, et de comprendre leurs besoins.
Dans ce cadre, la mission devra notamment se pencher sur la sécurisation des abords des collèges, la prévention des violences y compris numériques, l’éducation à la vie affective et sexuelle, le rôle des familles, ainsi que les difficultés liées à l’entretien et à la modernisation des bâtiments.
Autrement dit : Opposer le travail de fond à la mise en scène politique, dans un esprit de collaboration constructive.
Discours liminaire de Kévin Faure à la plénière du 26 juin.
« Monsieur le président, chers collègues,
Avant de débuter mon intervention, je voudrais à mon tour rendre hommage à notre collègue et camarade socialiste Yvette Duval, décédée il y a quelques semaines. Yvette Duval a été vice-présidente de cette collectivité durant la présidence de Pierre Maille, ainsi que maire de Plouzané, vice-présidente de la Métropole brestoise et conseillère régionale de Bretagne.
Au sein de cette collectivité, Yvette Duval a impulsé, avec Pierre Maille, une certaine idée de l’aménagement du territoire intégrant la dimension environnementale.
En créant, le 1er schéma départemental des déplacements en 2003, elle a permis la création du “car à 2€”, du développement du covoiturage et des aires de covoiturage. La reconstruction du pont de Térénez est également un combat qu’elle a su mener avec détermination.
Femme de dialogue et de conviction, Yvette Duval animait le débat comme élément essentiel de son engagement politique. Nous lui devons beaucoup.
En ce mois de juin 2025, les tensions géopolitiques et les crises mondiales s’intensifi ent, alimentant chez les Finistériens un sentiment de doute sur l’avenir de notre planète, aggravé par les dérèglements climatiques. Alors que nous développons à juste titre, y compris dans cette assemblée, le devoir de mémoire à l’occasion des 80 ans de la Libération, comment rester indifférent à ce qui se déroule dans certains territoires du Moyen-Orient ?
Comment accepter ce qui se passe à Gaza ? Que dirons-nous aux générations futures à qui nous enseignons aujourd’hui l’histoire des confl its du siècle dernier, alors qu’en 2025, nous restons inertes face aux attaques menées par le gouvernement de Benjamin Netanyahou contre la population palestinienne ?
La bande de Gaza, c’est un territoire grand comme les Monts d’Arrée, un dix-huitième de la superfi cie du Finistère. Un territoire minuscule… sur lequel on tue, où le droit humanitaire est bafoué, où des civils sont pourchassés — encore hier — en pleine distribution alimentaire. Là-bas, quand les bombes ne les tuent pas, c’est la faim qui les guette.
C’est une honte. Une honte dénoncée par la communauté internationale comme un crime de guerre. Et qu’on ne vienne pas instrumentaliser ce débat : défendre les droits du peuple palestinien, ce n’est ni de l’antisémitisme ni de l’antisionisme. Ce qui doit être dénoncé, ce n’est ni le peuple juif ni l’État d’Israël, mais les dérives meurtrières d’un gouvernement d’extrême-droite. Ce que nous portons ici, c’est une exigence d’humanisme.
À la crise du Proche-Orient s’ajoute celle des États-Unis, où depuis l’élection de Donald Trump, les reculs en matière de droits, de libertés et de sciences se multiplient : stigmatisation des minorités, chasse à l’étranger, interdictions pesant sur les chercheurs…
Lors de notre précédente séance, j’avais proposé que le Finistère s’engage dans l’initiative “Choose France For Science”, pour accueillir des chercheurs américains menacés. Hélas, nous ne l’avons pas fait, malgré la forte mobilisation de la communauté scientifi que locale. Je le regrette sincèrement.
Aujourd’hui, nous allons délibérer sur plusieurs politiques publiques importantes.
Nous examinerons l’acquisition d’une carrière à Berrien, en lien avec la sécurisation de l’alimentation en eau potable, un enjeu porté depuis longtemps par notre collectivité, et qui – vous le reconnaîtrez – n’a pas débuté en 2021. Ma collègue Armelle Huruguen y reviendra, elle qui s’est fortement investie sur ce dossier ces dernières années.
Vous nous proposez ensuite de délibérer sur 2 plans : la sécurité et la santé. Ces plans illustrent votre volonté de dépasser les compétences départementales et, on le verra, les délibérations sont finalement assez maigres pour trouver des solutions durables, pérennes et effi caces. Vous évoquez à l’instant que nous réclamons la fi n des interventions dans le cadre des compétences facultatives. C’est faux. Nous réclamons être forts sur nos compétences obligatoires, et intervenir là où on a un réel effet levier sur les compétences facultatives. Vous verrez sur le plan Sécurité et Santé, nous ne dirons pas qu’il ne faut pas intervenir, mais intervenir différemment. Je reviendrai tout à l’heure sur l’appel à projet Sécurité, et Matthieu Stervinou reviendra sur le plan santé.
