Fiscalité locale : L’épineuse question du coefficient correcteur

Face aux inquiétudes croissantes des élus locaux concernant les mécanismes de compensation financière entre les communes, la question de la réforme du coefficient correcteur émerge. Ce dispositif fiscal central, visant à équilibrer les ressources communales post-suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales, suscite un débat crucial dans le paysage complexe de la fiscalité locale. Dans ce contexte, un sénateur a interpellé le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires via une question écrite sur la nécessité d’une réforme du coefficient correcteur.

La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) a entraîné une perte de ressources pour les communes, compensée depuis 2021 par le transfert de la part départementale de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Cependant, le montant de TFPB départementale transféré ne correspond pas toujours à la perte de ressources de THRP de la commune, créant des situations de surcompensation ou de sous-compensation.

Le coefficient correcteur a pour objectif de corriger ces écarts, en veillant à ce que le produit des nouveaux impôts, notamment le foncier bâti, corresponde aux revenus préexistants de la commune, incluant la taxe d’habitation et sa part de foncier bâti. Malgré cela, ce mécanisme suscite des critiques de la part des élus locaux, des études économiques et des spécialistes de la fiscalité, ainsi que de l’association des maires ruraux.

Les critiques portent principalement sur les effets de seuils qui affectent le coefficient au-delà d’un certain montant, ainsi que sur le déséquilibre entre les communes rurales et urbaines. Les élus locaux déplorent également une perte de lien entre la fiscalité locale et le territoire.

Face à ces critiques, plusieurs réformes sont envisageables, notamment une révision du calcul du coefficient correcteur, l’introduction de seuils différenciés selon le type de commune, ou une plus grande transparence dans la communication des données fiscales.

Le sénateur a donc interrogé le gouvernement sur la possibilité d’ajustements du coefficient correcteur pour rétablir un meilleur équilibre et accroître sa transparence.

Voici la réponse apportée par le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique le 22/02/2024.

La loi de finances (LFI) pour 2020 a prévu les modalités de suppression progressive de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences principales ainsi que l’introduction d’un nouveau schéma de financement des collectivités locales à compter de 2021. Suivant l’objectif de garantir aux communes une compensation à l’euro près, un mécanisme d’équilibrage a été institué par le paragraphe IV de l’article 16 de la LFI précitée. Ce « coefficient correcteur » (COCO) vise à neutraliser tant les sur-compensations que les sous-compensations communales. Il a été appliqué en trois étapes, dont les deux premières sont définitives :

  • Le calcul de la sous-compensation ou sur-compensation initiale, où le rapport entre le produit TH à compenser (bases 2020 multipliées par les taux 2017) et le produit de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à recevoir permet d’identifier les communes surcompensées et les communes sous-compensées ;
  • Le calcul du coefficient correcteur proprement dit, qui permet de retrouver un produit équivalent aux anciens produits de TH en valeur 2020. Pour les communes surcompensées, le coefficient correcteur est inférieur à 1 et inversement ;
  • Chaque année, l’application du coefficient est actualisée en considérant le rapport entre le taux de TFPB appliqué au titre de l’année et la somme des taux de TFPB 2020 (communal et départemental). Le coefficient correcteur s’applique ainsi, chaque année, aux recettes de taxe foncière de la commune et le complément ou la minoration en résultant évolue dans le temps avec la base d’imposition de la taxe foncière.

Les communes pour lesquelles la surcompensation est inférieure ou égale à 10 000 euros ne sont pas concernées par ce mécanisme d’ajustement, l’État se substituant à leurs contributions. L’équilibre de cette architecture de compensation implique, par conséquent, une stabilité des modalités de calcul du coefficient correcteur. Les mesures envisagées, tout particulièrement la correction de l’effet de seuil, iraient à l’encontre de l’objectif poursuivi.

En premier lieu, sous couvert de lissage d’effets de seuil, la mesure suggérée aboutirait à garantir 10 000 euros de surcompensation pour chacune des communes concernées, à la charge de l’État. En l’état, 6 732 communes ont une surcompensation inférieure ou égale à 10 000 euros et 17 560 bénéficient d’une surcompensation supérieure à 10 000 euros. Le coût budgétaire s’élèverait ainsi à 175 millions d’euros pour l’État, assimilable à une dotation de droit commun.

En second lieu, il n’est pas envisageable de surcompenser, par le jeu d’un arrondi à l’excès supérieur, certaines communes, qu’elles soient d’origine rurale ou non, par le transfert fictif d’une part additionnelle qui ne leur est historiquement pas due, en conservant en parallèle le bénéfice de la surcompensation pour les communes se situant en-deçà de la tranche des 10 000 euros. Les dispositifs de péréquation horizontale et verticale sont plus appropriés pour satisfaire l’objectif poursuivi par l’amendement.

En troisième lieu, le gain de 10 000 euros pour les communes surcompensées, équivaut à un effort conséquent de l’État. En raison de son caractère évolutif, résultant de l’application chaque année du coefficient au produit de TFPB de chaque commune en prenant en compte le dynamisme des bases, le coefficient correcteur augmente de 0,58 milliards d’euros à 0,70 milliards d’euros entre 2021 et 2022, soit une évolution substantielle de 20 %. Il est donc complété d’un abondement de l’État afin d’équilibrer le solde du dispositif.

En dernier lieu, les précédents ajustements du coefficient correcteur ont d’ores-et-déjà été apportés dans un sens systématiquement favorable aux collectivités territoriales. Il a été ajouté à la règle de calcul du coefficient correcteur le produit de la part de taxe affecté au syndicat de communes au titre de sa contribution lorsque la commune a choisi de financer le syndicat par une contribution fiscalisée. La nouvelle méthode d’évaluation des valeurs locatives des locaux industriels a été intégralement neutralisée dans le calcul du coefficient correcteur de compensation. Pour limiter l’incidence de la crise sanitaire sur les travaux de mise à jour des bases d’imposition à la TH au titre de 2020 ont été intégrés dans le panier de ressources supprimées les rôles supplémentaires de TH émis jusqu’au 15 novembre 2021 (alors qu’initialement n’étaient pris en comptes que les rôles supplémentaires émis en 2020).

Publiée dans le JO Sénat du 22/02/2024 – page 686

Alors que les collectivités locales naviguent dans le paysage réformé du coefficient correcteur et des mécanismes de compensation financière, l’importance d’une évaluation continue et d’un dialogue constructif entre les élus locaux et l’État devient évidente. Cet effort conjoint est indispensable pour affiner ces dispositifs en tenant compte des dynamiques territoriales, assurant ainsi que les stratégies adoptées servent effectivement les aspirations des communautés locales, tout en promouvant une gestion fiscale juste et une solidarité accrue à travers le territoire.

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