Auparavant élue locale en Normandie, puis parlementaire, Estelle Grelier est aujourd’hui secrétaire d’Etat en charge des collectivités territoriales. Elle sera l’invitée de l’UESR du Finistère, demain, jeudi 2 mars à La Roche-Maurice* à l’occasion de notre assemblée générale annuelle. Avant de débattre directement avec vous, élus, à cette occasion, elle répond à quelques questions.
Lors de son investiture en mai 2012, Le Président de la République avait annoncé un acte III de la décentralisation. Pensez-vous que cette ambition a été réalisée au cours de ce quinquennat ? Doit-on aller plus loin, comme vous le dîtes dans une note publiée récemment par la Fondation Jaurès (Lire la tribune sur www.jean-jaures.org) ?
Absolument. La réforme territoriale est une réforme majeure de ce quinquennat. Menée en concertation avec les parlementaires et les élus locaux, elle aura profondément rénové notre organisation territoriale pour l’adapter à la réalité de vie des citoyens.
Les élus aspirent aujourd’hui à une certaine stabilité institutionnelle. Mais stabilité ne veut pas dire immobilisme et la Gauche, qui a toujours fait progresser l’émancipation des territoires, doit continuer à penser la décentralisation.
Vos propositions ont-elles vocation à être portées par le candidat socialiste lors de cette campagne présidentielle ?
Les propositions sur l’avenir des territoires, que j’ai formulées dans ma note publiée par la Fondation Jean Jaurès, ont vocation à alimenter le débat au sein de ma famille politique qu’est le Parti socialiste. Il revient à Benoît Hamon de décider s’il souhaite intégrer ces propositions dans son projet présidentiel.
Que pensez-vous du programme des autres candidats à cette élection présidentielle pour les collectivités territoriales ?
Les enjeux territoriaux sont, à ce stade, absents des débats en vue de l’élection présidentielle, même au sein de ma famille politique et je le regrette. La droite ne parle que de plans d’austérité - qui signent la fin de la DGF forfaitaire pour les communes, de suppression de fonctionnaires – en violation du principe de libre administration des collectivités, et de la suppression de 30 000 communes.
De votre côté, quel bilan tirez-vous de ce quinquennat pour les collectivités françaises avec notamment les lois NOTRe et MAPTAM ? Quels changements fondamentaux apportent-elles ?
La décentralisation est un sujet qui mérite d’être continuellement interrogé pour que notre organisation territoriale puisse s’adapter aux attentes des citoyens et aux évolutions de la société. C’est ce que fait la gauche chaque fois qu’elle exerce le pouvoir au niveau national. Ce quinquennat aura notamment permis de clarifier la répartition des compétences, maintes fois promise, jamais engagée et que nous avons menée à bien.
Les Régions ont désormais une taille adaptée pour rayonner au niveau européen et sont dotées de compétences stratégiques essentielles dans l’aménagement du territoire et le développement économique. Les Départements sont confortés dans leurs missions de solidarités humaines et territoriales. Les intercommunalités, qui ont vu leurs compétences renforcées, pilotent désormais à une échelle plus adaptée l’organisation des services publics de proximité. Enfin, la commune est confortée avec le maintien de la clause générale de compétence et reste l’échelon principal de la démocratie de proximité.
Vous avez dû, comme ministre, défendre les deux dernières lois de finance. Qu’est-ce que ces deux dernières lois ont changé pour nos collectivités ?
Ces lois s’inscrivent dans la continuité des réformes que nous avons engagées durant ce mandat. Contribution des collectivités au redressement des comptes publics, à due proportion de leur poids dans la dépense, mais dans le même temps augmentation inédite du soutien à l’investissement local et des mécanismes de péréquation. S’il n’est pas possible de les détailler toutes ici, ces mesures visent à accompagner les évolutions territoriales tout en assurant une meilleure équité entre collectivités, dans l’attente d’une réforme globale de la DGF qui fera l’objet d’une loi spécifique. La réforme de la DSU, effective depuis la dernière loi de finances, en constituait d’ailleurs la première étape.
Vous avez notamment aligné le montant de la dotation de solidarité rurale sur le montant de la solidarité urbaine, y-avait-il un besoin de plus grande péréquation ?
Ces mesures étaient attendues et font l’objet d’un assez large consensus. Dans un contexte de contrainte financière accrue, il convenait de renforcer la solidarité entre collectivités afin de préserver les collectivités les plus fragiles.