Nous aurons aussi un bilan sur le plan Vélo et Marie-Pierre Jean-Jacques y reviendra. Mais aussi un point d’étape sur la mission d’inscription des Enclos Paroissiaux au patrimoine mondial de l’Unesco qui interroge fortement sur la capacité fi nancière réelle du Conseil départemental d’être à la hauteur des sommes considérables que nous allons devoir mobiliser dans les prochaines années. Gaëlle Zaneguy y reviendra.
Et enfin, le Compte Financier Unique qui montrera les écarts entre l’ambition exprimée en Février 2024 sur le budget primitif 2024 et la réalité de l’exécution budgétaire. On y verra notamment les écarts sur les dépenses de fonctionnement mais aussi sur les dépenses d’investissement ce qui témoigne que parfois, malgré les beaux graphiques, exécuter autant que prévu n’est pas toujours réaliste. Julien Poupon y reviendra.
Ce que cette séance va illustrer, c’est aussi une forme d’isolement dans votre manière de présider. Vous vous appuyez, certes, sur une relation avec les maires, mais vous oubliez trop souvent les professionnels, les autres collectivités, les acteurs de terrain. Ne permettant pas d’intervenir dans le champ de la prévention.
Or, dans une période où les relations entre l’État et les collectivités sont marquées par de fortes tensions — ce que vous reconnaissez désormais, après l’avoir nié durant le mandat précédent dans l’opposition et les premières années de ce mandat —, nous devons faire bloc au lieu de faire seuls.
Je vais prendre 4 exemples qui montrent que l’Etat est défaillant dans sa collaboration avec les collectivités locales.
– Le 18 Juin, “Départements de France” a appelé cette journée, la journée du Dépassement. Parce que passée cette date, les Départements en France doivent assumer seuls la solidarité nationale pour financer les prestations sociales comme le RSA, l’aide de compensation du handicap ou l’aide aux personnes âgées. On prend sur nos budgets, en défi cit de compensation par l’Etat d’aides qu’il a lui-même installé, et nous transfère la charge du fi nancement sans la compenser entièrement.
– 2ème exemple, à l’occasion du “Roquelaure de la simplifi cation”, le gouvernement a proposé un amendement visant à rendre facultatifs les CCAS. Quelle vision de l’action sociale de proximité a l’État quand il considère que les CCAS (et pourquoi pas demain les CDAS) peuvent devenir facultatifs, alors que les français n’ont jamais eu autant besoin d’accompagnement de proximité. Le gouvernement de François Bayrou voudrait dégrader l’accès universel aux droits et à un accueil digne pour les personnes les plus vulnérables, ils ne s’en prendraient pas différemment.
– 3ème exemple : Notre collectivité avait poursuivi l’Etat au tribunal administratif sur le manque de compensation suffi sante des dépenses de RSA alors que l’Etat avait ré-évalué à la hausse le montant du RSA en 2013 et 2017. La juridiction administrative a tranché ce mois-ci en notre défaveur et nous a débouté justifi ant que parce que les DMTO avait augmenté, le Finistère se retrouvait fi nalement gagnant budgétairement pour faire face aux dépenses de RSA. Quelle indignité! Penser qu’avec une ressource volatile comme les DMTO, cela doit permettre de fi nancer des dépenses de solidarité comme le RSA, c’est encore une belle ingénierie d’une technostructure totalement déconnectée de la réalité des fi nances publiques locales.
– Enfin, dernier exemple où l’Etat reste dans l’incantation, la santé mentale. La Haute Autorité de Santé l’a publié il y a quelques jours, il est crucial de développer davantage de collaboration entre la protection de l’enfance et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Alors que la conférence
internationale de Paris sur la santé mentale s’est tenue ce mois-ci, il a été acté que la santé mentale devait désormais être reconnue comme une priorité transversale à intégrer dans toutes les politiques publiques à l’échelle européenne. Quelles avancées ont été annoncées par le Gouvernement, à destination de la santé mentale, de la protection de l’enfance, des Départements ? Rien, absolument rien. Ce silence est assourdissant.
A l’ordre du jour de la séance, nous ne trouvons hélas aucune délibération dans le champ de l’action sociale…pourtant cela représente près de 60% de notre budget annuel, et notre besoin de politique de prévention dans le champ de l’action sociale n’a jamais été aussi important. Il manque aussi la présentation des nouveaux volets 2 du Pacte Finistère 2030, que vous signez dans chaque intercommunalité mais dont l’assemblée départementale n’a visiblement pas le droit d’en connaître puisque vous ne nous transmettez pas ces documents.
