JEAN-PAUL VERMOT AU CONSEIL DE L’EUROPE : LA DROGUE, UN POISON SOCIAL QUE LES VILLES NE PEUVENT PLUS AFFRONTER SEULES

À Strasbourg, du 28 au 30 octobre, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a tenu sa 49e session. Pendant trois jours, maires, présidents de régions et représentants de 46 États membres ont échangé sur les défis qui pèsent aujourd’hui sur les territoires européens : le logement, la cohésion sociale, la participation citoyenne, mais aussi la montée du narcotrafic. Ce dernier sujet, abordé le 29 octobre, a donné lieu à un débat dense où s’est exprimé Jean-Paul Vermot, maire de Morlaix, aux côtés d’élus venus de toute l’Europe.

Le constat est désormais partagé : la drogue ne frappe plus seulement les grandes métropoles. Elle se propage dans les villes moyennes, s’installe dans les bourgs et jusque dans les campagnes, fragilisant les liens sociaux et exposant les jeunes à de nouvelles formes de précarité. Ce glissement du trafic vers des zones autrefois épargnées inquiète les maires, qui voient leurs moyens d’action s’amenuiser alors que la pression sur le terrain s’intensifie. Le sous-financement chronique des forces de l’ordre et du système judiciaire laisse les communes en première ligne, souvent seules face à des réseaux toujours plus structurés.

Dans l’hémicycle du Conseil de l’Europe, les élus présents ont appelé à repenser l’action publique. Beaucoup plaident pour une approche équilibrée entre prévention, accompagnement social et coordination des acteurs locaux. La lutte contre la drogue ne peut plus être pensée comme un simple volet de la sécurité, ont rappelé plusieurs intervenants, mais comme une question de santé publique et de cohésion territoriale.

Le représentant suisse du Groupe Pompidou, Lucien Colliander, a pris la parole pour rappeler combien la coopération européenne reste essentielle. Il a présenté les résultats du programme mené à Zurich et à Genève, où la combinaison d’actions policières ciblées, de dispositifs de réduction des risques et de structures d’accueil pour les usagers a permis de faire reculer à la fois les trafics visibles et la violence. L’expérience helvétique montre, selon lui, qu’une politique locale fondée sur la transparence, l’écoute et l’engagement citoyen peut produire des effets durables.

C’est dans cet esprit que Jean-Paul Vermot, maire de Morlaix, a pris la parole pour porter la voix d’une ville moyenne bretonne, confrontée elle aussi à ces nouvelles formes de trafic.. Il a rappelé devant les membres du Congrès que la réponse ne pouvait être uniquement répressive : « L’Europe doit reconstruire le tissu social, soutenir les jeunes en décrochage scolaire et accompagner les usagers par des politiques locales concertées et innovantes ». Cette conviction, largement partagée par les élus présents, repose sur un constat simple : aucune commune n’est désormais à l’abri, et la prévention reste la meilleure protection.

Lors d’une interview Mediabox enregistrée durant la session, le maire de Morlaix a illustré concrètement la manière dont sa commune fait face. « On a peut-être une chance plus grande que dans les grandes villes : celle d’avoir encore une vie de village, explique-t-il. Le nerf du combat contre le narcotrafic, c’est l’information. À Morlaix, les alertes remontent vite. Les habitants viennent parler, les élus connaissent les quartiers. C’est ce lien de confiance qui nous a permis de démanteler deux points de deal en quelques jours ».

Mais, prévient-il, ce répit reste fragile : « Il n’y a plus un seul territoire protégé du narcotrafic. Les villages aussi sont touchés. Les points de deal de nos communes servent parfois de relais aux réseaux des grandes villes. On est tous embarqués dans la même difficulté, avec des niveaux de violence variables, mais bien réels ».

Son témoignage a trouvé un écho chez de nombreux élus. Le bourgmestre belge Christian Lamouline, président de l’Association des communes de Bruxelles, a alerté sur la multiplication des violences liées au trafic : 57 fusillades et plus de 1 200 arrestations depuis 2022 dans la capitale belge. Il y voit la manifestation d’un système désormais transnational, où les flux financiers, les trafics et le blanchiment d’argent s’entremêlent. D’autres délégués, à l’image de la Luxembourgeoise Sarah Mackel, ont insisté sur la nécessité de renforcer les politiques de prévention et le soutien psychosocial, trop souvent affaiblis par les restrictions budgétaires.

De ce débat, une ligne de force s’est dégagée : la lutte contre la drogue ne se gagnera pas dans les seuls commissariats. Elle se jouera d’abord dans les villes et les villages, là où l’école, la culture, le sport, les associations et les élus de proximité maintiennent vivante l’idée de communauté.

À Strasbourg, Jean-Paul Vermot a parlé comme parlent les maires : avec les mots du quotidien, ceux du terrain. Il a rappelé que derrière les politiques publiques et les chiffres, il y a des visages, des jeunes en difficulté, des familles inquiètes et des élus souvent isolés mais déterminés. Son intervention s’inscrit dans une réflexion européenne plus large : celle d’un réseau de collectivités convaincues que les réponses locales, humaines et concertées restent la meilleure défense contre un fléau global.

Pour aller plus loin

Crédit photo : © Conseil de l’Europe – Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Strasbourg, octobre 2025.

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