La mission d’information du Sénat sur la gestion durable de l’eau a présenté le 12 juillet ses 53 propositions. Ces propositions visent principalement les collectivités, abordant des sujets tels que l’urbanisme, la protection de l’eau potable, l’assainissement et la réutilisation des eaux usées. Les collectivités seraient également sollicitées pour prévenir les conflits relatifs aux retenues d’eau.
Voici les principales conclusions du rapport sénatorial.
La gestion efficace d’une ressource rare et convoitée par de nombreux acteurs est au cœur des propositions de la mission d’information sénatoriale en faveur d’une gestion durable de l’eau. La mission propose notamment que les documents d’urbanisme intègrent davantage la politique de l’eau. Elle suggère ainsi de soumettre les Sraddet et les Scot à l’avis des comités de bassin et des commissions locales de l’eau (CLE). Dans cette optique, des CLE de préfiguration devraient être créées dans chaque sous-bassin. Hervé Gillé, sénateur PS de Gironde, a souligné lors de la conférence de presse que même dans les territoires plus petits, ces instances dédiées à l’eau pourraient adopter des SAGE simplifiés et plus flexibles.
La protection de l’eau potable est une priorité : Pour faire face aux besoins en cas de crise, il est essentiel de connaître la ressource en eau ainsi que les prélèvements effectués. La mission propose ainsi la mise en place d’un comptage en temps réel des prélèvements d’eau destinés à l’eau potable et à l’irrigation. Elle estime également que l’État devrait rapidement préciser les usages prioritaires, qui se résument selon la mission à l’eau potable et au refroidissement des centrales nucléaires.
En ce qui concerne l’eau potable, la mission recommande d’établir des objectifs de rendement pour les réseaux et de renforcer les contrôles sanitaires afin de détecter les polluants émergents. Hervé Gillé a souligné l’importance d’être exigeant en matière de qualité de l’eau, en renforçant notamment la protection des captages prioritaires, qui sont au nombre de 500 à ce jour. L’objectif est de protéger l’ensemble des zones de captage dans un délai de 10 ans.
Des contrats d’engagements réciproques entre les utilisateurs : Pour atteindre ces objectifs, le sénateur propose d’engager tous les acteurs dans des initiatives collectives en appliquant le principe du pollueur-payeur et en mettant en place des paiements pour services environnementaux (PSE). Il recommande également la création de « contrats d’engagements réciproques » à l’échelle des bassins et sous-bassins pour tous les usages, qu’ils soient industriels, agricoles, liés à l’eau potable ou à l’assainissement.
Ainsi, la création de réserves agricoles serait conditionnée par la signature de ces contrats d’engagements réciproques. Ils porteraient sur des changements de pratiques visant à promouvoir une utilisation plus sobre de la ressource en eau, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Cet outil permettrait d’éviter les conflits, comme celui observé à Sainte Soline. Le rapporteur insiste sur la nécessité de privilégier un soutien public aux projets de réserves, assuré par les collectivités ou des syndicats mixtes, et d’adopter une approche multi-usages (soutien des débits minimums, approvisionnement en eau potable, irrigation agricole, loisirs).
La question du modèle économique est également abordée. Selon le sénateur, le projet de Sainte Soline est proche de la limite de rentabilité avec 16 réserves pour 70 millions d’euros. Le coût par mètre cube est élevé. Les sénateurs ne soutiennent pas un moratoire sur ce projet controversé, contrairement aux opposants, mais ils approuvent la demande de l’agence de l’eau Loire-Bretagne de réunir tous les acteurs concernés d’ici la fin de l’année. Ils proposent également de confier aux comités de bassin une mission de médiation dans les conflits liés à l’eau.
La réutilisation durable des eaux usées : Les propositions relatives à l’assainissement sont plus traditionnelles. Elles visent à promouvoir les aménagements favorisant l’infiltration des eaux pluviales afin de retarder les problèmes de saturation des égouts et de débordement des stations d’épuration lors des orages. La mission recommande également de regrouper les petites unités d’assainissement pour faire face aux futurs investissements importants. Selon elle, les stations desservant moins de 2 000 habitants ne sont pas viables à moyen terme.
La mission propose également de favoriser la réutilisation des eaux usées traitées en passant d’une logique d’autorisation expérimentale à une logique d’autorisation pérenne. Elle insiste pour que les avis défavorables des Agences Régionales de Santé (ARS) soient motivés et pour consolider les ressources financières des agences de l’eau afin de soutenir financièrement les études et travaux liés à ce sujet.
La question du plafond des ressources financières des agences de l’eau est soulevée. Le rapport demande la suppression du « plafond mordant » d’ici la fin de 2023, alors que le Plan Eau prévoit cette suppression à partir du prochain programme d’intervention à partir de 2024. Selon Hervé Gillé, cette suppression pourrait être votée dans le cadre du prochain projet de loi de finances en 2024. Le rapport propose également d’augmenter les redevances pour les rejets industriels, notamment pour les médicaments et les cosmétiques.
Ces propositions seront présentées au ministère de l’Écologie, entre autres, et pourraient être intégrées à la stratégie du Plan Eau dans le cadre de la planification écologique. Elles pourraient également donner lieu à des propositions de loi, conclut le rapporteur.