Des manques habituels qui s’ajoutent à votre manque de concertation, de dialogue et de collaboration.
Les plans présentés aujourd’hui en témoignent, vous êtes animés par une envie de répondre rapidement aux attentes des Finistériens – ça, c’est plutôt louable – mais sans prendre le temps du dialogue, du diagnostic partagé et de la concertation. Cela se voit, et ce n’est pas seulement votre opposition qui vous le dit, cela vous est également reproché par les acteurs eux-même. Le risque, c’est de donner un faux sentiment d’avancées concrètes aux Finistériens qui, fi nalement seront frustrés. Décevoir c’est au fi nal bien pire que de prendre le temps de bien faire.
Vous avancez aussi avec une folle envie de pouvoir bénéfi cier urgemment d’un bilan positif de chacune de vos initiatives, alors que la politique réclame souvent le temps long pour observer des bilans sincères de l’action publique.
Je vous invite donc davantage à faire confi ance au “Faire ensemble”, à écouter, respecter, agir en transversalité et en complémentarité. Les partenariats ne sont pas des gros mots, ils sont à la racine même d’une action publique locale effi cace et durable.
A ce chapitre du “Faire ensemble”, nous y prenons notre part. et c’est le sens de la demande de Mission d’Information et d’Evaluation sur les collèges du Finistère que nous vous proposons au vote aujourd’hui. Et je souhaite bon courage aux collégiens qui planchent sur leurs épreuves du brevet actuellement.
Pourquoi cette proposition ? Parce que les enjeux éducatifs sont déterminants pour notre territoire. Parce que les mutations démographiques, les évolutions
sociétales, les transformations pédagogiques et les attentes croissantes des familles nous obligent à porter un regard lucide et renouvelé sur l’action du Département.
Nous sommes 26 élus départementaux, issus de 13 cantons différents sur les 27 du Finistère. Ensemble, élus des groupes d’opposition nous siégeons dans 36 collèges publics sur les 62 que compte le Département, c’est-à-dire dans 60 % des établissements.
Nous sommes, comme chacune et chacun d’entre vous, au contact du terrain, dans les conseils d’administration, aux côtés des équipes éducatives, des familles et des élèves. Cette proximité nous engage. Elle nous oblige.
Notre volonté n’est pas de créer une commission de plus. Elle est d’outiller collectivement notre assemblée pour mieux comprendre ce qui se vit dans les collèges du Finistère, et ainsi mieux anticiper les réponses à construire.
Cette Mission, nous la voulons pluraliste, collégiale, objective.
Elle permettrait :
· D’éclairer les élus sur les réalités de terrain et les défi s à venir,
· D’approfondir certains sujets sensibles ou émergents, comme :
o La sécurisation des abords des collèges,
o La prévention des violences, y compris dans leur dimension numérique,
o L’éducation à la vie affective et sexuelle,
o Le rôle des familles et de la parentalité dans le parcours éducatif,
o L’évaluation des politiques comme la tarifi cation sociale de la restauration scolaire,
o Ou encore les diffi cultés d’exécution du Plan Pluriannuel d’Investissement pour l’entretien et la modernisation du bâti.
Elle permettrait aussi de poser les bases d’un véritable suivi des politiques éducatives départementales, en lien avec les acteurs de la communauté éducative, les rectorats, les équipes de terrain, les familles, les associations.
Le tragique assassinat de la surveillante Mélanie à Nogent, les cas de violences récemment révélés à Bétharram mais aussi au Kreisker à St Pol de Léon ou à St Pierre au Relecq-Kerhuon, les tensions autour de la carte scolaire… autant de signaux d’alerte qui justifi ent que nous prenions collectivement le temps de l’analyse, de la compréhension et de la projection.
Enfin, et cela mérite d’être souligné : nos projets politiques sont arrivés à quasi-égalité en 2021. Cela implique, de part et d’autre, une capacité à construire ensemble. Cette proposition de mission, c’est une main tendue, une invitation à travailler en concorde, dans l’intérêt supérieur de nos jeunes et de leurs conditions de réussite.
Nous ne vous demandons pas un chèque en blanc, ni de valider une orientation politique. Nous vous proposons simplement un cadre rigoureux de travail commun, avec pour seul objectif : mieux faire, ensemble.
Je vous invite donc Monsieur le Président, à davantage faire confi ance au travail collectif, pour l’intéret général. Nous y sommes prêts, nous continuons à vous faire des propositions depuis le début de ce mandat. Il vous appartient désormais de les accepter.
Je vous remercie. »