Les élus communaux se sentent aujourd’hui dépossédés de beaucoup de compétences au profit des intercommunalités. Il y a eu, dans le Finistère notamment, beaucoup de démissions dans les équipes municipales depuis 2014. Constituer des listes en 2020 constituera un vrai défi dans certaines communes. Comment donner envie aux citoyens de s’investir dans un conseil municipal?
Tout d’abord, les élus intercommunaux sont des élus communaux et il n’y a ainsi pas lieu d’opposer les collectivités au sein du bloc local.
Ces élus peuvent faire valoir leurs points de vue dans les assemblées communautaires puisque chaque commune est représentée. Il faut désormais, dans le cadre d’intercommunalités renforcées, organiser les solidarités entre les communes pour que toutes aient les moyens d’agir, dans l’intérêt général. Œuvrer dans l’intérêt général, c’est une mission passionnante et une motivation de chaque instant : c’est ce qui anime les élus locaux et, je crois, doit continuer à pousser toujours plus de citoyens à s’investir dans les affaires de leur commune.
Quel rôle pour les communes selon vous à l’horizon 2020 ?
Tout d’abord, je ne crois pas, comme François Fillon, que la suppression de 30 000 communes soit une bonne chose, ni pour l’organisation territoriale de notre pays, ni pour la démocratie. La commune est le premier échelon de la démocratie et de la gestion de proximité. Notre formidable maillage communal, si l’on y développe les outils d’une participation citoyenne efficace, constitue une force démocratique incroyable.
La réforme territoriale du quinquennat a incité les communes à se marier pour réduire leur nombre. Quel bilan tirez-vous à ce stade et est-ce qu’il faudra continuer le mouvement dans l’avenir ?
C’est une véritable réussite, d’initiative parlementaire puisque ces lois ont été portées par Jacques Pélissard et Christine Pirès-Beaune. Elle a permis de modifier le dispositif des communes nouvelles pour le rendre plus attractif. Rares étaient ceux qui anticipaient un tel succès : au 1er janvier 2016, plus de 1 700 communes historiques ont fusionné en 518 communes nouvelles, représentant 1,8 millions d’habitants.
Les raisons de ce succès s’expliquent sans doute par le caractère volontaire de la démarche, mais aussi parce qu’entre des Régions et des intercommunalités étendues, certains élus ont estimé que les fusions permettront à leurs communes de mieux peser.
Les intercommunalités ont désormais un rôle pivot sur les territoires. Doit-on aller jusqu’au suffrage universel pour les EPCI ?
Le fléchage est un mode de désignation des conseillers communautaires qui est une avancée, mais encore insuffisante. Nous l’avons constaté lors des municipales de 2014 : les projets communautaires n’étaient peu ou pas débattus et les assemblées élues ne se sont pas féminisées. Je suis donc favorable à un scrutin direct sans fléchage, à la hauteur des enjeux portés par l’intercommunalité.
La fin des Départements avait été annoncée pour 2020. Aujourd’hui, leur rôle a été renforcé dans les politiques de solidarité. Leur avenir n’est plus remis en cause ?
L’avenir des Départements fera l’objet d’un débat après 2020. Avec la nouvelle délimitation des Régions, il convenait de conserver un échelon de proximité pour l’exercice de certaines compétences. Toutefois, entre des intercommunalités et des régions renforcées, le Département devra encore évoluer. Je plaide pour qu’il devienne le niveau de la coordination entre les intercommunalités.
Manuel Valls, lors du congrès de l’ARF en septembre dernier alors qu’il était Premier ministre, a annoncé une nouvelle ressource pour les Régions, avec une fraction de la TVA. Quand est-ce que cette mesure doit entrer en vigueur et qu’est-ce que cela va changer concrètement pour les Régions ?
Il s’agit d’une mesure décentralisatrice et progressiste : elle dote les Régions de ressources dynamiques et d’une véritable autonomie fiscale. En attendant l’entrée en vigueur de cette réforme en 2018, un fonds exceptionnel de soutien aux Régions est mis en place pour leur permettre d’exercer pleinement leurs nouvelles compétences.
*Assemblée générale de l’UESR 29, le 2 mars à 18h à l’Espace Roc’h Morvan, allée du Pontois, à la Roche-Maurice.